Extraits

Mais… disons que le but d’un couple, je l’ai compris très récemment, c’est aussi de se soucier du bien-être profond de l’autre. De le laisser s’épanouir comme il doit le faire, pas forcément en fonction de soi-même et de ses préférences.

— Non, c’est faux ! ronchonne Jed derrière moi. Je n’ai jamais discuté avec cette bagnole, je n’en suis pas à ce point ! Elle n’a d’ailleurs aucune conversation.

Parfois, des évènements viennent bousculer une existence sans que l’on s’y attende. Parfois, il n’existe aucune autre solution que de s’asseoir pour regarder la vie passer et revenir sur l’essentiel.

C’est douloureux. Compliqué. Presque insupportable. Mais essentiel.

Depuis des jours je n’arrive plus à respirer. Plus à reprendre le fil de mon quotidien. Plus à survivre dans cette bulle que je me suis construite il y a si longtemps qu’elle me semble vieille et usée. J’ai grandi mais pas mon univers. Si bien que je me sens trop à l’étroit.

Ce baiser au goût amer d’un adieu, à la saveur suave d’une passion qui refuse de s’éteindre, à l’arôme de la tristesse, m’emporte une dernière fois dans un lieu que je ne visiterai plus jamais.

— Fais gaffe à toi, Jed. Et une fois que tu auras fait ça, alors, éclate-toi bien plus. Je crois que ton client arrive. Je vais emporter la femme tendue du slip qui sert de mère à mes gosses avant l’embarquement, sinon elle serait capable de courir jusqu’au tarmac pour empêcher ton avion de décoller.

Aimer, c’est beaucoup de choses, mais une chose est claire, ce n’est pas raisonner.

— Bref, reprend-il en hésitant à se resservir d’une troisième tartelette, la personne parfaite n’existe pas. Mais la vie parfaite, oui. Aimer, c’est simplement et surtout adorer ce que l’on n’attendait pas chez l’autre. Tu veux une belle brune à grosse poitrine ? Possible que tu tombes follement épris de la poitrine minuscule d’une blonde. Et si ça arrive, je suis certain que c’est exactement ce que tu préféreras chez elle. Ce qu’elle n’a pas ! Mais je crois que nous nous égarons. Tu me demandais donc, pour des agences en Europe, eh bien, je peux te faire suivre un fichier de contacts si ça peut aider.

Je reste un instant à me répéter ses derniers mots, qui selon moi ont beaucoup de sens. Et mon esprit, qui se croit vraisemblablement un peu trop libre de tout et n’importe quoi, me glisse une idée saugrenue entre les deux oreilles. Je n’ai peut-être pas énormément de critères de préférence concernant les femmes, mais jusqu’à présent, ce sont bien les femmes que j’aime, et si même ça était déjà un point qui pouvait ne pas tomber juste, finalement ?

Je devrais lui envoyer un message pour lui annoncer que j’ai de nouveau changé d’avis et ensuite bloquer son numéro, classer son adresse mail en spams et déménager. Changer de boulot, aussi… Simple !

Mais, comme rien n’est jamais normal dans un cerveau humain, en tout cas le mien répond largement à cette règle, c’est en avance que j’ouvre mon bureau à l’agence dès le lendemain matin, empressé de trouver la perle qu’attend Tarek.

Ouais ! Empressé, c’est bien le mot…

C’est n’importe quoi.

J’imagine que je me poserai les vraies questions importantes et déciderai des actions à mettre en œuvre lorsque je comprendrai quelque chose à tout ce qui a perturbé mon sommeil cette nuit. Et mon week-end. Et mon lundi. Et ma soirée et ma nuit…

Non, franchement, je pense que je me fais des films. Tout va bien. Il m’apprécie, c’est simplement pour cette raison qu’il est venu jusqu’à Wellingthon pour défoncer ma porte. Tarek est sans doute un tantinet réactif, un homme d’action, en quelques sortes. Et moi ? Moi, pareil. Je l’apprécie, tout simplement. Et je me trouvais sous l’emprise du shit lorsqu’il est passé. Je ne tournais pas rond, alors, je suis devenu hyper réactif… d’esprit et de corps. C’est tout.

— T’as déjà tenu la main d’une femme, Manon ?

— Hein ? demande-t-elle d’une voix lasse en se redressant à nouveau pour se tourner vers moi. Genre, une femme avec des seins ou une copine devant la classe à l’école.

— C’est quoi cette question ? D’après toi ?

Mon rictus éloquent semble suffire pour la mettre sur la voie, et c’est tant mieux. J’ai besoin que son cerveau fonctionne pour nous deux, cette fois.

— Ahh ! Une nana avec des seins ! Ben, attends que je réfléchisse… J’hésite… Est-ce que sucer un téton, genre presque pas, juste une petite fois de rien du tout, tu comptes ça comme un baiser ou comme tenir une main ? Elle déconne ?

— Tu déconnes ? Elle sourit, le regard voilé par le shit.

Non, elle ne déconne pas.

— Là, faut que tu me racontes, madame la mère de famille parfaite.

Cette fois c’est moi qui me redresse, tout ouïe. Elle ne se fait pas prier pour répondre, amusée par mon étonnement.

— Mais tu crois quoi, mec ? Que je suis née mariée ? Grande nouvelle, ce n’est pas le cas. Et je peux aussi te dire que Josh n’est pas un adepte du missionnaire, que nous ne baisons pas uniquement le samedi à vingt-deux heures après le film du soir et qu’aussi, il a une grosse queue dont il se sert très bien. Si t’as un problème là-dessus, tu pourras lui demander des conseils.

Elle m’adresse un clin d’œil en ricanant, totalement stone. C’est moi ou le sujet dérape légèrement, là ?

— Déjà, je n’ai aucune plainte à enregistrer concernant ma queue. Ensuite, je demandais simplement si tu avais déjà tenu une main de femme, mais visiblement, je suis loin du compte. Et tu peux tenter de répondre sans me raconter les détails ? J’ai l’impression d’écouter les ébats sexuels de mes parents quand tu parles !

Visiblement ma réaction la fait marrer.

— Rho ! T’es super vieux jeu, en fait ! Et je suis certaine que tes parents pourraient nous en apprendre, clairement ! L’expérience, mec, ça fait tout !

— Je sais ! Allez, viens, j’ai piqué un joint à Josh. Ça va te détendre.

Elle me scotche. Sans réussir à me contenir, j’observe la mère de famille bien sous tous rapports comme si je la découvrais pour la première fois.

— Madame, qu’avez-vous fait de Manon ? Et Josh fume des joints depuis quand ?

— Depuis qu’il a confisqué une barrette à l’un de ses élèves ! ricane-t-elle d’un air mutin. Allez, viens, c’est un cancre qui paie la défonce !