Je ne veux pas purger ma peine. Je refuse le deuil. Je ne commence pas. Je ne le fais pas. Je ne traverse pas. Néanmoins, je suis digne, je ne suis pas affalée en pleurs sur le plancher. Je fais ce qu’il faut pour qu’on ne s’inquiète pas, pour qu’on ne me dise pas, avec compassion, qu’il est temps de passer à autre chose, de commencer mon deuil, de faire mon deuil, de traverser mon deuil. Le deuil ne passe pas. Je ne passe pas. Je reste là où tu n’es pas. Je t’aime, et le temps reste en suspens dans la douleur de ton absence.

Je cours. Vers où ? Je ne le sais pas trop.

Au poste de police. Oui, c’est une bonne idée. Justement, une auto-patrouille est stationnée en face de l’école. Le policier est penché sur son carnet de contraventions. Sa vitre est baissée. Je cogne trois fois sur sa portière.

Il m’ignore.

– Il faut m’aider, monsieur le policier. À l’école, tout le monde est…

– Je dois lire. J’aime lire.

– Oh non ! Pas vous aussi.

Je lui retire son livret de contraventions pour mieux attirer son attention. Finalement, il me regarde droit dans les yeux. Il n’a pas l’air de bonne humeur.

– JE DOIS LIRE !

Il dégaine son revolver et pose son canon sur mon ventre. Je donne un coup de poing sur le revolver. Le policier tente de sortir de son véhicule. Je lui jette son carnet de contraventions au visage et, avant de déguerpir, je m’empare de son arme qui est tombée par terre.

Il est derrière moi. Il court. Il a sorti sa matraque.

En voulant accélérer, je m’aperçois que la blessure à ma jambe droite n’est pas tout à fait guérie. Je ressens une douleur au genou, douleur qui croît au fur et à mesure que je prends de la vitesse. Cinquante mètres plus tard, je m’effondre. J’ai trop mal pour continuer.

Je me retourne. L’avance que j’ai prise diminue à vue d’œil. Ça n’a pas amusé le policier, que je lui retire sa lecture.

Je n’ai pas le choix. Si je veux survivre, faut que j’utilise l’arme.

Je vise ses jambes. J’appuie sur la gâchette. Ça ne fonctionne pas. Elle est bloquée.

Il saute sur moi. Il m’assène des coups de matraque sur le corps. Même si je me protège de mon mieux, certains de ses coups portent. L’un d’eux me fait lâcher le revolver qui va atterrir plus loin.