Le plan de Griffont était assez fou pour, d'une part, plaire à la baronne et, de l'autre, fonctionner.
C'était un plan typique de la manière dont les magiciens raisonnent. Face à un problème, le commun des mortels cherche à le résoudre en l'éliminant. Les magiciens, eux, cherchent à le résoudre en le rendant tolérable. Cela tient essentiellement à ce qu'ils n'ont pas le culte de la normalité et qu'ils savent que la réalité n'est pas cette chose figée en laquelle tout le monde croit.

- Mon garçon, je suis vieille et sérieuse. Le temps, oh... Il est notre pire adversaire. Ne le croyez pas quand il vous souffle d'attendre, c'est une ruse. Une ruse qu'il faut prendre comme une leçon.

Un éclair vertical ravagea la nuit d'une incandescence bleuâtre, la foudre frappa la tour au milieu du lac avec une fureur qui empestait le souffre, et, quand éclata là-dessus le fracas du tonnerre, tous eurent l'impression que les ténèbres chancelaient.
Et la mort fut d'un bond sur eux.

Dans le train du retour, j'essayai de lire ce cadeau. L'enfance a cette vertu de ne pas essayer de répondre à la sotte question : "Est-ce que j'aime ? " Il s'agissait pour moi de découvrir.

Aussi, tout sourd qu'il était, savourait-il en véritable pape les acclamations de cette foule qu'il haïssait pour s'en sentir haï.

Il importe de lutter contre la certitude d'avoir raison.

Je regardais M. Chantal et il me semblait que je pénétrais dans son esprit, que je pénétrais tout à coup dans un de ces humbles et cruels drames de coeurs honnêtes, des coeurs droits, des coeurs sans reproches, dans un de ces coeurs inavoués, inexplorés, que personne n'a connus, pas même ceux qui en sont les muettes et résignées victimes.
-Mademoiselle Perle-

C'était un mal étrange que de souffrir pour un pays, car les pays n'ont pas de substance. Seuls les fous et les français ressentaient l'existence d'une nation. Les gens rationnels se contentaient d'accepter celui qui les commandait puis mesuraient les avantages et les inconvénients de leur soumission. Les lignes de frontière étaient invisibles et mouvantes. Elles englobaient des peuples qui ne parlaient pas la même langue, qui ne pratiquaient ni la même religion ni la même tradition et dont les intérêts étaient parfois divergents. Seuls les maîtres étaient à même de s'émouvoir de l'amputation d'une nation car, au fond, ils étaient les seuls à profiter du concept.

Là tout de suite, je me détestais. Je me détestais d'y avoir cru. D'avoir eu confiance. D'avoir éprouvé des sentiments. Jamais plus je ne voulais éprouver ce genre de sentiments. "Mieux vaut souffrir d'avoir aimé que n'avoir jamais aimé" ? Quelle connerie ! Quel crétin ce Shakespeare !

Les grands romanciers ont constaté que, si les femmes obtiennent des hommes des serments absolus, la plupart du temps, les hommes sont parjures. Les uns et les autres ne leur accordent pas la même valeur. [...] Peut-être que la nouveauté dans le roman moderne, miroir de son époque, est d'avoir permis aux femmes de se renier elles aussi, de trahir comme les hommes et de devenir solitaires.

Elle ne manifestait pas l'ombre d'un doute ou d'une hésitation. Son enthousiasme balayait mes certitudes. Les gens cartésiens sont ennuyeux. Sa fantaisie était belle.

-Cela se trouve où votre bout de la nuit?
-Au fond de la prochaine bouteille que je vais commander, ou de la suivante, je ne peux encore rien vous promettre.

Ce sont les plus grands fils de putain de la terre et ils ont du courage, juste ce qu'il faut pour t'empêcher de les mépriser jusqu'au bout. (Tristement.) C'est un casse-tête. (Il boit.) Les vertus et les vices ne sont pas équitablement répartis.

Alors, écoute ce que je ferais : j'irais trouver tes assassins un à un, je les ferais brûler d'amour et quand ils croiraient enfin pouvoir consoler ma langueur hautaine et désolée je leur plongerais un couteau dans le coeur.

-Tu refuses de le juger ?
-Je juge un acte, pas un homme. Un homme, c'est plus qu'un de ses gestes ou une de ses paroles.

Une histoire d'amour harmonieuse se réduit à une histoire bien racontée, dont le temps et les circonstances se sont montrés complices.

Une femme a tant de visages. J'imagine qu'une femme aimée en a encore plus.

Ainsi, pensait Julien en les entendant rire dans l'escalier, il m'a été donné de voir l'autre extrême de ma situation ! Je n'ai pas vingt louis de rente, et je me suis trouvé côte à côte avec un homme qui a vingt louis de rente par heure, et l'on se moquait de lui... Une telle vue guérit de l'envie.

Non, les gens qu'on honore ne sont que des fripons qui ont eu le bonheur de n'être pas pris en flagrant délit.

Mais je ne voudrais cependant pas te cacher que le monde est bourré de crétins qui possèdent une grande culture.

L'usage gouvernemental consistant à ne pas pardonner aux plus pauvres le millième de ce qu'on autorisait aux plus riches était déjà bien établi, il n'empêche, c'était très triste.

Elle a toujours pensé que, si l'humanité est à ce point agressive et belliqueuse, ce n'est pas tant par haine des autres que par peur de sa propre fragilité. Si chaque personne au monde était capable d'accomplir des miracles, elle cesserait de craindre son voisin.

" - Grand-père ? Pourquoi est-ce que tu aimes tant la Bretagne ?

- Oh ça, fils, c'est une sacré histoire ! Tu sais, être breton, aimer la Bretagne, ça ne s'explique pas vraiment, ça fait partie des choses qui se ressentent au fond des tripes !

Moi, je trouve qu'ici rien n'est offert, tout se conquiert et se reperd. Il reste ici quelque chose d'ultimement sauvage, de quasi-primitif, tu vois. La nature est rude, les éléments sont violents : partout l'Homme a cherché à les dominer. Eh bien, ici, il n'a jamais vraiment gagné. En gros, si tu mises ton confort sur la constance, sur la maîtrise des choses, passe ton chemin ! Ici, tu te soumets et, si possible, tu te tais.

C'est ce que j'aime en Bretagne, on se plie ! Le jour où tu l'oublieras, les éléments te rosseront pour te le rappeler ! Mais par contre, si tu as froid, si tu es malmené, dis-toi qu'en retour tu seras toujours récompensé par la splendeur intacte de paysages indomptés... Presque brutaux !!!

Et pis, être breton, c'est plus qu'ailleurs vivre sous le poids de l'Histoire ! La Bretagne toute entière s'explique et se comprend par son histoire.
Tout ici est marqué par son passé. Sur chaque pierre, sur chaque rocher, on peut sentir le poids des siècles !

Il y a aussi l'esprit d'insurrection ! Il faudra que tu comprennes la longue tradition de résistance à l'oppression qui plane encore ici pour te sentir breton !

Et enfin la mer, fiston ! La Bretagne et la mer sont deux choses intimement imbriquées. Quiconque a vécu ici, quiconque un jour a pris la mer ici, sait qu'il n'y est qu'un invité en sursis !
La mer, tu dois la respecter. Si tu comprends ça, tu comprendras aussi pourquoi je trouve qu'il y a de la grandeur dans la mort d'un marin. Tu vois, l'océan, moi, je l'ai bravé toute ma vie pour en tirer son fruit. Il ne m'a toujours offert que sa surface. Alors je vois comme un privilège dans cette invitation à la profondeur...
Un ultime salut.

C'est tout ça être breton ! "

Etrange société où promiscuité rime avec indifférence.

Si cela n'avait tenu qu'à lui, il serait même allé jusqu'à la vulgarité et aurait éprouvé une vraie délectation à proférer tranquillement des grossièretés devant des assemblées qui n'auraient pas eu les moyens de se sentir outrées.

Nous sommes mercredi (curieuse façon d'être).