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« Rochefort, fort en gueule, était désespérément sobre ! Jamais de ma jeune vie de boit-sans-soif, je n’avais rencontré pareil chameau.
Il avait pour l’alcool une réelle aversion qui me fit penser qu’il n’était peut-être pas complètement humain ! Il se gaussait de nous, qui nous retrouvions souvent gueule par-dessus bord pour cracher tricher et boyaux. Il restait digne, certes, mais ne s’évadait jamais sur ces îles enchanteresses que seules les cartes de l’ivresse peuvent signaler. »
Afficher en entier- T'as aucune poésie , Clopin ! T'as l'esprit turgescent, voilà ce que t'as ! L'esprit pleurnicheur et turgescent d'un mémorialiste aigri et salace ! Tu te dilates dans la médiocrité ! Je te parle magie éthylique, caressage de goulot, passion viticole, tu me réponds Mauricette, Gertrude ou Nana ... Tu sais pourtant que l'alcool et l'alcôve ne font pas bon ménage ! Tu as l'âme du petit ... Troquet étriqué !
- Je vends du vin, j'fais pas des vers !
- Justement, tu devrais ! Oui, tu devrais servir des vers de vin !
Donner à la beauté du geste un peu de l'esprit de l'Olympe,
Honorer ton maigre picrate comme un somptueux Pétrus,
Transformer traîne-papilles et écluseurs d'absinthe,
En princes magnifiques aux palais dignes de Bacchus !
Afficher en entierAPÉRITIF
Longtemps je me suis couché de bonne heure, en croyant à la culpabilité d'Alfred Dreyfus. Je l'avoue toute honte bue (c'est de circonstance, comme vous le verrez), j'ai douté ! Douté qu'Alfred Dreyfus soit innocent ! Douté que ce petit capitaine à l'oeil triste et à la fesse joyeuse soit aussi neige que les opinions de plus en plus nombreuses tentaient de nous le faire croire ! Douté que derrière ce galonné de bureau se cachait une victime ! Douté que derrière le militaire était en réalité visé le juif ! Trop de bruit ! Cacophonie dérangeante ! On tapait trop fort sur les casseroles attachées aux queues !
Il est vrai, ô orgueil impie, que le simple fait de douter de l'innocence d'une gloire entrée si violemment dans la mémoire collective est une trop belle occasion donnée à l'écrivain qui se veut rebelle aux certitudes établies. Dans une époque où la liberté de mal penser est ostracisée, quel auteur digne de ce nom ne se galvaniserait pas de remonter le courant (de pensée) à l'envers... Et pourquoi l'homme épris de vérité serait-il plus répréhensible que le saumon grivois qui remonte océans, cours d'eau et torrents juste pour tirer un coup ?
Alors j'ai enquêté, introspecté, retourné, désossé ce bordel grand luxe qu'est ce début de Troisième République... Soulevé les tapis, regardé derrière les tentures, lu entre et derrière les lignes (ennemies ou amies)... Rien ! Partout, tout le temps, l'homme apparaît l'innocent annoncé.
«Tant mieux» diront ceux qui n'aiment pas être dérangés dans les vérités admises, «Quel dommage !», s'exclameront les autres en recherche de nouvelles lunes à roussir !
Puis la porte du destin qui s'ouvre... En l'occurrence, celle d'un vieux grenier à héritage... Une soupente poussiéreuse avec un coffre... Dedans, un trésor... Sept petits carnets en maroquin grenat, aux pages noircies à la plume... Une écriture droite et affirmée... Des mémoires ! Ceux d'un aïeul... Je le confesse, les assertions n'y sont pas toujours acceptables pour un esprit contemporain. Aussi ai-je choisi d'alterner des extraits de ces curieuses confessions avec une narration plus personnelle.
Ce n'est pas, à proprement dit, l'affaire Dreyfus que vous verrez exposée dans cet ouvrage de facture policière, cette affaire mille fois exposée et commentée, mais la mécanique implacable qui porta un innocent à être sacrifié sur l'autel de... Enfin, vous verrez bien !.
Mais attention, il va falloir vous accrocher au pinceau de la fantaisie parce que nous allons enlever l'échelle du raisonnable ! Nous ouvrons là des portes dangereuses, désoclons des certitudes, violons des préjugés...
Aux détracteurs qui se demanderont une fois de plus si on peut rire de tout, je répondrai comme mon ami Grégoire Lacroix : «Oui, si c'est drôle !»
G.Z.
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