Ajouter un extrait
Liste des extraits
Fanule ferma les yeux et reposa la tête contre le rebord de la baignoire alors qu’il passait une éponge savonneuse contre sa nuque, son torse et ses membres, sous ses bras, entre ses jambes. Il se rendit soudain compte à quel point les caresses d’un amant lui manquaient. Lorsqu’il se sentait d’humeur exubérante, son appétit s’avérait insatiable. Lorsqu’il se sentait triste, son appétit disparaissait. Ni l’un ni l’autre n’amenait de satisfaction. Il n’y avait qu’au milieu du pont, à ce point d’équilibre, que son désir parvenait au bon degré d’intensité.
Oui, il devait absolument voir Lizabetta.
Alors qu’il faisait lentement remonter l’eau par vagues sur son corps, il songea à Will Marchman, le vendeur ambulant qui lui avait vendu sa potion. Était-il un dorte, un deux-portes, c’est-à-dire un amateur d’hommes ? Fanule sentait que oui. Ou peut-être l’espérait-il seulement.
Dans tous les cas, le vendeur était jeune et souple et agréable à regarder, et il trouvait parfaitement sa place au sein de ses délicieux fantasmes.
Fanule sourit tout en conjurant l’image de William – oui, William ; ce devait être son prénom, et ce serait le sien dans les rêveries de Fanule.
Afficher en entier— Dans quoi est-ce que tu t’es fourré encore ?
— Ils ont trouvé la carte de visite de Fan dans ma caravane.
Simon fronça les sourcils avec férocité.
— Pourquoi tu gardais sa carte, espèce d’idiot ? Tu sais que les Hybrides ne sont pas autorisés à entrer dans ce parc. Et tu sais que les autorités veulent foutre Perfidor sur un bûcher.
— Je n’avais pas prévu que quiconque fouille jusque dans ma boîte de cols amidonnés, dit Will sèchement.
Afficher en entierFanule se dit qu’il n’y avait pas de meilleure raison que celle-ci. Aussi raconta-t-il au Doux William ce jour sombre, voilà plus d’une décennie, lorsque lui et huit autres jeunes Tainwellians avaient été emmenés dans les sous-sols du Bâtiment de la Vérité et de la Justice, emprisonnés là, et prisonniers des Mâchoires du Singe tels des insectes exotiques au ventre mou.
— Nous savons tous, dit-il, que la loi de Pureté exigeait que nous soyons évalués et marqués avant nos vingt ans. Mais quelques-uns ont résisté, ou nos parents, et lorsqu’on ne s’est pas montrés le jour du recensement, une unité spéciale des Forces de Police nous a cherchés et trouvés.
— Qu’entends-tu par « évalués » ? demanda Will, l’air sombre et attentif.
— C’est lors de cette opération que notre ratio est déterminé. Nous sommes photographiés, notre arbre généalogique est passé en revue, notre sang est prélevé et analysé. C’est du moins ce que l’AIA dit.
— L’AIA ?
— L’Agence d’Identification des Aliens. Mais je suis presque sûr que les ratios qu’on obtient sont arbitraires le plus souvent. Peu d’entre nous ont un arbre généalogique clair, et je n’imagine pas Pureté gâcher ses ressources à déterminer de quelle race exactement nous sommes.
Afficher en entier— J’ai vu vos oreilles, dit Will abruptement.
Embarrassé par ses paroles trop directes, il rougit et baissa le regard.
— Je suis désolé, c’est très malpoli de ma part.
Chaque fois que Will parlait, le désir de Fanule semblait se modifier, s’élargir et s’approfondir vers d’autres sentiments, plus doux. Il commençait à apprécier Will Marchman. Que c’était rare – autant que de trouver une perle dans le ventre d’un rat – de croiser un humain pure souche qui le traite avec tant de délicatesse.
— Ce ne sont pas les oreilles avec lesquelles je suis né, dit Fanule avec un petit sourire. Bien que vous trouveriez celles de ma naissance encore plus surprenantes.
— Comment étaient-elles ? demanda Will avec une curiosité innocente.
Le souvenir serra la gorge de Fanule.
— Longues et effilées, aussi élégantes que des ailes. Et elles m’appartenaient bien davantage que quiconque ne s’en doutera jamais.
Afficher en entier