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Georges, ne se doutant pas du tout qu'un combat singulier venait de commencer, ajouta, candide :
"Christine écrit un livre ; elle a beaucoup de talent".
La mèche brûlait déjà très près de la poudre. Mme Saulner s'exclama :
"Je veux une femme de chambre... Une bonne femme de chambre ! Le dimanche après-midi, vous pourrez faire n'importe quoi, même écrire, mais, pendant la semaine, je vous avertis, je n'accepte aucune déviation... Vous reprisez bien, Christine ?"
Je n'aimai pas mon nom sur ses lèvres. J'aurais aimé inventer un autre nom et le lui présenter sur une paume comme on montre une pièrce d'argent trouvée derrière une armoire. J'aurais aimé dire que je m'appelais Catherine ou Rose ; pourquoi pas Antigone ?
Afficher en entierGeorges, ne se doutant pas du tout qu'un combat singulier venait de commencer, ajouta, candide :
"Christine écrit un livre ; elle a beaucoup de talent".
La mèche brûlait déjà très près de la poudre. Mme Saulner s'exclama :
"Je veux une femme de chambre... Une bonne femme de chambre ! Le dimanche après-midi, vous pourrez faire n'importe quoi, même écrire, mais, pendant la semaine, je vous avertis, je n'accepte aucune déviation... Vous reprisez bien, Christine ?"
Je n'aimai pas mon nom sur ses lèvres. J'aurais aimé inventer un autre nom et le lui présenter sur une paume comme on montre une pièrce d'argent trouvée derrière une armoire. J'aurais aimé dire que je m'appelais Catherine ou Rose ; pourquoi pas Antigone ?
Afficher en entierPeut-^tre, en bas, une lettre était-elle arrivée pour moir. Une enveloppe bien timbrée, avec plusieurs cachets, une lettre venue de loin. De quel pays ? Je ne savais. Une lettre qu'on aurait écrite pendant que nous traversions la frontière. Une lettre d'amour, une lettre d'attente, pleine de promesses. J'imaginais un homme qui m'attendait depuis des années, qui suivait, de loin, mes chagrins et mes bonheurs d'adolescentes, un homme hâtissant sa vie sur ma vie. L'image de l'homme et celle de l'enfant se mélangeaient étrangement. Quelquefois, dans ses rêves démesurés, je me penchais sur un berceau où il y avait un enfant au visage d'adulte, un visage composé par moi de mille détails.
Afficher en entierDans ce demi-sommeil, je n'étais qu'incertitudes. J'aurais aimé avoir vingt ans de plus, des opinions formées, des habitudes. J'aurais aimé évoquer mes souvenirs, mais je n'avais rien qu'une grande avidité à la fois anarchiste et reconnaissante ; j'étais tendue vers tout, prête à goûter, à savourer, à tâter ; j'aurais voulu chasser les ombres, les remplacer par des impressions physiques, précises.
Afficher en entierLa lettre reçue ce jour là venait du lecteur hongrois. Il avait lu le manuscrit de Wanda et désirait m'en parler.
Afficher en entierLes huit étages, l'escalade, la fatigue immense me berçaient déjà, et le vertige arrogant me jetait des mots cruels. J'entendais murmurer de loin, mais c'était moi : "Il n'est pas si facile de vivre..."
Afficher en entier" Après le siège de Budapest, il ne nous restait rien. La façade était trouée par les obus. J'aurais pu m'asseoir sur notre parquet, jadis si bien soigné, tout en balançant mes jambes dans le vide. L'immeuble où j'avais passé quinze ans de ma vie était devenu un danger public. Quand la situation à Budapest se fut stabilisée, quand il n'y eut plus de cadavres dans les rues, les passants descendaient du trottoir devant notre maison et faisaient un écart pour ne pas risquer d'être écrasés si elle s'écroulait. Les murs de ma chambre étaient tout lézardés, et ces grandes fentes noires me frappaient comme des blessures ouvertes.
Rien, pas un objet n'avait pu être sauvé. Les débris de notre vie d'autrefois étaient couverts d'une crasse immonde. L'immense marée montante de ce siège sanglant s'était retirée, mais la ville paraissait souillée pour toujours. "
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