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Adam
J’avais retrouvé Margaux au café Déli sans aucun problème. J’avais cru deviner à son attitude qu’elle était à la fois soulagée et ravie de me voir, nous ne nous étions donc pas attardés, d’autant que le trajet retour était long. Depuis notre départ d’Augusta, le comportement jovial de Margaux s’était assombri. Pire, elle s’était murée dans un silence presque contemplatif, fixant la route, la joue appuyée dans le creux de sa main droite et c’était à peine si elle décrochait un mot lorsque j’essayais de faire la conversation. À vrai dire, je parlais plus par pure politesse que par réelle envie, le silence ne me dérangeant absolument pas. J’avais dans l’idée que la nouvelle de la mort de Matthew n’y était pas étrangère et quelque part, le fait qu’elle ait l’air si touchée m’arrangeait bien. Mais au bout d’une demi-heure, je commençais à ne plus supporter ce calme, Margaux n’ayant d’ordinaire pas sa langue dans sa poche, c’était plutôt inquiétant. En vérité, cela me rendait carrément cinglé. Je vérifiai du coin de l’œil qu’elle ne s’était pas endormie entre temps, mais ça n’était pas le cas. Elle ne disait juste rien. Et ça ne pouvait pas durer.
— Tu veux en parler ?
Elle cligna des yeux comme si elle sortait d’un long sommeil et s’agita sur son siège avant de lâcher un soupir un peu désabusé.
— Non. Pas vraiment… enfin, je ne sais pas.
Afficher en entierMargaux
C’était le mois d’octobre. Le paysage de Mount Desert Island se parait de merveilleuses teintes passant du rouge à l’or. L’été indien qu’on voyait sur les cartes postales représentant le Maine était bien là.
J’étais revenue depuis deux jours à Bar Harbor, après quelques stages à l’Interflorist School de Westminster, afin de parfaire ma technique en horticulture et prendre la suite de tante Natsuko avec Ikebana. Depuis mon plus jeune âge, j’avais montré des prédispositions pour tout ce qui se rapportait aux fleurs et à la nature en général. Une sacrée coïncidence alors, d’avoir été placée chez Natsuko Wise : elle était fleuriste et jardinier paysagiste. Adolescente, j’avais passé des heures avec elle à la boutique à apprendre le nom des fleurs et des différentes essences présentes sur l’île, comment composer un bouquet, la florithérapie et l’art de l’ikebana. J’en avais retiré énormément de joie. Mais, aujourd’hui, à vingt ans, je rêvais d’autre chose. La vie insulaire, idéale aux yeux de tant de personnes, était devenue pour moi synonyme d’enfermement, et j’aspirais à de nouveaux cieux.
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