Extraits

-Tu es réel ?ai-je demandé.

-Oui , a-t-il répondu avec force.(Il a pressé ma main plus étroitement contre sa poitrine. Son cœur battait comme un tambour.) Je suis réel. Ça-il a posé sa deuxième main sur la première-, c'est réel aussi. Tu m'as vu interagir avec des gens toute la journée, pas vrai ? Je parle aux gens ; j'ai de l'influence sur les choses. Mes actions ont des conséquences. Je suis réel.

-Mais...et si tout ça...-j'ai dû aspirer de l'air de nouveau-, et si tout ça n'existait que dans mon imagination? East Shoal, Scarlet, ce pont et toi, et si tu n'existais pas parce que rien n'existe ?

- Si rien n'est réel, alors quelle importance ? A-t-il répondu. C'est ici que tu vis. Ça ne suffit pas à rendre tout ça suffisamment réel?

— Tu n'es pas une mauvaise personne, a-t-il répondu. Et Richter non plus. Moi non plus. On est juste des êtres humains, et les êtres humains font parfois des conneries.

J'ai pris conscience que j'avais envie de l'embrasser.

Je ne savais pas pourquoi. Peut-être parce qu'il me regardait comme si j'étais la seule chose qu'il avait envie de contempler.

— Elle est mignonne comme ça, ai-je poursuivi, mais crois-moi, ça lui passe dès qu’elle s’autoproclame pape et déclare que la salle de bains est son Vatican.

— Elle a déjà fait ça ? a demandé Miles.

— Oh, oui. Plusieurs fois. La dernière fois que j’ai voulu prendre une douche, en fait. On l’entendait hurler sur les blasphémateurs jusqu’en bas de la rue.

Quand j'étais avec lui , je n'éprouvais pas le besoin de regarder par-dessus mon épaule . J'adorais prétendre être une adolescente normale qui faisait le mur et que tout le reste et tout le monde était -juste- normal .

Je me suis arrêtée devant lui en souriant. Il m'a rendu mon sourire et s'est penché pour m'embrasser. Un sentiment a explosé dans mon ventre, comme si rien ne serait plus jamais pareil. Comme si quelqu'un avait enfin soulevé le couvercle de mon aquarium et que je respirais l'air incroyablement frais.

Mme Dalton a formé des binômes en piochant dans une bécher des morceaux de papier sur lesquels étaient inscrits nos noms. J'ai regardé les élèves se déplacer au fur et à mesure vers les paillasses placées le long du mur.

- Alexandra Ridgemont, a dit Mme Dalton.

Mon karma s'est préparé à frapper.

- Et Miles Richter.

En plein dans la gueule. Conséquence : léger traumatisme crânien. Peut causer des troubles de la marche et de la vue. Ne pas faire d'exercice fatiguant ni conduire d'engins de chantier.

J’ai fabriqué des cartes pour chaque membre du club et j’y ai attaché une drachme grecque datant de 1800 en me demandant s’ils allaient trouver ça idiot.

J’ai donné la sienne à Miles en premier pour voir sa réaction. J’ai ajusté mes lunettes de protection devant la paillasse tandis qu’il soupesait la carte. Puis il l’a ouverte comme si elle contenait une bombe.

Il a examiné la pièce.

— Une drachme ? C’est… c’est une vraie ? Tu l’as eue où ?

— Mon père est archéologue. Il ramasse des trucs partout.

Et les pièces étaient l’une des choses qu’il avait rapportées à la maison et dont j’étais certaine qu’elles existaient.

— Mais ça peut valoir beaucoup d’argent, a constaté Miles. Pourquoi tu me la donnes ?

— Ne te sens pas si unique. (J’ai sorti les tubes à essai et le portoir dont on allait avoir besoin pour le TD.) J’en ai mis une dans chacune des cartes pour les membres du club.

— Mais quand même. Comment tu sais qu’elle ne vaut pas des centaines de dollars ?

— J’en sais rien, mais je suppose que mon père ne me les aurait pas données si elles avaient une quelconque valeur, ai-je expliqué en haussant les épaules. J’ai plein de trucs de ce genre.

— Tu n’as jamais pensé qu’il te les donnait peut-être malgré leur grande valeur ?

— Tu la veux ou pas ? ai-je rétorqué sèchement.

Miles a baissé le menton et m’a lancé un regard torve par-dessus ses lunettes en empochant la pièce. Il a reporté son attention sur la carte.

— C’est toi qui l’as faite ? a-t-il demandé. Pourquoi tu n’as utilisé que du vert ?

— Charlie a une passade verte. Je n’ai pas trouvé d’autre couleur.

Il a lu ce que j’avais écrit à l’intérieur.

Cher connard,

Merci de tenir parole et de m’avoir crue. Je n’en attendais pas tant. Je suis désolée de t’avoir ennuyé en scellant ton casier avec de la colle au début de l’année. Mais je ne suis pas désolée de l’avoir fait parce que c’était super marrant. Bises, Alex.

Quand il a fini de lire, il a fait quelque chose de tellement sidérant que j’ai failli laisser tomber mon bec Bunsen et mettre le feu à l’élève qui se tenait en face de moi.

Il a éclaté de rire.

Nos voisins se sont tournés vers nous parce que les Mayas ont prédit que le jour où Miles Richter exploserait de rire, ce serait la fin du monde. Il n’a pas ri très fort mais quand même, et aucun mortel n’avait jamais entendu Miles rire.

Je ne pouvais pas me payer le luxe de prendre la réalité pour acquise. Je ne peux pas dire que je détestais tous ceux qui le faisaient, puisque c'était le cas du monde entier. Je ne détestais personne. C'est juste que je vivais dans mon monde.

Mais ça ne m'a jamais empêchée de souhaiter vivre dans celui des autres.

- Comment ce déroule le match ? a demandé Theo.

- Imagine un millier d'orphelins affamé sur un bateau en train de couler au beau milieu d'une mer infestée de requins et ça te donnera une idée de combien je suis ravi d'y assister, a rétorqué sèchement Miles.