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L’amour est redevenu un sujet pour philosophes1. Tant mieux. Bien sûr, ils ne feront jamais aussi bien que les littéraires, qui en demeurent les meilleurs gardiens. L’amour a inspiré les chants les plus déchirants, les meilleurs romans et les pires, des comédies irrésistibles, des tragédies bouleversantes. Les sociologues aussi ont dit leur mot, souvent en forme de désillusion, c’est leur rôle : « Vous pensiez que c’était comme ci (grands sentiments, éternité), c’est plutôt comme ça (casseroles et classes sociales). » Il était temps pour les philosophes de reprendre la parole aux psychologues, dont c’était devenu la spécialité incontestée, qu’ils soient d’austères psychanalystes ou des plumitifs frivoles. Car il est encore possible aux philosophes d’ajouter quelques considérations sur le sujet. Des préliminaires, seulement. Non à l’amour (ils n’ont là-dessus aucune expertise), mais à son concept (c’est, dit-on, leur domaine). Et laisser à d’autres, ou pour plus tard, les questions rebattues : savoir si c’est heureux ou malheureux, s’il faut en faire l’éloge ou la satire, si c’est une maladie ou un remède, si l’on peut vivre sans et comment vivre avec, ce que ça fait d’aimer ou de ne plus aimer, etc. Tout cela est essentiel, certes. Mais il faut rester calme et commencer par le commencement. Se demander : « Qu’est-ce l’amour ? » (ou avec Ella Fitzgerald chantant Cole Porter : « What is this thing called love ? »). On se pose rarement la question d’abord. On le veut, on le vit, on le vante, on ne le définit guère. Pourtant l’exercice définitionnel, pour ingrat qu’il paraisse, peut s’avérer éclairant : le qu’est-ce que est souvent le meilleur chemin du pourquoi. Toute bonne définition permet d’expliquer les caractéristiques les plus énigmatiques. Comprendrait-on pourquoi l’amour fait tant d’histoires hétéroclites sans savoir ce qu’est une histoire d’amour ? Édith Piaf a chanté « Mais qu’est-ce que c’est l’amour ? » (avec Théo Sarapo) bien après son « Hymne à l’amour » qui se terminait pourtant par : « Mon amour, crois-tu qu’on s’aime ? »
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