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Extrait ajouté par Melodie-26 2020-11-22T18:59:17+01:00

« Elle avait beau être forte et courageuse au quotidien, une vraie lionne quand il s’agissait de ses enfants, elle n’en restait pas moins une femme sensible et vulnérable. »

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Extrait ajouté par Melodie-26 2020-11-22T18:59:00+01:00

« Il rêvait d’ouvrir le battant à la voilée et de l’entraîner sur son lit pour faire l’amour et lui apporter toute l’attention et la tendresse qu’elle méritait. Au lieu de ça, il resta immobile jusqu’à ce qu’il entende la porte de chez elle se refermer. Son cœur saignait pour elle. Et parce qu’il ne pouvait être avec elle. »

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Extrait ajouté par CrystalM 2020-11-12T15:32:51+01:00

CHAPITRE 1

— Je vais avoir le job, je vais avoir le job, je vais avoir le job !

Enora se répétait en boucle ce mantra, espérant que les dieux l’entendraient et se montreraient enfin cléments. Avec son diplôme d’infirmière, elle avait naïvement pensé qu’elle retrouverait facilement un emploi. Elle avait postulé, pleine d’optimisme et d’espoir, prête à accepter la première offre qui se présenterait, même en horaires de nuit ou à temps partiel. Mais elle avait quitté le marché du travail depuis bientôt cinq ans, et cette décision la pénalisait aujourd’hui. À l’époque, elle était enceinte de Luna, et arrêter de travailler lui était apparu comme une évidence. En tant que chirurgien orthopédiste, Ludovic gagnait très bien sa vie et pouvait aisément subvenir aux besoins de leur famille. Elle n’avait pas vécu l’abandon de sa carrière comme un sacrifice, à ce moment-là. Malheureusement, aujourd’hui, elle devait se justifier auprès des rares employeurs qui la recevaient en entretien et qui pointaient du doigt son manque d’expérience. Après plusieurs échecs, elle avait élargi ses recherches au métier d’aide-soignante et à ceux de la petite enfance. Elle n’avait pas plus d’expérience professionnelle dans ces domaines, mais elle considérait qu’élever des enfants était un véritable travail qui tenait lieu de références. Jusqu’à présent, en dehors de quelques heures de baby-sitting très mal payées, rien de correct ne s’était présenté. Alors cette offre d’emploi, dénichée dans la boulangerie située près du collège de Léo, la faisait espérer.

Cherche garde d’enfants sérieuse à temps plein pour s’occuper de jumeaux (cinq ans). Logée et nourrie. Références exigées.

L’annonce était succincte, mais dans ses cordes. Si elle n’avait pas de références, ses enfants étaient polis et en bonne santé. Ça comptait, non ?

— Je vais avoir le job, je vais avoir le job, je vais avoir le job !

À force de se le dire, peut-être cela allait-il enfin marcher. Elle avait passé trois entretiens ces quinze derniers jours ; aucun n’avait été concluant. L’école avait repris et ça la rendait malade. Léo, Luna et elle avaient heureusement trouvé refuge chez ses parents, à Colmar, seulement, pour être à l’heure à l’école, ils se levaient tous les trois à 5 heures chaque matin, et ils rentraient après 19 heures le soir. Les enfants accusaient déjà une grande fatigue alors que l’année scolaire venait de commencer. Il fallait donc absolument qu’elle trouve un emploi et un logement au plus près et au plus vite.

Elle ressentait cette pression à chaque instant et fulminait d’être dans l’incapacité de prendre correctement soin de ses enfants. Si seulement elle avait continué à travailler, ne serait-ce qu’à temps partiel, ou si elle avait imposé à Ludovic de faire les démarches administratives nécessaires ! Mais, avec des si, on pouvait mettre Paris en bouteille… La réalité était là : son curriculum vitæ était si maigre que personne ne voulait lui donner sa chance, alors qu’elle avait désespérément besoin d’un travail. Elle essayait de garder la foi, mais c’était difficile.

Accompagnée de ses sombres pensées, elle arriva enfin à l’adresse que lui avait indiquée la femme qu’elle avait eue la veille au téléphone. Un peu anxieuse, elle se rassura en se disant qu’elle savait faire bonne impression et que les gens l’appréciaient, en général. Sa taille et ses petites rondeurs évoquaient tout autant la solidité que la douceur. Elle avait un joli visage harmonieux, des pommettes hautes, des yeux bleu glacier et des taches de rousseur sur le nez. Elle possédait une grande bouche, que l’on comparait souvent à celle de Julia Roberts, et arborait toujours un sourire franc et sincère. Oui, elle allait se montrer sous son meilleur jour pour décrocher le poste.

Elle jeta un coup d’œil à sa montre et constata qu’elle avait quinze minutes d’avance. Elle observa les hauts murs qui entouraient le jardin et ne laissaient presque rien entrevoir de la demeure depuis le trottoir. Pour tromper son impatience, elle fit les cent pas en se répétant les arguments qui feraient d’elle une candidate fiable et responsable. Ce job, elle le voulait plus que les autres. Parce qu’il s’agissait de s’occuper de jeunes enfants, lointain écho à son rêve de devenir puéricultrice, et que la maison se trouvait dans un secteur proche de son ancien quartier strasbourgeois. Elle s’interdisait d’avoir trop d’espoir, tout en considérant cette offre comme une véritable aubaine.

À 10 heures tapantes, elle sonna à l’interphone, et son interlocutrice, reconnaissable à son accent britannique, lui répondit d’entrer. Après le bip signalant l’ouverture du verrou automatique, Enora poussa le portillon en fer forgé et avança jusqu’à la volée de marches qui menait à la porte d’entrée. Typique du style bourgeois du XIXe siècle, avec son escalier massif, ses hautes fenêtres et sa façade en pierre, la maison comportait deux étages, et était entourée d’un jardin paysager coupé de tout vis-à-vis grâce à de hautes haies bien entretenues. L’espace d’un instant, Enora eut un mouvement de recul. Cette maison ressemblait tellement à celle qui avait été son foyer ces cinq dernières années ! Et si ses futurs employeurs s’avéraient des parents d’élèves qu’elle croisait chaque jour ? Ça serait terriblement humiliant. Cependant, elle devait passer outre son orgueil et ne négliger aucune opportunité. Il y allait du bien-être de ses enfants.

Ce fut avec une certaine appréhension qu’elle gravit les marches en haut desquelles une femme d’une soixantaine d’années l’attendait.

— Enora, je présume ? Je suis Margareth, mais tout le monde m’appelle Maggie. Suivez-moi à l’intérieur.

Elles pénétrèrent dans un vaste hall et prirent sur la droite. Un long couloir à la tapisserie crème recouverte de photos encadrées les mena jusqu’à une grande cuisine lumineuse. La pièce était chaleureuse, avec son mobilier de bois et son îlot central, autour duquel étaient disposés six tabourets de bar équipés de dossiers et d’accoudoirs. Plutôt que de prendre place sur l’un des fauteuils en cuir brun, Maggie lui proposa de s’installer autour d’une petite console près du mur sud, sur des chaises en bois et osier.

— Aimeriez-vous une tasse de thé ?

— Avec plaisir.

Maggie plaça une bouilloire sur l’un des brûleurs du vaste piano de cuisine. La pièce était équipée avec goût, mêlant harmonieusement mobilier traditionnel et électroménager dernier cri. Maggie sortit deux tasses, deux boules à thé et plusieurs boîtes en métal, puis disposa un pot de lait, une boîte à sucre et des petites cuillères devant Enora. La jeune femme aurait dû se sentir gênée d’être ainsi reçue pour un entretien d’embauche, mais, étrangement, elle se détendait, se laissant envelopper par les gestes mesurés et efficaces de celle qui la recevait.

Lorsque l’eau fut bouillante, Maggie fit le service. Elle n’avait pas prononcé un seul mot, tout occupée à sa tâche. Si l’accent ne l’avait pas mise sur la voie, Enora aurait deviné ses origines anglaises par son application à préparer le thé.

— Nous allons pouvoir commencer, déclara Maggie, une fois les boules infusant dans les tasses. Je crois que je dois vous demander un curriculum vitæ.

Enora le lui tendit aussitôt. Après plusieurs minutes de lecture, Maggie reprit :

— Eh bien, vous avez plus d’expérience que les candidates précédentes.

Depuis qu’elle avait entamé ses recherches, c’était bien la première fois qu’Enora entendait cela. Sa surprise dut se lire sur son visage, car Maggie crut bon d’ajouter :

— Pour tout vous avouer, les autres postulantes étaient des adolescentes.

En même temps, à quoi s’attendre d’autre, en déposant une annonce dans une boulangerie de quartier ? pensa Enora. Plutôt que de faire une quelconque remarque, elle laissa son interlocutrice continuer.

— M. Laferrière, mon employeur, est divorcé et travaille entre les États-Unis et la France. Ces nombreux allers-retours devraient cesser dans les semaines à venir, mais en attendant il m’a confié la charge de trouver ma remplaçante.

Elle but une gorgée de son thé noir et poursuivit :

— C’est la première fois que je suis confrontée à cette situation. J’ai essayé de recruter par Internet, seulement, c’est compliqué. On me demande des codes, des identifiants, des adresses, des mots de passe ou que sais-je encore. Alors j’ai utilisé la méthode à CHAPITRE 1

— Je vais avoir le job, je vais avoir le job, je vais avoir le job !

Enora se répétait en boucle ce mantra, espérant que les dieux l’entendraient et se montreraient enfin cléments. Avec son diplôme d’infirmière, elle avait naïvement pensé qu’elle retrouverait facilement un emploi. Elle avait postulé, pleine d’optimisme et d’espoir, prête à accepter la première offre qui se présenterait, même en horaires de nuit ou à temps partiel. Mais elle avait quitté le marché du travail depuis bientôt cinq ans, et cette décision la pénalisait aujourd’hui. À l’époque, elle était enceinte de Luna, et arrêter de travailler lui était apparu comme une évidence. En tant que chirurgien orthopédiste, Ludovic gagnait très bien sa vie et pouvait aisément subvenir aux besoins de leur famille. Elle n’avait pas vécu l’abandon de sa carrière comme un sacrifice, à ce moment-là. Malheureusement, aujourd’hui, elle devait se justifier auprès des rares employeurs qui la recevaient en entretien et qui pointaient du doigt son manque d’expérience. Après plusieurs échecs, elle avait élargi ses recherches au métier d’aide-soignante et à ceux de la petite enfance. Elle n’avait pas plus d’expérience professionnelle dans ces domaines, mais elle considérait qu’élever des enfants était un véritable travail qui tenait lieu de références. Jusqu’à présent, en dehors de quelques heures de baby-sitting très mal payées, rien de correct ne s’était présenté. Alors cette offre d’emploi, dénichée dans la boulangerie située près du collège de Léo, la faisait espérer.

Cherche garde d’enfants sérieuse à temps plein pour s’occuper de jumeaux (cinq ans). Logée et nourrie. Références exigées.

L’annonce était succincte, mais dans ses cordes. Si elle n’avait pas de références, ses enfants étaient polis et en bonne santé. Ça comptait, non ?

— Je vais avoir le job, je vais avoir le job, je vais avoir le job !

À force de se le dire, peut-être cela allait-il enfin marcher. Elle avait passé trois entretiens ces quinze derniers jours ; aucun n’avait été concluant. L’école avait repris et ça la rendait malade. Léo, Luna et elle avaient heureusement trouvé refuge chez ses parents, à Colmar, seulement, pour être à l’heure à l’école, ils se levaient tous les trois à 5 heures chaque matin, et ils rentraient après 19 heures le soir. Les enfants accusaient déjà une grande fatigue alors que l’année scolaire venait de commencer. Il fallait donc absolument qu’elle trouve un emploi et un logement au plus près et au plus vite.

Elle ressentait cette pression à chaque instant et fulminait d’être dans l’incapacité de prendre correctement soin de ses enfants. Si seulement elle avait continué à travailler, ne serait-ce qu’à temps partiel, ou si elle avait imposé à Ludovic de faire les démarches administratives nécessaires ! Mais, avec des si, on pouvait mettre Paris en bouteille… La réalité était là : son curriculum vitæ était si maigre que personne ne voulait lui donner sa chance, alors qu’elle avait désespérément besoin d’un travail. Elle essayait de garder la foi, mais c’était difficile.

Accompagnée de ses sombres pensées, elle arriva enfin à l’adresse que lui avait indiquée la femme qu’elle avait eue la veille au téléphone. Un peu anxieuse, elle se rassura en se disant qu’elle savait faire bonne impression et que les gens l’appréciaient, en général. Sa taille et ses petites rondeurs évoquaient tout autant la solidité que la douceur. Elle avait un joli visage harmonieux, des pommettes hautes, des yeux bleu glacier et des taches de rousseur sur le nez. Elle possédait une grande bouche, que l’on comparait souvent à celle de Julia Roberts, et arborait toujours un sourire franc et sincère. Oui, elle allait se montrer sous son meilleur jour pour décrocher le poste.

Elle jeta un coup d’œil à sa montre et constata qu’elle avait quinze minutes d’avance. Elle observa les hauts murs qui entouraient le jardin et ne laissaient presque rien entrevoir de la demeure depuis le trottoir. Pour tromper son impatience, elle fit les cent pas en se répétant les arguments qui feraient d’elle une candidate fiable et responsable. Ce job, elle le voulait plus que les autres. Parce qu’il s’agissait de s’occuper de jeunes enfants, lointain écho à son rêve de devenir puéricultrice, et que la maison se trouvait dans un secteur proche de son ancien quartier strasbourgeois. Elle s’interdisait d’avoir trop d’espoir, tout en considérant cette offre comme une véritable aubaine.

À 10 heures tapantes, elle sonna à l’interphone, et son interlocutrice, reconnaissable à son accent britannique, lui répondit d’entrer. Après le bip signalant l’ouverture du verrou automatique, Enora poussa le portillon en fer forgé et avança jusqu’à la volée de marches qui menait à la porte d’entrée. Typique du style bourgeois du XIXe siècle, avec son escalier massif, ses hautes fenêtres et sa façade en pierre, la maison comportait deux étages, et était entourée d’un jardin paysager coupé de tout vis-à-vis grâce à de hautes haies bien entretenues. L’espace d’un instant, Enora eut un mouvement de recul. Cette maison ressemblait tellement à celle qui avait été son foyer ces cinq dernières années ! Et si ses futurs employeurs s’avéraient des parents d’élèves qu’elle croisait chaque jour ? Ça serait terriblement humiliant. Cependant, elle devait passer outre son orgueil et ne négliger aucune opportunité. Il y allait du bien-être de ses enfants.

Ce fut avec une certaine appréhension qu’elle gravit les marches en haut desquelles une femme d’une soixantaine d’années l’attendait.

— Enora, je présume ? Je suis Margareth, mais tout le monde m’appelle Maggie. Suivez-moi à l’intérieur.

Elles pénétrèrent dans un vaste hall et prirent sur la droite. Un long couloir à la tapisserie crème recouverte de photos encadrées les mena jusqu’à une grande cuisine lumineuse. La pièce était chaleureuse, avec son mobilier de bois et son îlot central, autour duquel étaient disposés six tabourets de bar équipés de dossiers et d’accoudoirs. Plutôt que de prendre place sur l’un des fauteuils en cuir brun, Maggie lui proposa de s’installer autour d’une petite console près du mur sud, sur des chaises en bois et osier.

— Aimeriez-vous une tasse de thé ?

— Avec plaisir.

Maggie plaça une bouilloire sur l’un des brûleurs du vaste piano de cuisine. La pièce était équipée avec goût, mêlant harmonieusement mobilier traditionnel et électroménager dernier cri. Maggie sortit deux tasses, deux boules à thé et plusieurs boîtes en métal, puis disposa un pot de lait, une boîte à sucre et des petites cuillères devant Enora. La jeune femme aurait dû se sentir gênée d’être ainsi reçue pour un entretien d’embauche, mais, étrangement, elle se détendait, se laissant envelopper par les gestes mesurés et efficaces de celle qui la recevait.

Lorsque l’eau fut bouillante, Maggie fit le service. Elle n’avait pas prononcé un seul mot, tout occupée à sa tâche. Si l’accent ne l’avait pas mise sur la voie, Enora aurait deviné ses origines anglaises par son application à préparer le thé.

— Nous allons pouvoir commencer, déclara Maggie, une fois les boules infusant dans les tasses. Je crois que je dois vous demander un curriculum vitæ.

Enora le lui tendit aussitôt. Après plusieurs minutes de lecture, Maggie reprit :

— Eh bien, vous avez plus d’expérience que les candidates précédentes.

Depuis qu’elle avait entamé ses recherches, c’était bien la première fois qu’Enora entendait cela. Sa surprise dut se lire sur son visage, car Maggie crut bon d’ajouter :

— Pour tout vous avouer, les autres postulantes étaient des adolescentes.

En même temps, à quoi s’attendre d’autre, en déposant une annonce dans une boulangerie de quartier ? pensa Enora. Plutôt que de faire une quelconque remarque, elle laissa son interlocutrice continuer.

— M. Laferrière, mon employeur, est divorcé et travaille entre les États-Unis et la France. Ces nombreux allers-retours devraient cesser dans les semaines à venir, mais en attendant il m’a confié la charge de trouver ma remplaçante.

Elle but une gorgée de son thé noir et poursuivit :

— C’est la première fois que je suis confrontée à cette situation. J’ai essayé de recruter par Internet, seulement, c’est compliqué. On me demande des codes, des identifiants, des adresses, des mots de passe ou que sais-je encore. Alors j’ai utilisé la méthode à l’ancienne : les petites annonces chez les commerçants du quartier. Je pensais que j’aurais plus de postulantes. En trois semaines, vous êtes la quatrième à m’appeler, et la première qui soit âgée de plus de seize ans. Je désespérais de trouver une candidate à la hauteur !

Enora sentit les battements de son cœur s’accélérer. L’entretien n’avait pas vraiment commencé que Maggie lui laissait pratiquement entendre qu’elle avait le poste. C’était trop beau pour être vrai.

— Nous avons besoin de trouver une remplaçante très rapidement. Je m’occupe des enfants depuis deux ans déjà et il est temps pour moi de partir à la retraite.

Maggie but une nouvelle gorgée de thé avec l’élégance et le maintien typiques des Britanniques. Enora l’écoutait, hochant régulièrement la tête pour souligner son attention.

— J’avais prévenu M. Laferrière que viendrait bientôt le moment pour moi de les quitter. Je ne rajeunis pas et, les jumeaux ont beau être adorables, il faut les occuper. Je n’ai plus l’énergie nécessaire. En plus, ma fille cadette vient d’accoucher. C’est son premier enfant et je lui avais promis d’être là pour lui apporter mon aide.

Le regard dans le vague, Maggie resta silencieuse un instant.

— J’ai suffisamment donné pour les autres familles et je souhaite à présent me consacrer à mes proches, expliqua-t-elle. J’attends avec impatience de trouver une personne de confiance pour s’occuper des jumeaux. Vous-même, avez-vous des enfants ?

Mal à l’aise, Enora se demanda si elle devait annoncer de but en blanc qu’elle était seule avec ses deux enfants. Sachant qu’elle ne pourrait pas cacher longtemps sa situation familiale, elle se lança dans le récit de sa propre histoire, même s’il lui était difficile, émotionnellement, de revenir sur les événements qui avaient fait basculer sa vie, ces derniers mois.

— J’ai un beau-fils de treize ans, que Ludovic, mon compagnon, a eu lors d’un premier mariage. J’ai également une fille, Luna, qui a cinq ans.

— Cinq ans, comme les jumeaux ! s’exclama Maggie.

— Ludovic est un médecin dévoué à son métier. Il a cependant dû renoncer à son rêve de rejoindre Médecins sans frontières, en tant que chargé de famille. Malgré tout, il y a quelques mois, il a rempli un formulaire de demande d’informations. L’ONG l’a contacté car elle recherchait des candidats ayant son profil.

En expliquant tout cela, Enora sentait la colère monter en elle. Même s’ils avaient vaguement évoqué le sujet plusieurs mois auparavant, jamais elle n’aurait pensé qu’il irait au bout de ces démarches. Luna était encore très jeune, et Léo, adolescent, avait parfois un comportement difficile à gérer. Rien de tout cela n’avait retenu Ludovic, en fin de compte. Elle avait parfois la sensation que sa vie lui avait échappé à partir de ce moment-là.

Essayant de juguler son amertume, elle continua, encouragée par le silence bienveillant de son interlocutrice.

— J’ai été très réticente, au départ, puis j’ai accepté son départ pour une mission de six mois. Il est parti fin juin en Afrique, me laissant seule avec les enfants. Tout aurait dû se passer correctement, si son ex-femme n’avait pas débarqué dans notre vie pour tout bouleverser.

Sylvanie s’était présentée chez eux sans crier gare, début août. Les enfants étaient heureusement absents cet après-midi-là, invités chez des amis. Enora avait été sonnée en découvrant l’identité de la visiteuse.

Elle l’avait reçue lors d’un entretien tendu. Après une énième cure de désintoxication, Sylvanie avait repris sa vie en main et n’était plus sous la tutelle de ses parents. Elle avait décidé de renouer avec son fils, qu’elle n’avait pas vu depuis douze ans. Elle avait fait appel à un avocat : en plus de Léo, elle voulait récupérer la moitié des biens de son mari, dont elle n’avait jamais divorcé. Enora apprit ce jour-là la véritable raison pour laquelle Ludovic avait toujours refusé de l’épouser.

À ce souvenir, elle sentit une boule se former dans sa gorge : le sentiment de trahison qui l’avait saisie alors était toujours aussi vivace. Mais ce n’était ni le lieu ni le moment pour se laisser submerger par ses émotions.

— Sans entrer dans les détails, confia-t-elle, des sanglots contenus dans la voix, un imbroglio juridique couplé à l’absence du père de mes enfants a fait que j’ai dû quitter mon domicile. J’ai besoin d’un emploi et d’un logement dans les plus brefs délais.

— Ma pauvre ! dit Maggie, lui tapotant amicalement la main.

Avec gentillesse, elle lui resservit une tasse de thé. Enora était touchée par la sollicitude de son hôtesse, qui n’avait pas l’air de lui tenir rigueur de cet accès de faiblesse. Un téléphone sonna à cet instant, et Maggie s’excusa, avant de la laisser seule. Incapable de se concentrer sur son entretien, Enora sentit les souvenirs des dernières semaines remonter à la surface de façon importune.

La visite de Sylvanie l’avait abattue. Le soir même, elle prenait contact avec un avocat et cherchait à joindre Ludovic. Puisque Sylvanie avait lancé une procédure de divorce pour réclamer la moitié de ses biens ainsi que la garde conjointe de Léo, il fallait absolument le prévenir. Seulement, sa mission le menant de village en village, en des lieux souvent dépourvus d’électricité et de connexion Internet, il avait été impossible, sur le moment, de le contacter. Difficile dans ces conditions de résoudre un problème aussi épineux.

Après deux jours d’attente, Ludovic avait enfin appelé. Lui aussi était tombé des nues en apprenant la réapparition de Sylvanie. La conversation avait été longue et douloureuse. Il avait immédiatement reconnu son erreur, arguant que les parents de Sylvanie n’avaient pas accepté la procédure de divorce au nom de leur fille, qui n’avait pas donné son accord. Il avait donc laissé la procédure en suspens, sans se battre pour obtenir gain de cause. La conversation s’était envenimée, mais il leur avait fallu se concentrer promptement sur l’essentiel : Léo.

Ludovic avait alors pris contact avec son avocat. Quelques jours plus tard, le couperet était tombé. Non seulement Sylvanie était dans son bon droit, mais Ludovic n’avait pas eu la possibilité de revenir en France, malgré ce cas de force majeure. Son contrat avec l’ONG ne le permettait pas. Or, sans la présence de Ludovic, Enora n’avait aucune marge de manœuvre. Aux yeux de la loi, elle n’était rien pour Léo. On lui avait donc enlevé son beau-fils.

Les yeux dans le vague, Enora essayait de retrouver un peu de calme, mais la colère qu’elle ressentait était trop intense. Encore maintenant, elle était à fleur de peau, déçue, déboussolée et seule.

En quelques semaines, tout s’était précipité. Le juge avait statué : Sylvanie aurait la garde de son fils, afin qu’ils apprennent à se connaître. L’injustice morale de la situation et son impuissance face à la loi avaient anéanti Enora. Elle avait passé les jours suivants dans un état second, tentant de faire bonne figure devant Luna. Difficile, pourtant, de donner le change, alors qu’elle vivait un cauchemar. Heureusement, Léo était revenu à la maison, et Sylvanie et elle s’étaient alors mises d’accord pour laisser l’adolescent vivre où il le souhaitait dans un premier temps, sans en informer le juge.

C’était une première victoire, en attendant que leurs avocats trouvent une solution aux nombreux problèmes que la négligence de Ludovic avait entraînés. Comme ils n’avaient jamais rien établi officiellement, le juge avait décidé de tout suspendre. Les procédures de recours étaient lentes et laborieuses. Enora s’en voulait de sa naïveté, qui l’avait conduite à la porte de sa propre maison, l’empêchait d’avoir accès aux comptes bancaires communs et l’obligeait à retourner vivre chez ses parents.

Entendant les pas légers de Maggie qui revenait à la cuisine, elle poussa un profond soupir et se recentra sur le moment présent. Cet emploi était une chance qu’elle ne devait pas laisser passer. Elle accueillit donc la gouvernante avec un grand sourire. Cette dernière s’installa en face d’elle et reprit leur conversation comme si elles n’avaient jamais été interrompues :

— Donc vous emménageriez ici avec un adolescent de treize ans et votre fille de cinq ans ?

En présence de cette femme adorable, dans cette pièce chaleureuse, Enora s’était livrée avec franchise. Mais ne venait-elle pas de détruire toutes ses chances de se faire embaucher ?

Source : kobo.com

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