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Extrait

** Extrait offert par Lynne Graham **

1.

Sergio Torrente pénétra dans le Palazzo Azzarini pour la première fois depuis dix ans.

Elégante villa palladienne située dans les collines de Toscane, le palazzo était entouré d’un vignoble réputé dans le monde entier. Malheureusement, de récents revers de fortune avaient amoindri la magnificence du lieu. La prestigieuse collection d’antiquités qui ornait jadis la demeure avait disparu, et ses immenses pièces vides offraient un spectacle lugubre. Toutefois, Sergio en était enfin propriétaire. Chaque pierre de la maison, chaque mètre carré du terrain lui appartenait, et il avait bien l’intention de redonner tout son lustre au domaine ancestral.

Ce jour où il reprenait possession de son héritage aurait dû être marqué par un sentiment de triomphe, et pourtant il n’éprouvait rien. Il y avait très longtemps qu’aucune émotion ne le faisait plus vibrer. Ce qui n’était au début qu’un mécanisme de défense s’était rapidement mué en une seconde nature qu’il préservait soigneusement.

L’exaltation lui était aussi étrangère que l’abattement, et il menait une existence bien réglée qui lui convenait parfaitement. Lorsque le besoin de sensations fortes s’emparait de lui, il l’assouvissait dans le sexe ou le sport. Friand de disciplines extrêmes, il aimait escalader des à-pics en pleine tempête de neige ou marcher des jours entiers dans la jungle.

Ses pas résonnèrent dans le grand hall vide, qu’il traversa lentement. Dire qu’autrefois le palazzo était un lieu plein de vie à l’atmosphère chaleureuse… Pour le petit garçon qu’il était alors, l’amour de ses parents et le confort matériel allaient de soi. Mais un cauchemar sans nom avait englouti tous ces merveilleux souvenirs d’enfance, mettant fin à son insouciance. Jamais il n’aurait pu imaginer que la cupidité des hommes pouvait atteindre des profondeurs aussi insondables…

La mâchoire crispée, il sortit sur la terrasse qui surplombait le parc, à l’arrière du palazzo. Un bruit de pas lui fit tourner la tête.

Vêtue d’une combinaison de soie blanche qui moulait ses seins et laissait transparaître le triangle de sa féminité, Grazia avançait vers lui en ondulant des hanches. Les épaisses boucles blond platine qui encadraient son superbe visage se balançaient au rythme de sa démarche chaloupée. Ses lèvres pulpeuses arboraient une moue aguichante, et ses yeux turquoise brillaient d’un éclat prometteur.

— Ne me jette pas dehors.

Une pointe d’anxiété altérait sa voix rauque.

— Je suis prête à tout pour une seconde chance avec toi.

Sergio arqua un sourcil narquois.

— Je ne crois pas aux secondes chances.

— Même si je te présente mes excuses ? Je connais mille façons de me faire pardonner.

Avec un regard brûlant, elle s’approcha de lui et posa la main sur son épaule.

Sergio tressaillit, puis il laissa échapper un petit rire appréciateur. Très douée pour aguicher les hommes, Grazia avait l’âme d’une prostituée de luxe mais, au moins, elle ne s’en cachait pas. Elle trouvait tout naturel de s’offrir au vainqueur, quel qu’il soit. Et il fallait reconnaître qu’elle représentait un trophée très recherché. Sa beauté n’avait d’égale que son audace…

Il la connaissait d’autant mieux qu’elle avait été à lui. Jusqu’au jour où ses brillantes perspectives d’avenir s’étaient effondrées, et où elle l’avait quitté pour son frère… Accompagné d’eau fraîche, l’amour ne présentait aucun attrait pour Grazia, qui n’aimait que l’argent. Mais aujourd’hui, sa situation avait de nouveau changé. Il était à présent à la tête d’un empire financier dont le vignoble Azzarini ne représentait qu’une infime partie.

— Tu es mariée à mon frère, rappela-t-il d’une voix suave en s’écartant d’elle.

Au même instant son portable sonna, et il rentra dans le palazzo, la laissant seule sur la terrasse.

C’était Renzo Catallone, son responsable de la sécurité, qui l’appelait de Londres. Ancien officier de police, ce dernier prenait sa mission très au sérieux. Or, dans le hall attenant au bureau de Sergio, se trouvait un échiquier de grande valeur, sur lequel quelqu’un s’obstinait depuis quelques semaines à jouer en cachette, en dépit de la petite pancarte « Ne pas toucher » placée en évidence. Tous les coups joués par Sergio étaient systématiquement contrés avec une habileté remarquable.

— Ecoutez, si ça vous perturbe à ce point, dissimulez une caméra de surveillance à proximité, suggéra Sergio, plus intrigué qu’agacé par ce mystérieux adversaire.

— Ce plaisantin exaspère toute mon équipe. Nous sommes déterminés à le démasquer.

— Et que ferons-nous ensuite ? Nous porterons plainte contre lui pour m’avoir défié aux échecs ? demanda Sergio d’un ton narquois.

— C’est plus grave que vous ne l’estimez, rétorqua l’ancien policier, manifestement froissé. Ce hall se trouve dans une zone strictement privée, et pourtant ça n’empêche pas un inconnu d’y pénétrer quand ça lui chante. C’est inadmissible. J’ai vérifié l’échiquier cet après-midi, mais je suis incapable de dire si certaines pièces ont été déplacées.

— Ne vous inquiétez pas. Je m’en apercevrai tout de suite.

Entre autres parce qu’il avait affaire à un adversaire très inventif, qui cherchait visiblement à attirer son attention, songea Sergio en raccrochant. Nul doute que c’était un membre ambitieux de son équipe dirigeante, désireux de l’impressionner par son talent de stratège.

* * *

Le jeune homme était si fasciné par Kathy qu’il faillit renverser une chaise en quittant le café.

— Les affaires n’ont jamais aussi bien marché que depuis que tu travailles pour moi !

Un sourire malicieux éclairait le visage rond et avenant de Bridget Kirk, la gérante, une brune dynamique d’une quarantaine d’années.

— Tous les hommes sont prêts à se battre pour que ce soit toi qui les serves. Quand vas-tu te décider à en choisir un ?

Embarrassée, Kathy détourna les yeux.

— Je n’ai pas de temps à consacrer à un petit ami.

Bridget réprima un soupir en regardant la jeune fille mettre sa veste pour rentrer chez elle. Kathy Galvin était une rousse aux yeux verts d’une beauté saisissante. Mais à vingt-trois ans, elle vivait en ermite.

— Ne dis pas de bêtises. Il est toujours possible de trouver un créneau pour un homme dans son emploi du temps, insista Bridget. Tu passes tout ton temps à travailler et à étudier. On n’est jeune qu’une fois, Kathy. Il faut en profiter. J’espère que ce n’est pas cette vieille histoire qui te retient. Tout ça c’est du passé. Il faut tourner la page, maintenant…

Kathy se mordit la lèvre. Elle n’y pouvait rien, le passé continuait de la hanter. Il y avait cette cicatrice hideuse qui lui barrait le dos, ces cauchemars récurrents qui la réveillaient en pleine nuit, et puis ce sentiment d’insécurité permanent. Comment pourrait-elle songer à s’amuser quand l’expérience lui avait appris qu’il n’était pas nécessaire de commettre une faute pour être punie ?

A dix-neuf ans, sa vie avait basculé. Au moment où elle s’y attendait le moins, la tragédie avait surgi de nulle part. Et même si elle avait survécu à cette terrible épreuve, celle-ci l’avait marquée à jamais. Autrefois, elle était sûre d’elle, exubérante et confiante dans l’avenir. Elle croyait à l’intégrité de la justice et à la bonté intrinsèque de l’homme.

Mais quatre ans auparavant, ses convictions avaient été sauvagement piétinées. Et aujourd’hui, elle préférait se réfugier dans la solitude plutôt que de risquer d’être de nouveau confrontée à l’humiliation et au rejet.

Bridget lui pressa l’épaule d’un geste affectueux.

— Tout ça est derrière toi, à présent, murmura-t-elle d’une voix douce. Il ne faut plus y penser.

Elle avait de la chance de travailler pour quelqu’un comme Bridget, qui l’acceptait malgré son passé, songea Kathy sur le chemin du retour. Malheureusement, les gens aussi tolérants étaient très rares et elle avait appris à travestir la réalité pour expliquer la longue période d’inactivité qui apparaissait dans son CV. Cela ne suffisait cependant pas à lui ouvrir les portes. Malgré ses capacités, elle devait se contenter d’emplois subalternes.

Pour survivre, elle en cumulait deux. Dans la journée elle travaillait comme serveuse dans le café de Bridget, et le soir elle faisait le ménage dans un immeuble de bureaux. Après avoir payé toutes ses factures, il ne lui restait cependant pas grand-chose et les fins de mois étaient difficiles.

Comme tous les jours, ce fut avec soulagement qu’elle referma derrière elle la porte de sa chambre meublée. Dieu merci, ses voisins n’étaient pas bruyants. Elle avait tant besoin de tranquillité… Le silence était un luxe qu’elle savourait à chaque instant.

Elle avait peint les murs de sa chambre dans des tons clairs pour qu’ils réfléchissent la lumière qui entrait à flots par la fenêtre. Comme souvent, Tigger attendait son retour pelotonné sur le rebord, à l’extérieur. Elle le fit entrer et lui donna à manger.

C’était un chat errant roux et blanc, très sauvage. Il lui avait fallu de longs mois pour gagner sa confiance. D’ailleurs, si elle fermait la fenêtre pendant qu’il se trouvait à l’intérieur de la pièce, il lui arrivait encore d’être pris de panique. Comprenant parfaitement ce qu’il ressentait, elle laissait ouvert pendant toute la durée de ses visites, quelle que soit la température extérieure. A sa grande joie, sa santé s’était améliorée de manière spectaculaire depuis qu’elle avait commencé à s’occuper de lui. Il avait pris du poids et son poil était devenu brillant.

Tigger lui rappelait le chat que sa famille chérissait autrefois. Fille unique, elle avait eu une enfance mouvementée. Abandonnée à un an dans un parc par sa mère biologique, elle avait été adoptée par un couple affectueux, chez qui elle avait vécu des jours heureux.

Mais quand elle avait eu dix ans, le malheur avait de nouveau frappé. Sa mère adoptive avait trouvé la mort dans un accident de train, et quelques années plus tard, son père avait déclaré une maladie dégénérative. Encore adolescente, elle s’était occupée de lui et avait tenu tant bien que mal la maison avec un budget très restreint, tout en poursuivant sa scolarité. Elle avait puisé la force de faire face à la situation dans l’amour profond qu’elle éprouvait pour cet homme. Heureusement pour lui, il avait disparu avant que le brillant avenir universitaire dont il rêvait pour sa fille soit tué dans l’œuf.

* * *

Deux heures plus tard, Kathy pénétra dans l’immeuble de bureaux où elle travaillait cinq nuits par semaine. Y faire le ménage était moins rebutant qu’elle ne l’avait d’abord craint. Du moment qu’elle finissait à l’heure, personne ne se mêlait de son travail. Par ailleurs, le bâtiment étant pratiquement désert, elle était rarement importunée par des hommes. De toute façon, personne ne prêtait attention aux employés chargés de l’entretien. C’était comme si la modestie de leur statut les rendait invisibles. Ce qui lui convenait parfaitement, car l’attirance qu’elle semblait exercer sur la plupart des représentants du sexe masculin l’avait toujours profondément embarrassée.

Quelques personnes étant encore à leur poste lorsqu’elle arriva, elle commença alors par les zones communes. Quand elle entama le nettoyage des bureaux, un moment plus tard, même les employés les plus zélés étaient sur le point de partir.

Alors qu’elle vidait la corbeille à papier de la réception, une voix autoritaire s’éleva du bout du couloir.

— Vous êtes la femme de ménage ? Venez dans mon bureau, s’il vous plaît ! Quelque chose s’est renversé.

Kathy pivota sur elle-même. L’homme qui venait de l’interpeller ne lui jeta pas un regard avant de tourner les talons. Elle se hâta vers la porte derrière laquelle il avait disparu et pénétra dans un petit hall. En voyant la pancarte « Ne pas toucher », devant l’échiquier posé sur une table basse, elle réprima un sourire. Un nouveau coup avait été joué par son adversaire, constata-t-elle en jetant un œil aux pièces. Elle jouerait à son tour pendant sa pause, comme d’habitude, lorsque tout le monde serait parti.

Guidée par la voix de l’homme qui l’avait appelée, elle entra dans un immense bureau dont la porte était ouverte. Le dos tourné, l’inconnu parlait au téléphone dans une langue étrangère, devant la baie vitrée qui offrait une vue panoramique sur la ligne des toits de la City. Très grand, il avait de larges épaules et des cheveux noirs. Ce fut tout ce qu’elle remarqua avant de repérer les dégâts. Une cafetière en porcelaine s’était brisée sur la moquette et le liquide s’était répandu sur une surface assez vaste. Kathy ramassa les morceaux de porcelaine, puis imbiba un chiffon de produit détachant et se mit à frotter la tache.

Sergio raccrocha et s’assit à son bureau. Ce fut seulement à cet instant qu’il vit la femme de ménage, à genoux par terre. Ses longs cheveux aux reflets cuivrés, noués sur sa nuque, attiraient l’œil.

— Merci, ça ira, dit-il d’un ton sec.

Kathy leva la tête.

Il fut frappé par la luminosité de ses immenses yeux émeraude. Les longs cils noirs qui rehaussaient leur couleur extraordinaire étaient dignes d’une héroïne de dessin animé, songea-t-il. Et il fallait reconnaître que son visage en forme de cœur était d’une beauté spectaculaire…

Fasciné malgré lui, il la contempla avec attention. Manifestement, son corps était à la hauteur. Sa blouse informe ne parvenait pas à masquer la grâce de sa silhouette svelte. Quant à ses jambes interminables…

Impossible que ce soit une femme de ménage ordinaire. Elle avait plutôt l’allure d’une actrice ou d’un mannequin… L’un de ses amis aurait-il monté un canular ? Sergio réprima un sourire. Ça ne ressemblait pas à Leonidas. Quant à Rashad, il était devenu d’une sagesse presque inquiétante depuis qu’il était père de famille.

Bien sûr, il avait d’autres amis. Toutefois, il n’était pas exclu non plus que ce soit la dame elle-même qui se soit mis en tête de le mystifier pour des raisons personnelles…

Kathy s’efforçait en vain de maîtriser les battements de son cœur. Jamais elle n’avait vu un homme aussi séduisant ! Quand elle avait levé les yeux sur lui, elle en avait eu le souffle coupé. Avec ses épais cheveux noirs, ses yeux noirs parsemés de paillettes dorées, ses pommettes saillantes et son nez droit, il avait la majesté d’une statue antique. La barbe naissante qui recouvrait sa mâchoire carrée ajoutait à son visage une touche de sensualité très troublante. Toutefois, ce n’était pas une raison pour négliger son travail.

— Si j’arrête maintenant, la tache va s’incruster, fit-elle valoir d’une voix mal assurée.

Sergio ne se lassait pas de la contempler. Il avait pourtant l’habitude de côtoyer des créatures superbes. Alors pourquoi était-il envoûté par ce visage ? Pourquoi ne parvenait-il pas à en détacher les yeux ?

— D’accord, continuez. Mais auparavant, répondez à une question. Lequel de mes amis vous a envoyée ici ?

Interloquée, Kathy s’empourpra.

— Je suis désolée… je… je ne comprends pas, bredouilla-t-elle en se relevant. Je finirai de nettoyer plus tard.

— Non, faites-le maintenant.

Elle se figea, outrée par le ton impérieux de Sergio. Arrogant, autoritaire, manifestement séducteur dans l’âme… Pas de doute, cet homme était aussi odieux que beau. Serrant les dents, elle l’injuria mentalement. Elle n’était pas stupide. Le sens de sa question était clair.

Quelques semaines plus tôt, un autre homme travaillant au même étage lui avait demandé d’un ton plein d’espoir si elle était une strip-teaseuse déguisée en femme de ménage. Indignée, elle avait dû faire appel à toute sa volonté pour ne pas lui dire ce qu’elle pensait de cette plaisanterie douteuse. Elle avait le droit qu’on la laisse travailler en paix, comme n’importe qui !

Alors qu’elle s’agenouillait de nouveau, son regard croisa deux yeux noirs étincelants. L’espace d’un instant, elle resta clouée sur place, la gorge sèche. Au prix d’un effort surhumain, elle baissa la tête et concentra son attention sur la tache.

Sergio l’observait attentivement, légèrement perplexe. Elle ne faisait rien pour l’aguicher. Sa blouse était soigneusement boutonnée et son attitude n’avait rien de provocant. Alors pourquoi ne pouvait-il s’empêcher de la dévorer des yeux ? Il y avait quelque chose de spécial chez cette fille. Elle était différente des autres. Le feu qui colorait ses joues était curieusement émoustillant.

Et malgré son attitude réservée, le regard de ses fantastiques yeux émeraude était incroyablement direct. Quant à sa bouche pulpeuse… La vue de ces lèvres, aussi rouges que des fraises gorgées de soleil, faisait courir dans ses veines un feu rampant.

Kathy frottait la moquette avec énergie tout en s’efforçant de se ressaisir. Pourquoi cet inconnu la troublait-il à ce point ? C’était stupéfiant. Aucun homme ne lui avait fait cet effet depuis Gareth. Et à vrai dire, même Gareth n’avait jamais déclenché en elle des sensations aussi intenses… Mais ça n’avait rien à voir, de toute façon. A l’époque, elle était adolescente, amoureuse et pleine d’illusions. Son esprit était tout entier accaparé par des rêves romantiques.

Tandis qu’aujourd’hui elle était adulte et il y avait bien longtemps que ses illusions étaient parties en fumée. Les réactions de son corps face à cet homme superbe et arrogant prouvaient simplement que la nature l’avait dotée des mêmes pulsions que n’importe quel être humain. Et après tout, découvrir que, malgré son cœur brisé, elle restait une femme normalement constituée aurait dû la réjouir…

Elle se releva et se dirigea vers la sortie.

Sergio se redressa sur son siège, mais la protestation qu’il s’apprêtait à formuler pour la retenir ne franchit pas ses lèvres. Madonna diavolo ! Que lui prenait-il ? C’était la femme de ménage, bon sang ! Il crispa la mâchoire. A moins que…

Son immense fortune faisait de lui un objet de convoitise permanent. Les femmes ne reculaient devant rien pour attirer son attention et recouraient aux ruses les plus grossières pour trouver le chemin de son lit. Depuis la voiture qui refusait de démarrer jusqu’aux problèmes de logement de dernière minute, en passant par les malaises soudains ou les avions malencontreusement ratés…

Un jour, une assistante très compétente et apparemment respectable lui avait apporté son café en guêpière et porte-jarretelles. D’autres avaient profité de réunions tardives ou de voyages d’affaires pour lui prouver à quel point elles pouvaient être sexy sans leur tenue de travail. A trente et un ans, il avait été la cible d’innombrables sollicitations, certaines subtiles, d’autres purement et simplement grotesques.

Une fois la porte refermée derrière elle, Kathy prit une profonde inspiration. Qui était donc cet homme ? se demanda-t-elle, les jambes tremblantes. A en juger par la taille et le décor luxueux de son bureau, il faisait partie de l’équipe dirigeante. Mais quelle importance ? C’était la première fois qu’elle le voyait et il y avait de grandes chances pour que ce soit la dernière. Fort heureusement…

En passant devant l’échiquier, elle eut un instant d’hésitation. Le moment était mal choisi pour s’attarder dans ce hall… Mais la tentation fut trop forte. Elle étudia le jeu et décida de sacrifier un pion dans l’espoir d’inciter son adversaire à baisser sa garde.

Etait-ce lui ? se demanda-t-elle tout à coup, le cœur battant. Non, c’était peu probable. Ce hall donnait sur deux autres grands bureaux, dont un contenait une demi-douzaine de postes de travail. Un snob arrogant et autoritaire, visiblement habillé sur mesure et parlant avec l’accent typique de la haute société britannique n’était sûrement pas du genre à jouer aux échecs à distance avec quelqu’un dont il ignorait l’identité… Elle sortit dans le couloir pour reprendre son travail.

Sergio fermait son ordinateur portable quand le téléphone sonna.

— Ça y est, monsieur, nous avons la vidéo que nous attendions ! annonça Renzo Catallone d’une voix triomphante.

— De quand date-t-elle ?

— D’hier soir. Un de mes hommes vérifie les enregistrements de la caméra de surveillance depuis des heures. Vous risquez d’être surpris par ce que j’ai découvert.

— Eh bien, allez-y, surprenez-moi, rétorqua Sergio avec impatience.

— La personne qui se permet de toucher à votre échiquier est une femme de ménage du nom de Kathy Galvin. Elle a commencé à travailler ici il y a un mois.

L’incrédulité de Sergio laissa vite place à la curiosité.

— Envoyez les images sur mon ordinateur.

C’était la sublime rousse qui venait de sortir de son bureau, constata-t-il quelques instants plus tard. Fasciné, il la regarda se lever du canapé et s’étirer. Manifestement, elle venait de faire un somme. Après un coup d’œil à l’échiquier, elle déplaça le cavalier blanc. Etait-il sexiste de s’étonner qu’elle soit capable d’une stratégie aussi subtile ? se demanda-t-il avec dérision. Sans doute. Mais il était probable que quelqu’un lui soufflait les coups. Via un téléphone portable, peut-être…

La suite de l’enregistrement le détourna de ses pensées. La jeune femme dénoua ses cheveux ébouriffés et sortit un peigne de sa poche. Il sentit son pouls s’accélérer. Elle avait tout d’une sirène exhibant sa crinière flamboyante pour attirer les marins sur les récifs… Concentrant toute son attention sur son visage sublime, il effectua un arrêt sur image. Puis il se leva et sortit dans le hall pour vérifier l’échiquier. Elle avait joué juste après l’avoir quitté… Il regagna son bureau et contempla de nouveau l’image figée sur son écran, tandis que Renzo Catallone, toujours en ligne, déclarait :

— C’est une faute professionnelle caractérisée, monsieur. Elle sera renvoyée par la société de sous-traitance dès que nous signalerons ce manquement inadmissible aux…

— Non, laissez-moi m’occuper de cette histoire et ne l’ébruitez surtout pas, coupa Sergio d’un ton péremptoire.

— Vous êtes certain ?

— Oui. Et mettez cette caméra hors service immédiatement.

Sergio raccrocha avec une moue de dérision. Il ne s’était pas trompé. Cette rousse incendiaire n’était pas une femme de ménage, mais une aventurière à l’imagination fertile. C’était la première fois qu’on tentait de le séduire par échecs interposés. Et il fallait reconnaître que la méthode était assez raffinée…

Il eut un sourire gourmand. Pourquoi ne pas s’amuser un peu ? Dès ce soir de préférence, puisqu’il quittait Londres demain matin… Il devait participer à un marathon de ski de fond en Norvège, puis se rendre à New York pour divers rendez-vous d’affaires. Il ne reviendrait pas au Royaume-Uni avant dix jours.

Il partit à la recherche de sa proie et la trouva dans un bureau voisin en train de faire la poussière. La lumière du plafonnier faisait scintiller les reflets cuivrés de ses boucles soyeuses. Lorsqu’elle leva la tête et le vit dans l’embrasure de la porte, la stupéfaction se peignit sur ses traits délicats.

Il réprima une moue admirative. C’était une excellente comédienne et elle ne se laissait pas prendre au dépourvu. Devant cette mine ébahie, personne ne pourrait soupçonner qu’elle cherchait à attirer son attention depuis presque trois semaines par l’intermédiaire d’un échiquier.

— J’ai une proposition à vous faire, bella mia, déclara-t-il d’une voix suave. Terminons notre partie d’échecs ce soir. Si vous gagnez, je suis à vous. Si vous perdez, je suis à vous également. Cela vous convient-il ?

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