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D'aussi loin que je me souvienne,je n'ai eu ni père,ni mère.Celle qui m'a élevée est une femme du nom de Chigusa Hirasaka.Pour moi,l'intégralité de l'univers se trouvait confinée entre les murs de sa demeure.
Afficher en entierSpoiler(cliquez pour révéler)— Je commence à fatiguer... Je ne vais pas tarder à m'endormir, je le sens. Veux-tu rester auprès de moi jusqu'au lever du soleil ?
Étranglée par les sanglots, la jeune fille ne pur répondre de vive voix, mais la pression qu'elle exerça sur les doigts de Chigusa était sans équivoque. Rassurée, la vieille dame se laissa peu à peu emporter par le sommeil. La discussion n'avait pas duré longtemps, mais elle l'avait épuisée. Elle eut pourtant l'impression de vivre la nuit la plus heureuse de toute son existence.
Izana s'en sortirait. Elle ne resterait pas inconsolable à la mort de Chigusa, elle se battrait. Car plutôt que de lui montrer la voie du pardon, sa protectrice l'avait menée sur le chemin de la haine. Le ressentiment brûlerait en elle à infini et la maintiendrait en vie.
Peu importait alors si cette colère devait faire des victimes sur son passage.
Afficher en entierSpoiler(cliquez pour révéler)De rage, je balançai tout ce qui m'entourait contre le mur, des livres jusqu'au futon. Plus je pensais à Chigusa, plus ma peine pour elle grandissait, et plus ma haine à l'égard de ce trou perdu s'amplifiait.
Abject. Abject. Abject !
Abjecte, Sasae Tsuki! Abjects, les hommes Susano!
Et moi-même, plus que tous !
Le cri que je poussai alors ressemblait fort à celui d'un animal en détresse. Hagarde, je m'écroulai au sol. À quatre pattes, telle une bête, je fixai le vide.
Détruire. Faire mal. Tout réduire en charpie et ensevelir sous terre!
Afficher en entierLorsque j'appuyais de nouveau sur l'interrupteur, la vieille maison japonaise avait disparu, comme transformée en un coup de baguette magique. Je pouvais me rendre partout où je le souhaitais : dans un champ de fleurs, sur une plaine enneigée, à la plage...
Dès cette époque, j'avais découvert un refuge dans ce monde merveilleux. J'ignorais alors tout de mon futur, de cette vie que je passerais à me raccrocher à un univers de chimères.
Afficher en entierCelle qui autrefois était femme s'immobilisa. Elle fit quelques pas en arrière et détourna les yeux du miroir. Puis elle plaqua les mains contre sa figure et se mit à pousser des hurlements désespérés.
Un malaise insupportable m'envahit alors.
Jusqu'à cet instant, mon coeur battait pour la jeune fille venue défier l'ogresse. Mais à présent, le spectacle de cette femme qui gémissait de tristesse après avoir découvert son visage dans la glace et s'être fait traiter d' "effroyable ogresse" me plongeait dans la tourmente. "Effroyable". Ce simple mot martelait mon cerveau et je me demandai soudain si ce n'était pas vers moi que le miroir avait été dirigé. Je comprenais le désarroi de ce monstre, car il n'était autre que... moi.
Afficher en entierLorsque tout est perdu et qu'il n'y a plus rien d'autre à faire, nous autres, pauvres humains, nous raccrochons de toutes nos forces aux superstitions et aux croyances, lançant de vaines prières à l'aveuglette.
Afficher en entierNous ne pourrons pas continuer à vivre ainsi éternellement... Certes, tant qu'elle est petite et innocente, rien ne peut nous arriver. C'est une fillette étrange, pourtant lorsque ces joues rosissent à la vue du gâteau, elle ressemble à n'importe quel autre enfant ! Mais elle deviendra adulte. Arrivera un âge où elle voudra tout savoir, où elle pourra comprendre. Que pensera-t-elle alors ? De sa mère, de la famille Tsuki, des coutumes du village ? Sans parler des traits de son propre visage...
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