J'avais cinq ans

La mort

Le 19 septembre 1979, à dix heures, ma mère est morte. Mon père l'a tuée sur le toit de notre maison à Agadir. Il lui a enfoncé un couteau dans le ventre, l'a traînée en haut de l'escalier, l'a ligotée sur une échelle, lui a introduit du sable dans la bouche, puis l'a arrosée d'essence et a mis le feu. Elle avait vingt-neuf ans et était enceinte de sept mois quand elle est morte.

J'avais cinq ans. Aujourd'hui, j'en ai vingt-neuf, et les larmes effacent l'encre sur la feuille de papier posée devant moi. Je pleure bruyamment comme une enfant. Je pleure comme l'enfant que j'étais à l'époque où ma mère est morte. Je veux me calmer en tentant de me souvenir de ses regards. Mais je n'y parviens pas.

Ma mère s'appelait Safia. Elle avait dix-sept ans quand ses parents l'ont mariée à mon père. Mon Père, alors âgé de vingt-huit ans, s'appelait Houssein ben Mohammed ben Abdallah : Houssein, fils de Mohammed, lui-même fils d'Abdallah. Le jour où ma mère a été tuée, nous étions sept enfants. Mouna-Rachida, Rabiaa, Jaber et Jamila allaient déjà à l'école ; c'étaient les grands. J'étais l'aînée des petits. Avec Asia, un an, Ouafa, trois ans, et mes parents, nous étions en train de prendre le petit déjeuner.

L'atmosphère était calme, et pourtant je sentais que quelque chose n'allait pas. Mais en cela rien d'anormal, car, chez nous, il y avait souvent quelque chose qui n'allait pas. Maman avait probablement contredit papa. C'était dangereux. Papa bouillait de colère. D'un moment à l'autre, il nous dirait à nous, les enfants, d'aller jouer dans la rue. Et puis il battrait maman. Il agissait toujours ainsi. Une fois, il l'avait déjà presque battue à mort uniquement parce qu'elle nous avait appelés devant la porte de la maison. Ce n'était pas le fait qu'elle nous appelle qui était grave. Ce qui était grave, c'était qu'elle soit sortie de la maison. C'était interdit.

Papa a dit : «Sortez et allez jouer dans la rue.»