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" La vie me paraît trop courte pour que nous la passions à entretenir notre animosité ou à enregistrer nos griefs. "
P.75
Afficher en entierLa porte s'ouvrit lentement ; une silhouette apparut dans le crépuscule et s'arrêta sur la marche : c'était un homme sans chapeau. Il tendit la main comme pour se rendre compte s'il pleuvait. Bien qu'il fît très sombre, je l'avais reconnu ; il n'était autre que mon maître : Édouard Fairfax Rochester.
Je retins mes pas et presque ma respiration ; je restai immobile pour l'observer, pour l'examiner, sans me faire voir moi-même et d'ailleurs, hélas ! invisible pour lui. La rencontre était soudaine, et ce qu'elle comportait de joie était efficacement réprimé par la douleur. Je n'eus pas de peine à empêcher ma voix de s'exclamer, mes pas de se porter précipitamment en avant.
Son corps gardait toujours les mêmes contours forts et vigoureux ; il se tenait toujours aussi droit, il avait toujours les cheveux d'un noir de jais ; ses traits n'étaient ni altérés ni creusés ; ce n'était pas en l'espace d'un an, quel que fût son chagrin, que sa force athlétique pouvait être domptée ou sa robustesse virile anéantie. Mais sur son visage je lus un changement : l'expression en était farouche et accablée ; elle me fit penser à une bête sauvage ou à un oiseau brutalement traité et enchaîné, dont il eu été dangereux de s'approcher dans sa douleur morose. Un aigle en cage, dont un acte cruel aurait éteint les yeux cerclés d'or, telle était l'image qu'aurait pu évoquer ce Samson au regard mort.
Afficher en entierMr. Rochester était-il donc maintenant laid à mes yeux ? Non, lecteur. La gratitude et quantité d'associations, toutes agréables et réconfortantes, faisaient de son visage le spectacle que j'avais le plus de plaisir à contempler. Sa présence dans une pièce me réchauffait davantage que le feu le plus éclatant.
Afficher en entierIl est vain de dire que les êtres humains devraient se satisfaire de la tranquillité, il leur faut de l'action et s'il ne peuvent la trouver, il la créeront
Afficher en entierVous tous qui lirez ce livre, puissiez-vous ne jamais éprouver ce que j'ai éprouvé ! Puissent vos yeux ne jamais verser un torrent de larmes aussi amères et aussi déchirantes que les miennes ! Puissent vos prières ne jamais s'élever aussi douloureuses et aussi désespérées vers le ciel ! Puissiez-vous ne jamais craindre de devenir l'instrument du mal entre les mains de celui que vous aimez plus que tout
Afficher en entier"Croyez-vous que je puisse rester tout en n'étant rien pour vous? croyez-vous que je sois une automate, une machine qui ne sent rien? (...) Je ne suis pas un oiseau, et aucun filet ne m'enveloppe; je suis libre; j'ai une volonté indépendante, et je m'en sers pour vous quitter."
Afficher en entierL'erreur entraîne le remords, et le remords est le poison de la vie.
Afficher en entierIl faut donc me répéter sans cesse que nous sommes séparés pour toujours, et que néanmoins je dois l'aimer tant que je vivrai.
Afficher en entierAprès m'avoir fait cette réponse, il me quitta; j'aurais préféré qu'il m'eût jetée à terre.
Afficher en entier" -je vous dis qu'il faut que je parte ! Rétorquait-je, emportée par une sorte de colère. Croyez-vous que je puisse rester pour n'être plus rien pour vous ? Croyez-vous que je ne sois qu'un automate ? Une machine dépourvue de sentiments ? Croyez-vous que je puisse supporter de me voir ôter des lèvres mon morceau de pain et de voir vider ma coupe de l'unique goutte d'eau vivante qu'elle contenait ? Croyez-vous, parce que je suis pauvre, insignifiante, l'aide et menue, que je sois sans âme et sans cœur ? Vous vous trompez ! J'ai autant d'âme que vous... Et largement autant de cœur ! Et si Dieu m'avait fait don d'un peu de beauté et de beaucoup de richesse, je me serais arrangée pour qu'il vous fût tout aussi dur de me quitter qu'il m'est aujourd'hui pénible de vous quitter. Je ne vous parle pas en ce moment par le truchement de la coutume, des conventions, ni même de la chair mortelle , c'est mon esprit qui s'adresse au vôtre, exactement comme si nous étions tous deux passés par la tombe et si nous nous tenions tous deux debout aux pieds de Dieu, en égaux...comme nous le sommes !"
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