Extraits

– Je lui ai dit que vous n'étiez pas habituée au monde, et qu'il vous serait probablement pénible de paraître devant tous ces étrangers ; mais il m'a répondu de son ton bref : « Niaiseries ! Si elle fait des objections, dites-lui que je le désire vivement, et si elle résiste encore, ajoutez que j'irai moi-même la chercher. »

"Dis-lui que tu l'aimes et que tu lui appartiendras. Qui aura à pâtir de tes actes? Qui au monde se soucie de toi? "

Mais la réponse impitoyable suivait : "Je me soucie de moi-même. On agit vis-à-vis de soi-même, pour rester fidèle aux lois de sa conscience et cela d'autant plus qu'on est plus solitaire."

Jane Eyre

[Editions Rencontre 1963 - p.279]

"Je ne me conforme pas à la coutume, aux conventions, ni même à la chair pour vous parler, c'est mon esprit qui s'adresse au vôtre, comme si nous avions tous deux traversé la tombe et que nous nous trouvions ensemble devant Dieu, égaux... tel que nous le sommes en réalité!"

Jane Eyre

[Editions Rencontre 1963 - p.226]

"- Pourquoi ne tremblez-vous pas ?

- Je n'ai pas froid.

- Pourquoi ne pâlissez-vous pas ?

- Je ne suis pas malade.

- Pourquoi n'interrogez-vous pas mon art ?

- Je ne suis pas niaise."

La vieille femme cacha un sourire, puis prenant une pipe courte et noire, elle l'alluma et se mit à fumer ; après avoir aspiré quelques bouffées de ce parfum calmant, elle redressa son dos courbé, retira la pipe de ses lèvres, et regardant le feu, elle dit d'un ton délibéré :

"Vous avez froid, vous êtes malade et niaise."

" - Vous m'examinez, Mlle Eyre, me dit-il; me trouvez vous beau ?

Si j'avais eu le temps de réfléchir, j'eusse répliqué à cette question par quelques formules vague et polie ; mais ma réponse me tomba pour ainsi dire des lèvres avant que je m'en aperçusse :

- Non, Monsieur. "

P.176

"Redoutez le remords quand vous serez tentée de vous égarer, mademoiselle Eyre : le remords empoisonne la vie."

Pendant ces huit années ma vie fut uniforme; mais, comme elle était laborieuse, elle ne me parut pas triste. J'étais à même d'acquérir une excellente éducation. Je me sentais excitée au travail, tant par mon amour pour certaines études et mon désir d'exceller en tout, que par un besoin de plaire à mes maîtresses, surtout à celles que j'aimais. Je ne perdis donc aucun des avantages qui m'étaient offerts.

Et c'est en le voyant si averti, tellement sur ses gardes, si conscient de tous les défauts de sa belle amie, c'est en constatant combien la passion est absente de ce roman, que je souffrais le plus.

"Ces nobles visions, c'est très joli, mais je ne dois pas oublier qu'elles sont absolument irréelles. C'est dans le cerveau que j'ai un ciel rose et éden vert et fleuri ; mais autour de moi, je m'en rends parfaitement compte, s'étend à mes pieds le terrain ardu que je dois parcourir et s'assemblent les noires tempêtes que je dois affronter."

<< Toi, me dis-je, la favorite de M. Rochester ? Toi douée du pouvoir de lui plaire ? Toi importante à ses yeux de quelque manière que ce soit ? Allons ! Ta sotise m’écœure. Et tu as pris plaisir de temps à autre à ses marques d'attachement... marques équivoques accordées par un homme de qualité, un homme de haute-naissance, un homme du monde, à une servante inexpérimentée. Comment as-tu eu cette audace ? Pauvre dupe stupide ! Le sens de ton propre intérêt ne suffisait-il pas à t'avertir ? Tu te répétais ce matin le bref dialogue de la nuit dernière ?... Cache toi le visage et humilie-toi ! Il a dit quelques mots à la louange de tes yeux, n'est-ce pas ? Aveugle nigaude ! Écarte tes paupières embrumées et contemple toi-même ta maudite folie ! Aucune femme n'a rien à gagner à se laisser flatter par son supérieur, qui ne peut en aucune manière avoir l'intention de l'épouser; et pour toutes les femmes c'est folie que de laisser son amour secret s'éveiller en elles: car, s'il n'est payé de retour et s'il reste inconnu il ne peut que dévorer la vie qui l'a nourri; s'il est découvert et rencontre un écho, il ne peut que conduire à la façon de deux follets, vers d'inextricables bourbiers.

...

"Portrait d'une gouvernante sans relations, sans fortune et sans beauté". >>