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Au lieu de quoi, il est là, planté sur le trottoir, il vient juste de lire le texto de Fabrice. Je t’attends à l’intérieur avec Sonia. Deux femmes très grandes, sexy et très maquillées, entrent sans hésiter suivies par un homme et une femme, puis par des couples d’hommes. Il n’est pas 20 heures. Sa première journée sans famille doit-elle vraiment finir de cette façon qui lui paraît étrange et même légèrement répugnante, sans qu’il l’ait complètement décidé ? L’Entre-deux. Il lit et relit le nom de la boîte qui s’affiche en néons roses. Fabrice avait précisé en riant, t’inquiète, si moi j’y vais, tu peux être certain que c’est tout public. Il pensait être capable d’entrer avec naturel, comme les autres, mais il hésite bêtement, à regarder les gens arriver. Il porte un vieux jean, un polo gris passablement usé et de vieilles chaussures de ville.
Afficher en entierPour se donner une contenance, il regarde s’inscrire les numéros des trains et les destinations. Les voies s’annoncent, et toutes les trois ou quatre minutes, la liste remonte d’un cran. Il reste là jusqu’à ce que Genève grimpe en haut de la liste et disparaisse. Le train de Justine et des enfants a depuis longtemps atteint les franges de banlieue verte où se découd la cité. Il reste planté là, gêné par son rire de tout à l’heure, comme lorsqu’on proclame dans la colère quelque chose qu’on ne pense pas vraiment, mais un peu quand même. Pourtant, dans la salle des pas perdus, il est déjà retourné à l’anonymat. Autour de lui, les gens marchent vite en tirant des bagages et de petits enfants. Son rire fou s’est dispersé avec ceux qui l’ont entendu, soluble dans la foule, tout compte fait.
Afficher en entierChristophe recule et, dans le boucan du train qui s’ébranle, il sent les wagons lui arracher un poids immense. Le train disparaît dans la lumière à la sortie de la verrière du hall, avec l’agitation des enfants et l’agacement de Justine. Il reste seul sur le quai avec sa mission désespérante. Un souffle d’air chaud traverse la gare, dans un silence de western. Une envie de rire venue il ne sait d’où monte comme un flot irrépressible et incongru. Qu’il est jubilatoire de céder à ce rire pas possible, ce rire dément surgi du fond de la gorge qui remplit le hall, enfle et rebondit sur les verrières, et qui revient, démesuré, libératoire.
Afficher en entierMais que se passe-t-il, pourquoi ne démarre-t-il pas, ce train plein d’enfants et de bagages ? L’effort qu’il faut faire ! Empêcher ses jambes de fuir la fenêtre, de longer le quai, quitter la gare et courir à travers la ville jusqu’à n’en plus pouvoir, courir dans les rues indolentes d’été, libre dans les rues comme autant d’injonctions à n’aller nulle part.
Afficher en entierLe train numéro 8432, en direction de Paris, départ prévu à 9 h 37, va partir. Les personnes accompagnant les voyageurs sont priées de descendre.
J’y vais, ma chérie.
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