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Je pense qu’il n’est pas besoin d’expliquer ce « comme d’habitude » ; cela veut dire « très souvent » élevé au carré.
Afficher en entierJ'ai écouté calmement les histoires de ces trois hommes, mais je ne les ai trouvé ni amusantes ni tristes. Je me dis que les hommes se forcent à ouvrir la bouche pour tuer le temps; riant là où il n'y a rien d'amusant, et prenant joyeusement de l'intérêt à ce qui n'en présente aucun. Ils ne savent rien faire d'autre. Je sais depuis longtemps que mon maitre est un égoïste à l'esprit étroit, comme il parle peu d'habitude, il restait encore quelque chose en lui que je ne comprenais pas bien, quelque chose qui m'inspirait un peu de crainte. Mais maintenant que je l'an entendu raconter son histoire, j'en suis venu brusquement à le mépriser. Pourquoi ne pouvait-il pas écouter en silence ce que disaient les deux autres? Que croyait-il gagner en racontant ces ridicules sornettes pour ne pas être en reste? Peut être était-ce recommandé par Epictète... Mon maitre, Kangetsu et Meitei se donnent des airs d'ermites paisibles, détachés du monde comme des courges se balançant dans le vent, mais en réalité ils sont remplis d'ambitions et de désirs terrestres. Leurs esprit de compétition, leur ardeur à surpasser les autres se laissent voir par moment dans leurs conversations quotidiennes; un pas de plus dans cette direction et ce seront des bêtes du même niveau que les esprits vulgaires qu'ils dénigrent à longueur de journée. A voir tout cela d'un oeil de chat, quelle tristesse! La seule chose en leur faveur est que leurs paroles et leurs actions sont libres des affectations stéréotypées des demi-savants.
Afficher en entier"Dans vos esprits peu profonds, vous devez penser qu'il est plus facile de descendre la tête la première. Erreur. Vous ne savez que juger d'après Yoshitsune [...] si Yoshitsune lui-même descend les ravins la tête la première, un chat n'a quà en faire autant. Mais là, vous avez une vision un peu trop primitive des chats."
Afficher en entierMais, mon pauvre ami, c'est pour cela que je cherche partout des langues de paon en compensation.
---- Chapitre 4
Afficher en entierJe suis un chat. Je n'ai pas encor de nom.
Je n'ai aucune idée du lieu où je suis né. La seule chose dont je me souvienne est que je miaulais dans un endroit sombre et humide. C'est là que pour la première fois j'ai vu un être humain. En plus, comme je l'ai appris par la suite, il appartenait à l'espèce des étudiants à demeure, la plus féroce parmi les hommes. Il paraît que ces étudiants nous attrapent parfois, puis nous cuisent et nous mangent.
Afficher en entierLa fatalité qui a voulu que je naisse chat ne m'a pas donné le moyen d'échanger en quelques mots mes opinions Kangetsu, Meitei et mon maître Kushami, mais ma qualité de chat me donne sur eux un avantage certain pour me glisser quelque part inaperçu.
[...]
Les pattes de chat font oublier leur existence [....].
Il m'est plus facile de traverser les couloirs de la maison Kaneda sans me faire remarquer qu'à une des divinités Gardiennes d'écraser d'un pied un morceau de gélose. A ce point, je ne peux m'empêcher d'être impressionné par mes pouvoirs et je me rappelle que je les dois à ma précieuse queue ; il me faut faire quelque chose.
Il me faut adorer la divinité résidant dans ma queue et prier pour la victoire dans ma guerre de chat. J'incline légèrement la tête, mais je ne suis pas tout à fait dans la bonne direction. Je dois faire trois saluts, autant que possible face à ma queue. Mais quand je me tourne pour faire face à ma queue, elle tourne naturellement en même temps que moi. Je me tords la tête en arrière pour la suivre, mais elle m'échappe toujours, gardant la même distance. Cet appendice sacré, contenant la Terre et le Ciel dans ses dix centimètres de longueur, échappe totalement à mon contrôle. Je tourne sept fois et demie à la poursuite de ma queue, puis je suis fatigué et j'abandonne la partie.
---- Chapitre 3
Afficher en entierL’âme du Japon !
s'écrient les Japonais en toussant
Comme s'ils étaient tuberculeux.
- L'exorde ne manque pas d'une noble élévation, approuve Kangetsu.
L’âme du Japon !
disent les journalistes.
L’âme du Japon !
Disent les vide-goussets.
L’âme du Japon !
D'un grand saut a franchi l'océan.
On fait des conférences sur elle en Angleterre,
Des représentations théâtrales en Allemagne.
- Ah, ceci est meilleur que Tennenkoji, remarque Meitei en se redressant.
L'amiral Togo possède l’âme du Japon,
Gin, le marchand de poissons, la possède aussi.
Escrocs, filous, tueurs, tous ceux là
Possèdent l’âme du Japon !
- Ajoutez que Kangetsu la possède aussi.
Qu'est-ce que l'âme du Japon ?
Quelqu'un répond :
C'est l’âme du Japon !
Celui qui a dit cela fait quelque pas,
Et on l'entend dire : Hum !
- Voilà une strophe magnifique. Tu as un talent littéraire certain. La suite ?
Ce qui est triangulaire, ce qui est carré,
Est-ce l'âme du Japon ?
Comme son nom l'indique, l'âme du Japon
Est une âme.
Ainsi, elle n'a pas de forme.
- C'est très intéressant, mais l'âme du Japon revient un peu trop souvent, remarque Tofu.
- Très juste !
C'est évidemment Meitei qui vient de se manifester.
Tout le monde et son père en parle,
Personne ne l'a jamais vue.
Tout un chacun en a déjà entendu parler,
Personne n'en a eu l'expérience.
L’âme du Japon !
Serait-ce un lutin au long nez,
Qui apparaît et disparaît aussitôt ?
Mon maître achève son poème sur une intonation qu'il voudrait invitant au silence gros de pens[ée]s qui suit l'audition, mais sa composition est trop courte, et ses trois auditeurs ont tellement de mal à comprendre où il veut en venir qu'ils attendent la suite de confiance. Mais plus rien ne se fait entendre.
---- Chapitre 6
Afficher en entierL'ignorance fait le bonheur.
Afficher en entierJe ne me rappelle plus pour quelle raison je me suis lancé dans cette digression. Qu'on me le pardonne. Les hommes oublient eux aussi les motifs de leurs actions, et on ne peut pas demander mieux à un chat.
Afficher en entierCes temps derniers, je me suis mis à faire un peu d'exercice. D'aucuns vont immédiatement m'assommer de sarcasmes:"Qu'est-ce que ce chat se croit pour prétendre qu'il fait de l'exercice?" À ceux-là, je voudrais faire remarquer que jusqu'à une époque récente ils ne comprenaient rien eux-mêmes à l'exercice ou au sport, et qu'ils estimaient que manger et dormir était l'essentiel de leur destinée. Auraient-ils oublié qu'ils passaient leur vie les bras croisés sans arriver à arracher leur fesses à moitié pourries de leur coussin, sous prétexte que l'homme éclairé est celui qui a atteint l'état d'inaction parfaite, et tout cela en assurant d'un air hautain que c'était pour l'honneur de leur maître? Maintenant on nous assène de toutes parts des recommandations stupides telles que: " Prenez de l'exercice, buvez du lait, douchez-vous à l'eau froide, prenez des bains de mer, allez humez les brumes de la montagne quand l'été est chaud." C'est une maladie nouvelle qui s'est propagée de l'occident vers notre Pays des Dieux, et on doit la considérer au même titre que la peste, la tuberculose ou la neurasthénie. Certes, étant né l'année dernière seulement, je n'ai qu'un an et je ne peux avoir aucun souvenir du temps où les hommes ont été frappés par cette maladie. De plus, cela a dû se passer avant que mon existence se précise dans les régions éthérées de ce monde éphémère, mais on peut considérer qu'un ans de la vie d'un chat correspond à dix de la lie d'un homme. Notre vie est deux à trois fois plus brève que celle des hommes, mais si on tient compte qu'un chat peut s'accomplir parfaitement durant ce court laps de temps, on voit qu'il y a erreur sérieuse à estimer de la même façon la vie d'un homme et celle d'un chat. Je n'en veux pour preuve que cette faculté de raisonnement que je possède alors que j'ai à peine un an et quelques mois. La troisième fille de mon maître a trois ans, paraît-il, et son développement intellectuel est d'une lourdeur que je n'arrive pas à qualifier. Elle ne sait rien faire d'autre que pleurer, mouiller son lit et téter sa mère. Je suis hors de toute comparaison avec elle, moi qui déplore déjà l'état de ce monde et m'insurge contre les tendances de notre temps. Il n'y a donc rien de surprenant à ce que j'aie assimilé l'histoire de la gymnastique, des bains de mer et de la thérapeutique du changement d'air. Et s'il se trouve quelqu'un pour être surpris, ce ne peut-être qu'un homme, le stupide infirme à deux pattes.
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