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De même que l’écriture, la lecture m’a aidée à organiser mon monde. À mon arrivée en Corée du Sud, j’ai dévoré toutes les traductions des plus grandes œuvres que je pouvais me procurer. Plus tard, j’ai été en mesure de les lire en anglais. Puis en commençant la rédaction de mon propre livre, je suis tombée sur une citation de Joan Didion : « Nous nous racontons des histoires afin de vivre. » Même si l’auteur et moi venions de cultures très différentes, je sentais la vérité de ses mots faire écho en moi. Je comprends que, parfois, le seul moyen de survivre à nos propres souvenirs c’est d’en façonner des histoires afin de donner un sens à des événements autrement inexplicables.
Afficher en entierJe ne rêvais pas de liberté en quittant la Corée du Nord. Je ne savais même pas ce qu’être libre signifiait. Ma seule certitude, c’était que si ma famille ne partait pas, nous allions mourir – de faim, de maladie, emprisonnés dans des conditions inhumaines dans un camp de travail. La faim était devenue insoutenable ; j’étais prête à risquer ma vie contre la promesse d’un bol de riz.
Afficher en entierJe suis reconnaissante de deux choses : être née en Corée du Nord, et avoir fui la Corée du Nord. Ces deux événements ont modelé ma vie et je ne voudrais pas les échanger contre une existence ordinaire et paisible. Toutefois, mon histoire, comment je suis devenue celle que je suis aujourd’hui, ne se résume pas à ça.
Afficher en entierLe jeune passeur nord-coréen qui nous faisait traverser insistait pour agir cette nuit. Il avait payé des gardes pour qu’ils ferment les yeux mais impossible de soudoyer tous les soldats alentour ; nous devions donc faire preuve d’une extrême prudence. Je l’ai suivi dans le noir, mais j’étais si instable sur mes jambes que j’ai dévalé la berge sur les fesses, provoquant des avalanches de cailloux devant moi. Il s’est retourné pour me murmurer avec colère de faire moins de bruit. Trop tard. Nous distinguions déjà la silhouette d’un soldat nord-coréen qui remontait depuis le lit du fleuve. Si l’homme faisait partie des soldats soudoyés, il ne semblait pas nous reconnaître.
Afficher en entierHeureusement, ma mère n’est pas restée longtemps dans le corps d’entraînement. Elle a réussi à soudoyer quelqu’un du commissariat et a été relâchée au bout de seize jours seulement. Après s’être un peu reposée avec nous, elle a pris le train pour Hyesan afin de voir mon père. Elle savait que la police la harcèlerait tant que son lieu de résidence serait Hyesan – et le seul moyen d’y remédier tant qu’il était en vie était de divorcer de mon père. Ils s’aimaient encore mais ils se sont mis secrètement d’accord sur le fait qu’un divorce était la seule solution pragmatique.
Afficher en entierIl y avait tant de personnes désespérées dans les rues qui réclamaient de l’aide qu’on était obligé de fermer son cœur pour que la douleur ne nous submerge pas. Au bout d’un moment, on ne peut plus se soucier des autres. Et c’est à ça que ressemble l’Enfer.
Afficher en entierÀ la mort de Kim Il-sung en 1994, la famine s’abattait déjà dans les provinces du Nord. Les rations gouvernementales avaient été réduites drastiquement, et n’arrivaient même pas toujours.
Plutôt que de changer sa politique et d’initier des réformes, la Corée du Nord a choisi d’ignorer la crise. Plutôt que d’ouvrir le pays à l’aide internationale et aux investissements, le régime a demandé à son peuple de ne manger que deux repas par jour afin d’économiser les ressources en nourriture. Dans son message pour la nouvelle année 1995, le nouveau Cher Dirigeant, Jong-il, en a appelé au peuple coréen pour qu’il travaille plus dur. Bien que 1994 nous ait apporté « des larmes de sang », écrivait-il, nous devions accueillir 1995 « avec énergie, résolution, et dans un seul but » – faire prospérer la mère patrie.
Afficher en entierJe ne rêvais pas de liberté en quittant la Corée du Nord. Je ne savais même ce qu’être libre signifiait. Ma seule certitude, c’était sur si ma famille ne partait pas, nous allions mourir – de faim, de maladie, emprisonnés dans des conditions inhumaines dans un camp de travail. La faim était devenue insoutenable ; j’étais prête à risquer ma vie contre la promesse d’un bol de riz.
Afficher en entierLa berge était sombre mais les lumières de Changbai, en Chine, brillaient juste au-dessus de nous. Je me suis retournée pour jeter un rapide coup d’œil à l’endroit qui m’avait vue naître. Le réseau électrique était coupé, comme d’habitude, et je ne voyais que l’horizon noir et inerte.
Afficher en entier"Il y avait tant de personnes désespérées dans les rues qui réclamaient de l'aide qu'on était obligé de fermer son cœur pour que la douleur ne nous submerge pas. Au bout d'un moment, on ne peut plus se soucier des autres. Et c'est à ça que ressemble l'enfer."
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