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— Bon, allez, ça suffit ! déclare son mari en nous écartant l’un de l’autre pour passer un bras sur mes épaules. Il va falloir que je te fasse visiter ma nouvelle acquisition, pendant que tu me raconteras les joies de ta vie au pouvoir d’un pays…

— Certainement pas ! m’insurgé-je en passant dans le salon au luxe discret et intemporel. Je visite, mais je refuse d’évoquer mon enfer sur terre.

Il m’adresse un regard amusé tandis que je tente de ne pas afficher mon sarcasme. J’adore ce que je fais, quand bien même ce boulot me tue à petit feu, et mon meilleur ami le sait pertinemment. Il s’apprête à répliquer je ne sais quoi lorsqu’un ricanement de Julia résonne derrière nous.

— Aaron, tu n’es pas censé être là pour te reposer ? Porter des bagages n’est pas prévu au programme, il me semble !

Nous nous retournons comme un seul homme sur un troisième, portant à bout de bras mon sac et ma valise. Son regard ambré se pose directement au fond du mien, assez durement pour me couper l’envie de prononcer le moindre mot.

Aaron ?

C’est d’ailleurs son père qui réagit le premier en se précipitant vers lui.

— Julia a raison ! Qu’est-ce que tu fiches à porter tout ça ? Nous avons des gens autour de nous plus à même de soulever ces poids !

— C’est la nana dehors qui me les a foutus entre les pattes ! ronchonne l’interpelé. Elle m’a pris pour son larbin !

Aaron ? Le gamin de quatorze ans avec lequel je jouais dans la piscine de ma villa en Corse, la dernière fois que nous nous sommes vus ?

— Peu importe ce que l’aide de cabinet de Nolan t’a demandé, elle n’a sûrement pas compris que tu étais blessé et absolument pas là pour ça !

Mes yeux d’hommes bien trop longtemps privés de beaux corps à admirer ne peuvent s’empêcher de le détailler, au détriment total du fait qu’il soit Aaron, le fils de l’homme que je considère comme mon grand-frère depuis toujours. Des épaules larges, en harmonie parfaite avec des bras aux muscles fuselés. Un torse imposant que l’on ne peut ignorer, caché sous un simple tee-shirt blanc faisant ressortir avec impertinence un bronzage impeccable. Mes yeux se fixent malgré moi sur la pomme d’Adam apparaissant sous la peau tannée et parsemée de la fine barbe brune du jeune homme.

Pas étonnant que je ne l’ai pas reconnu en passant devant lui tout à l’heure. Le jeune adolescent que j’ai laissé il y a plusieurs années à l’aéroport de Calvi semble avoir été viré manu militari de ce corps et de ce visage. Seuls ses yeux trahissent ce qu’il a été. Et l’étincelle étrange qui les anime depuis toujours confirme le fait qu’il s’agit bien du gamin auquel j’ai appris tout et n’importe quoi depuis sa naissance.

J’imagine que mon ignorance l’a vexé. Suffit de lire au fond de ses pupilles pour le deviner.

— Aaron ? émergé-je enfin, après m’être raclé la gorge. Tu… waouh !

Je ne trouve rien d’autre à dire. Soufflé par ce changement bien trop déroutant. De plus, après un voyage long et éprouvant, mon cerveau semble s’être mis en congés forcés, me refusant toute pensée cohérente.

Le gamin, enfin, je ne suis absolument pas certain que ce surnom lui convienne désormais, détourne le regard dans un mouvement fier et hautain pour répondre à son père d’une voix calme mais néanmoins emplie de frustration.

— C’est bon, papa, je ne suis pas en sucre ! Visiblement j’ai l’air d’un déménageur, alors, autant joindre l’image à la fonction. Je vais porter tout ça dans la chambre de Monsieur le Président.

Son ton acerbe trahit la vexation, légitime, qu’il ressent. Je suis vraiment le dernier des nuls de ne pas m’être donné la peine de le détailler en arrivant sur le quai.

— Aaron, tenté-je de le héler alors qu’il tourne déjà les talons. Laisse-les à Sully et viens me…

— Lâche l’affaire, Nolan ! me coupe-t-il sans se retourner. On verra ça plus tard.

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C'est aussi bon que dangereux. Terrorisant et divin. Je crois que je viens de lâcher l'échelle pour plonger dans l'abîme d'un nouvel océan dans lequel je ne sais plus nager. Je sombre, tout simplement, en douceur, dans les abysses de Nolan Blackfield. Et visiblement, j'aime ça.

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