Irrévocablement

En revanche, pour ce qui me concerne directement, la demande de blé est supérieure à la production mondiale, et la démographie n’a pas fini de croître, donc pour les céréaliers, pas de problèmes graves en vue. Les cours sont fluctuants  mais il s’agit de quelque chose que tu connais bien, de spéculation financière ! -               Et moi, dans la poule aux œufs d’or, dit Olivier, on est aussi sur une consommation importante. Il faut savoir qu’environ trois mille kilos de poulets sont produits et consommés chaque seconde dans le monde, soit quatre-vingt-six milliards de poulets chaque année, plus un virgule trois milliard de dindes, et quatre virgule deux milliards de canards. Pour les œufs, trente-deux-mille sont consommés chaque seconde, soit mille milliards par an. Alors, mes poules, je les regarde et les dorlote comme il se doit. La démographie est aussi à notre avantage sachant que nous sommes sur les produits alimentaires les plus consommés dans le monde. - Mais ce n’est pas frustrant d’élever des poulets vivants pour les abattre au bout de quelques mois ? -               Tu veux dire quelques semaines. Ils sont comme les spermatozoïdes dans la chanson des frères Jacques, plus de neuf-mille dans quatre-cents mètres carrés, alors on ne les reconnaît pas, nous ne sommes pas des intimes. Pourtant on les soigne bien, ils sont dans des bâtiments douillets, chauffés. Les poulaillers s’appellent « Bâtiment Louisiane », c’est déjà un type d’hébergement élaboré non ? Avec des jours plus courts que pour les humains, environ vingt-trois heures, afin de les faire grossir plus vite. Ils sont abattus au bout de trente-huit à quarante jours en moyenne. - Eh ben dis donc, c’est court une vie de poulet d’élevage, ceux des commissariats sont plus chanceux ! - Tu as raison. - Donc pas de crise à l’horizon dans vos spécialités ! C’est super ! -               Oui, nous avons les mêmes problèmes qu’un industriel, des problèmes de prix, de concurrence, de législation tatillonne qui réglemente sans trop tenir compte des spécificités de chaque pays, mais bon, toute l’économie mondiale est mangée à cette sauce piquante. - Et toi, Raphaël, tu n’as pas non plus d’inquiétude, l’argent fera toujours de l’argent et les hommes seront toujours demandeurs de plus de profits ! -               Oui, c’est vrai, mais dans ma discipline, c’est l’ordinateur qui est le plus à craindre, ou à dorloter selon les points de vue.