Commentaires de livres faits par Ilonna-1
Extraits de livres par Ilonna-1
Commentaires de livres appréciés par Ilonna-1
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- On a tous regardé les gravures. On y est restés des heures, mais on aurait dit que ce n'était que quelques minutes. Tu te souviens de ça ?
Elle a incliné la tête.
- Oui. C'était des heures, et on aurait bien dit des heures. Je ne pense pas qu'on a perdu du ce jour-là. Toi, si ?
"Oui", j'ai eu envie de répondre, mais son expression m'a bloqué.
- Je ne sais pas, j'ai admis.
Et c'était la vérité. Simplement, je ne savais pas ce que ça signifiait.
- Chef, a chuchoté Zane. Je crois que je vois quelqu'un.
Il a tendu le doigt. Tout en haut de la plage, là ou le sable laissait place à la roche, des pieds humains étaient pointés vers nous.
- Il dort, tu crois ? s'est interrogé Zane.
"De façon permanente", j'ai pensé. Sa position ne semblait pas naturelle.
Je me suis approché et, de fait, un corps gisait là, à moitié exposé à l'air de Nil. Un mélange de chair et d'os en partie enfoui dans un creux. Ses orbites étaient vides. "Regarde autour de toi, fais attention. La mort est partout, elle t'observe".
"Bien compris, Nil."
Peut-être que j'allais finir par comprendre. À côté de moi, Thad a ravalé sa salive à plusieurs reprises, puis il s'est tourné et a vomi sur le sable. Il a toussé et fait quelques pas en arrière.
Une porte qui conduisait ici. J'ai levé la main et Skye s'est tue i immédiatement.
- Qu'on soit bien clair. Tu vois un mec, un mec que tu ne connais pas mais que tu as vu un peu plus tôt jeter des cailloux dans l'eau, préparer ses en-cas vivants pour un petit tour en mer. Il part en canoë. Tu en voles un autre et tu le suis, dans le noir, en pleine mer, jusqu'à deux îles éloignées appelées les Jumelles de la mort, où tu atterris...
- Une ile, elle m'a interrompue. J'ai atterri sur une île. Puisqu'on a décidé d'être clairs. Et je n'ai pas volé le canoë, je l'ai emprunté.
- Tu l'as rendu ?
- Pas encore. Mais je compte le faire.
- Bon, allons-y pour « réquisitionner ». Tu as donc réquisitionné un canoë et tu as suivi ce garçon en plein océan, dans le noir, jusqu'à l'une des Jumelles. J'ai bon jusque-là ?
- Tout bon.
- Super. Après, tu le pistes à travers l'île, tu l'espionnes toute la nuit : quand un mur d'air noir et chatoyant s'élève au-dessus du sol, le mec y jette une chèvre, une poule et lui-même. Et une fois que Casper le chat a profité de la porte lui aussi, tu suis la ménagerie. Tu cours droit sur un mur ondulant qui pourrait très bien te tuer ou t'envoyer sur la planète Krypton.
- J'étais à peu près sûre que ça ne me tuerait pas, grâce au journal d'oncle Scott. Et Krypton n'existe pas.
- Cet endroit non plus.
- Je suis là, non ?
Je me suis tourné vers Charley en réprimant un sourire.
- Tu joues «un peu » ?
Elle a souri et a pincé son pouce et son index.
- Un peu.
J'ai ri.
On a démoli Bart et Talla. Ils n'ont pas marqué un seul point. Sy et Jillian ont perdu aussi. Jason et Heesham se sont mieux défendus que les autres, mais on les a quand même battus à plate couture. Talla venait de demander une revanche quand soudain, le sol s'est mis à bouger. Violemment.
- Tremblement de terre ! j'ai crié en attrapant la main de Charley.
Le filet s'est effondré. Tout le monde s'est couché dans le sable ou agrippé aux rochers. Charley m'étreignait la main comme si sa vie en dépendait. *La partie est terminée*, a gloussé Nil. Ce séisme était aussi subtil qu'un pavé dans la mare. Il a cessé aussi rapidement qu'il avait commencé. La voix de Charley s'est élevée dans le silence.
- C'est fréquent, les tremblements de terre
- Non. Juste quand Nil décide qu'il faut qu'on se secoue un peu.
- Très drôle, elle a répondu sans sourire.
- C'est ce que je me suis dit aussi, j'ai répondu. Heesham, va inspecter la Baraque avec Jason.
En deux semaines, «Les Thanatonautes» passèrent des librairies au pilon pour être métamorphosés en pâte à papier et servir à d'autres ouvrages.
Ainsi meurent les livres.
Je songeai: Je n'ai peut-être pas de talent, ou alors je l'ai perdu. Dans les deux cas, il serait peut-être plus raisonnable d'arrêter le métier de romancier et de revenir au journalisme.
Reine me dit :
- Ne te remets pas complètement en question. Tout le monde peut trébucher, une carrière, ça ne peut pas être que des réussites.
- Alors je fais quoi?
- Termine la trilogie sur les fourmis, ne serait ce que pour voir si les lecteurs t'ont vraiment abandonné.
Alors, suivant les conseils de Reine, j'écrivis l'intrigue du troisième volet de la trilogie des Fourmis : La Révolution des fourmis.
Et la Roue de Fortune tourna. A la sortie du livre, le succès fut de nouveau au rendez-vous. J'eus même enfin droit à des interviews où je pus présenter ma vision sur la révolte nécessaire.
Dans un de ses ouvrages autobiographiques. "Ecriture. Mémoires d'un métier", Stephen King confie travailler sans faire de plan. Je remarquai qu'il peinait souvent pour conclure, précisément parce qu'il n'avait rien prévu. Il s'en tirait souvent avec une pirouette finale. Mais, comme il avait toujours un super démarrage et un art maîtrisé des relances, ses romans fonctionnaient souvent à merveille. Cela m'inspira une nouvelle titrée « Le tribunal des fins de romans réussis » (non publiée à ce jour) dans laquelle un groupe d'écrivains notaient comme des figures de patinage artistique la qualité des fins de romans, qu'ils soient classiques ou contemporains, en dénonçant vigoureusement les tricheurs qui font le coup de «l'assassin avait un frère jumeaux» ou du «mais ce n'était qu'un rêve».
En revanche, Stephen King possède un talent extraordinaire d'empathie pour les humains. Il sait se mettre à la place d'une vieille femme de ménage comme d'un père alcoolique ou d'un enfant incompris. Et on ressent tout. Même le comportement des personnages «méchants » est expliqué.
Philip K. Dick affirmait que ce qui différencie l'homme des robots réside dans cette capacité à ressentir la souffrance des autres. King le prouve. En évoquant les peurs de notre enfance, il saisit mieux que personne la source de la psychologie de l'âge adulte.
«Des hommes libres ! répète-t-il en poussant un rire sans joie. Quelle plaisanterie ! Nous sommes asservis, nous aussi. Peut-être pas par nos machines, nos gadgets et nos robots. Mais par nos croyances, nos tabous et nos règles absurdes. »
La vérité, c'est que les poissons ont un rôle bien plus grand à jouer dans notre survie en étant dans les océans plutôt que dans notre assiette. Les poissons sont cette glu naturelle qui maintient les écosystèmes marins en place. Ils conservent les océans fonctionnels. Si les poissons disparaissent, les océans mourront.
En détruisant les poissons, l'humanité commet un suicide. C'est ce qui est en train d'arriver. Une étude des Nations unies prévoit un effondrement mondial des pêcheries commer- ciales d'ici à 2048, autrement dit demain matin. Cela veut très clairement dire la fin des festivités pour l'humanité, et pourtant... cela n'a pas l'air d'alarmer les gens plus que ça. On continue à vouloir manger du poisson et tant pis si les individus sont de plus en plus petits, tant pis si le poisson est de plus en plus cher... Les gens ne savent pas interpréter ces signes précurseurs de catastrophe.
Nous ne devrions pas manger de poisson. Nous sommes tout simplement trop nombreux. Personne ne peut légitimement se proclamer écologiste marin et conservationniste. C'est l'hypocrisie ultime s'il continue à manger du poisson
Les macareux dans l'Atlantique nord sont en train de mourir de faim parce que nous pêchons toutes les anguilles de sable dont ils se nourrissent pour alimenter les poulets industriels au Danemark. Les chats domestiques mangent plus de thon que tous les phoques du monde réunis : 2,5 millions de tonnes de poisson sont données aux chats domestiques chaque année et, quand on y pense, c'est une situation très étrange car si le chat venait à rencontrer le thon dans la nature, c'est le thon qui mangerait le chat. Aujourd'hui, les cochons mangent plus de poisson que les requins; en fait, le cochon est devenu le plus grand prédateur marin après l'homme. Quant au poisson d'élevage, ce n'est pas la solution non plus : il faut attraper 75 poissons sauvages pour faire grandir 1 saumon d'élevage. Nous sommes donc littéralement en train de dévorer les océans.
Depuis l'autre côté du vaisseau, Daniela observe Ella comme pour en percer le mystère. Elle relève les yeux en me voyant approcher et fait un signe de tête en direction de notre jeune amie. Qu'est-ce qui lui arrive? demande-t-elle avec précaution. Elle... »
Ella ouvre un œil et l'interrompt. «Je suis morte, hier, pendant un petit moment.
- Oh, fait Daniela.
- Et ensuite, j'ai fusionné avec une entité divine qui m'habite encore, en quelque sorte.
- OK. Tout est normal.
- Il faut un peu de temps, pour s'y habituer », reconnaît Ella avant de refermer les paupières.
Daniela se tourne vers moi, les yeux écarquillés, comme si elle doutait que tout ça soit bien réel. Je hausse les épaules et Daniela laisse échapper un soupir avant de s'affaisser sur son siège.
«Bon sang, j'aurais dû rester à New York. OK, on avait des aliens. Mais c'étaient pas des aliens zombies, au moins.
- Je ne suis pas un zombie », rectifie Ella sans ouvrir les yeux.
« Après tout, votre Sortilège loric à vous s'est bien brisé, quand vous vous êtes réunis ?
- Ouais, je confirme. Et alors?
- Alors, peut-être que la version tordue de Setrákus Ra fonctionne dans le sens contraire, explique Sarah. C'est pourquoi il emmène Ella partout où il va. Il faut qu'il la garde près de lui, pour que l'effet se maintienne.
- Ça me paraît plausible, dit Mark en haussant les épaules. Même si, euh, je ne suis pas un expert dans ces conneries-là. »
Quoi qu'il en soit, c'est une possibilité qui vaut la peine d'être vérifiée, surtout si on prévoit de sauver Ella de toute manière.
Je me tourne vers Adam. Le plan initial était qu'on se rende tous deux invisibles et qu'on embarque sur l'Anubis pendant que les autres faisaient diversion.
« Qu'est-ce que tu en penses ? On vole le vaisseau ou on enlève Ella ?
- C'est toi qui décides.
- Il faudra probablement que vous passiez sous son nez, pour atteindre Ella, fait remarquer Sarah.
- Ce qui signifie qu'il pourrait désactiver votre invisibilité, ajoute Marina.
Merde. Je réfléchis à toute vitesse. «Très bien. Peut-être qu'on peut les séparer, au moment où on fera exploser nos leurres. Si on voit une ouverture, on fonce chercher Ella.
- Ne t'inquiète pas, Six, intervient Sam à l'autre bout, et je ne peux m'empêcher de sourire en entendant sa voix, il est dans notre camp.
- Oh, dans ce cas, eh bien, volons », commente Neuf d'un ton sarcastique, tout en s'installant dans un des sièges durs.
Je prends la place de pilote. Marina hésite une seconde en scrutant d'un air suspicieux la console d'où est sortie cette voix mog.
«Comment pouvez-vous être sûrs que c'est bien John? demande-t-elle. Setrákus Ra est capable de changer de forme. C'est peut-être un piège. »
Dans mon excitation d'entendre John et Sam, je n'ai même pas considéré la possibilité que ce soit un leurre. Derrière moi, Neuf crie quelque chose en direction du micro.
«Eh, Johnny, tu te rappelles, à Chicago ? Quand tu prétendais être Pittacus Lore et qu'on a débattu sur le fait d'aller ou pas au Nouveau-Mexique ?
- Ouais. À sa voix, on dirait que John serre les dents.
- Comment on a réglé ça ? »
John pousse un soupir.
- Tu m'as suspendu au-dessus du vide. Sur le toit. »
Ravi de son effet, Neuf sourit de toutes ses dents.
« C'est bien lui, pas de doutes.
- Marina, l'interrompt John, considérant sans doute que le test n'est pas suffisant. La première fois qu'on s'est rencontrés, tu as soigné deux blessures par balle que j'avais reçues à la cheville. Et on a bien failli se prendre un missile.»
Je regarde Marina fêter sa victoire, et je ne peux m'empêcher de sourire. Huit se téléporte jusqu'à elle pour la soulever dans ses bras et Ella les rejoint en courant. Neuf se dirige vers moi en boitant et me tend la main.
«Belle partie, chef.
- Ouais, pour toi aussi », je réponds en lui empoignant la main. Il y a encore une semaine, la simple idée de voir Neuf gagner m'aurait rendu fou de rage. Mais ça n'a plus vraiment d'importance, à présent. L'essentiel, C'est que les deux camps aient bien travaillé ensemble. Se servir des Dons, montrer son aptitude au combat, couvrir les membres de son équipe je sais que ce n'est qu'un jeu, mais je commence à croire qu'ensemble, on peut tout affronter.
Neuf se dirige vers Cinq pour l'aider à se relever. Il l'air plutôt amoché, avec son visage couvert d'ecchymoses sur tout un côté et son bras pendant, inerte. Neuf l'époussette en en faisant des tonnes.
«Sans rancune, déclare-t-il avec un sourire suffisant.
- Ouais, tu m'étonnes », répond Cinq d'un ton maussade.
Je regarde Sam s'agenouiller près de Six. Elle n'est toujours pas remise de la décharge électrique du canon. Je vois bien que Sam se sent coupable.
«Six, je suis désolé, je ne voulais pas.
- Oublie ça, Sam, répond-elle avec un geste de la main. C'était un accident.
- Pas vraiment, intervient Neuf en s'approchant d'un pas nonchalant. Ella m'a prévenu du coup par la télépathie. C'est comme ça que j'ai su à quel moment te faire valser dans mes bras. »
L'escalier aboutit dans une autre salle, dont le plafond est voûté, soutenu par plusieurs colonnes effritées. Je comprends que nous sommes au cœur du sommet. La pièce est vide, sauf en son centre, où un amas de rochers entrelacés dessinent un symbole en spirale dont le centre est une pierre bleue de la taille d'un ballon de basket.
«De la Loralite », chuchote Crayton. Il se dirige vers le cœur de la grotte et dépose le coffre de Marina par terre.
«C'est le plus gros bloc de Loralite que j'aie jamais vu. Tu penses que c'est grâce à elle que tu peux aller partout où tu veux ? suggère Marina en se tournant vers Huit.
- Eh bien, c'est ça, le truc. Je ne peux pas aller partout où je veux, seulement dans six ou sept endroits. Il m'a fallu pas mal de ratés, avec atterrissages involontaires, avant de comprendre que je ne peux me rendre que là où il y a d'autres grosses pierres de Loralite comme celle-ci dans les parages.
- Donc où est-ce qu'on peut aller ? je demande.
- Jusqu'ici, j'ai vu le Pérou, l'île de Pâques, Stonehenge, le golfe d'Aden, près de la Somalie - mais je déconseille cette destination, pour tout un tas de raisons -, et j'ai fini dans le désert du Nouveau-Mexique. »
Je tranche immédiatement, en interrogeant Crayton du regard.
«Le Nouveau-Mexique. Si c'est là qu'on va, on peut traverser le pays et rejoindre John en moins d'une journée. On sait qu'on peut se déplacer facilement, une fois aux États-Unis.»
Crayton s'approche du mur pour inspecter des inscriptions, «Attends. Tu dis que tu ne peux pas contrôler où tu atterris ? Ce n'est pas aussi prometteur qu'il y paraissait.»
- Il a une patte cassée.
- Et deux ailes en parfait état, objecte Six. Il va bien. On doit poursuivre notre route. Ils ne vont pas tarder à comprendre, peut-être même qu'ils ont déjà repéré le stratagème. On doit garder notre avance. Plus on attend, plus ils se rapprochent. »
Je hoche la tête. Elle a raison. Il faut avancer. Cinq cents mètres plus loin, la rivière dessine un coude et bifurque vers l'autoroute en s'éloignant des collines. Nous nous blottissons sous les branches basses d'un grand arbre.
«Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? demande Sam.
- Aucune idée. »
Nous nous tournons vers nos poursuivants. L'hélicoptère s'est rapproché et inspecte toujours les environs de son œil lumineux.
« Il faut qu'on s'éloigne de la rivière.
- Oui, acquiesce Six. Il nous retrouvera, John. Je te le promets. »
C'est alors résonne le cri strident d'un oiseau de que proie, au-dessus de la cime des arbres. Il fait trop sombre pour le voir, et peut-être aussi pour qu'il nous voie. Sans réfléchir, et bien que cela risque de révéler notre position, je tourne mes paumes vers le ciel et active le Lumen aussi fort que je le peux, pendant une demi-seconde. Nous patientons, la tête tendue vers le ciel, en retenant notre souffle.
Les paroles d'Henri me reviennent en mémoire: « Nous sommes les deux seuls à pouvoir l'ouvrir, ensemble. Sauf si je meurs ; dans ce cas, tu pourras l'ouvrir seul. »
Je laisse retomber le morceau de miroir et me précipite dans la chambre d'Henri. Le coffre est posé par terre, près du lit. Je l'attrape, fonce dans la cuisine et le jette sur la table. Le symbole loric me fixe de son air imperturbable.
Je m'assieds et scrute le cadenas. J'ai les lèvres qui tremblent. J'essaie de ralentir ma respiration, mais l'effort est vain ; ma poitrine se soulève à toute allure, comme si je venais de faire un sprint sur dix kilomètres. J'ai peur de sentir le déclic dans ma main. J'inspire profondément et ferme les yeux.
«S'il te plaît, ne t'ouvre pas. » J'empoigne le cadenas. Je le serre aussi fort que je peux au creux de ma paume en retenant mon souffle. Ma vision est trouble et les muscles de mon bras sont tendus, prêts à éclater. J'attends. Je serre ce fichu cadenas et j'attends le signal.
Sauf qu'il n'y a pas de signal. Je m'affale sur ma chaise et me prends la tête dans les mains. Une faible lueur d'espoir. Je me passe les doigts dans les cheveux et finis par me lever. Sur le comptoir, j'aperçois une cuillère sale. Je me concentre dessus et dans un brusque mouvement de la main, je la fais voler. Henri serait si fier. Intérieurement, je l'appelle. Henri, où es-tu? Quelque part, et encore vivant. Et je vais venir te chercher.
- Tu me demandais pourquoi je me rangeais de votre côté, Adorable Frimousse. C'est à cause de ça.
- De quoi ? Des mecs qui patinent sur de la glace ?
- Non, pas spécifiquement. La /famille/ne possède pas d'arts sonores ou physiques. Ce n'est pas productif. Notre sens esthétique et nos divertissements sont différents. Ce qui nous émeut, ce sera la beauté d'une demeure bien construite. L'harmonie d'une nouvelle pensée qui nous parcourt au même instant. Parfois même ce sera la subtilité d'une émotion olfactive, abandonnée depuis des jours sur la surface d'un rocher, alors que le soleil se lève.
C'était vachement joli. J'ai hoché la tête pour dire que je comprenais.
-Vos formes d'art sont différentes. Brutales ou délicates, elles suscitent chez nous un étonnement sans fin. Il serait cruel et injuste qu'elles disparaissent. De nous arroger le droit de les détruire à jamais.
J'ai regardé dans le vague.
- Je ne veux pas détruire les vôtres non plus, j'ai murmuré.
-Je sais.
Et nous en sommes restés là.
-Je ne pense pas. On est encore loin du lieu de rendez vous. Il va falloir faire attention.
J'ai bugué :
- Mais pourquoi ?
- Ce n'est pas parce qu'ils sont humains qu'ils seront amicaux.
Oooookay. On basculait d'Alien à Mad Max.
- Parfois, je me demande pourquoi on prend encore la peine d'y croire, j'ai dit d'un ton découragé.
Rose a soulevé D'Artagnan à hauteur de mon visage.
- Pour eux?
La coquine a essayé de m'arracher le nez d'un coup de griffe.
- Mouais.
Je l'amadouais en lui gratouillant le ventre - D'Artagnan, pas Rose - quand elle - Rose, pas D'Artagnan - s'est redressée avec une expression alarmée.
- Ils reviennent. Fuck.
Sans hésiter, on a plongé dans les buissons sur le côté du chemin.
Au bout de quelques secondes, on a entendu un bruit, pas très fort, comme une sorte de sifflement suraigu. Trois quads électriques ont déboulé sur le chemin. Rien à voir avec les engins d'autrefois qui faisaient un boucan de tous les diables. Les trois types - ou les trois nanas, ne soyons pas sexistes - filaient sur le chemin dans un silence quasi surnaturel.
Ils portaient tous des casques*. Du coup, on ne voyait pas leur visage. Mais ça n'aurait rien changé, de toute façon.
*Ce qui prouvait qu'ils n'étaient pas trop stupides, parce que l'Apocalypse n'empêche pas de se briser bêtement la nuque.
On a marché et marché et marché. Rose s'en sortait pas trop mal, elle avait dû beaucoup cavaler ces derniers mois Diego, of course, avançait d'un pas régulier, même pas essoufflé. Moi, j'étais au bout de ma vie.
À un moment, on est passés devant un ancien centre d'expositions avec sa fête foraine abandonnée, ambiance jeu vidéo d'horreur. Puis on a atteint une zone commerciale. Des arbres commençaient à apparaitre, des bretelles d'autoroute, de gros magasins genre Leclerc et Castorama. Il y avait même un IKEA.
Diego nous a entraînés encore plus loin, hors de la ville, en lisière d'une forêt qui jaillissait sans transition après les derniers magasins.
-C'est au prochain rond-point.
Mes pieds n'étaient que deux steaks palpitants de douleur. Mes jambes criaient grâce et je puais. Pour un peu, j'aurais regretté l'appartement douillet de Linda et Robert
-C'est là.
Il s'est arrêté.
Rose s'est arrêtée.
Je me suis arrêté.
On était arrivés devant un putain de Décathlon.
Plus que quelques pas me séparent d'un choc que la vie ne m'aura pas préparée à encaisser. Ils sont là, mes coyotes. Mes pauvres petits coyotes...
Mes jambes sont molles. Dégoût, détresse, incompréhension, rage. Une vague de sensations qui me donne le vertige. Avec le temps, l'empilement et la décomposition, le tas de carcasses a pris la forme d'une pyramide. Je ne saurais compter combien de centaines de canidés gisent ici, dénudés de leur fourrure, queues coupées, crânes nus. Sur le dessus de sa pile d'ossements, un urubu au bec ensanglanté me dévisage. C'est lui, le roi de la montagne. Un bruit derrière moi me fait pivoter. Un homme armé m'interpelle.
La vache s'écarta sous l'effet des mouvements de baguette.
Elle sentit que son veau, affolé, était en train de se détacher d'elle et revint en bondissant vers les deux hommes. Le fermier à la salopette bleue avait déjà ceinturé le veau et s'apprêtait à le soulever de terre comme on fait d'un gros chien. La vache poussa un meuglement terrible en direction de l'homme et fonça dans sa direction à la manière d'un taureau.
Celui qui portait la parka lui barra la route et lui asséna un coup de son bâton sur la tête. Sous l'impulsion de la douleur, l'animal s'écarta les quelques secondes nécessaires pour que l'homme charge le veau à l'intérieur de la camionnette.
En un instant, la porte arrière était refermée et les portières des deux hommes étaient claquées. La voiture démarra, avec dans son sillage la vache qui se lança dans une course éperdue. Puis la camionnette gagna de la distance et sortit du champ, juste le temps que l'homme à la salopette bleue descende pour refermer la barrière.
Alors que la vache s'approchait une dernière fois des vitres pour apercevoir son petit, l'homme leva à nouveau sa baguette en direction de la tête de l'animal l'obligeant à s'écarter.