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Kean : Qu'est-ce qu'il y a ? J'ai été trop vite ? J'avoue que dans une pièce moderne, j'aurais d'abord refusé de vous les rendre. Mais j'ai sauté quelques répliques : elles faisaient longeur. Vous ne me croyez pas ? Jugez-en. (Joué.) Vos lettres ? Jamais. C'est tout ce qui me reste de vous. Vous avez renié notre amour mais vous ne pouvez pas exiger que j'en détruise le souvenir. (Imitant Eléna.) La raison l'exige. Vous aimerez une autre femme et ces lettres qui sont en ce moment des souvenirs d'amour ne seront plus que des trophées de victoire.
Eléna, riant aux larmes : Arrêtez ! Arrêtez ! C'est vrai, c'est ma foi vrai : je vous aurais dit ça ! Oh ! c'est ... ridicule !
Kean : Oui ; voilà notre erreur : nous attaquions nos scènes deux ou trois tons trop haut.
Afficher en entierOn joue pour mentir, pour se mentir, pour être ce qu’on ne peut pas être et parce qu’on en a assez d’être ce qu’on est. On joue pour ne pas se connaître et parce qu’on se connaît trop. On joue les héros parce qu’on est lâche et les saints parce qu’on est méchant. On joue les assassins parce qu’on meurt d’envie de tuer son prochain, on joue parce qu’on est menteur de naissance. On joue parce qu’on aime la vérité et parce qu’on la déteste. On joue parce qu’on deviendrait fou si on ne jouait pas. Jouer ! Est-ce que je sais, moi, quand je joue ? Est-ce qu’il y a un moment où je cesse de jouer ?
Afficher en entierKean.-
Honorables ! (il boit et se lève en titubant)
Est-ce que j'ai l'air d'un homme honorable ? L'honorabilité, malheureuse, mais vous l'aviez sans sortir de votre famille : c'est le privilège des marchands de fromage. Pour glorieux, oui : je suis glorieux. Et après ? Si les commères de votre quartier vous reprochent votre inconduite, on appelle ça le déshonneur ; mais si toute l'Angleterre vous traite de putain, c'est la gloire...(extrait de l'acte II de l'adaptation de Jean-Paul Sartre)
Afficher en entierOn sait l'histoire de ce spectacle. Brasseur allant trouver Sartre pour qu'il adapte une partie de la pièce (le moment où Kean doit jouer Roméo, changé en dernier acte d'Othello) et Sartre se lançant dans une adaptation complète de la pièce.
Mais l'aventure remonte plus loin.
D'abord, la vie de Kean, roi de la scène, que Stendhal courait voir à Londres, qui injuriait le public et se croyait l'égal de Shakespeare, ami des princes et des saltimbanques, génial et débauché -réincarnation romantique d'un "élizabéthain".
Frédérick Lemaître le connut à Paris.
A sa mort l'acteur romantique français - dont la vie offre bien des points communs avec celle de Kean - demande à un auteur quelconque d'écrire la vie de Kean.
Dumas retape la pièce.
Plus tard, un autre acteur devant remplacer Lemaître, celui-ci couvre Paris d'affiches pour protester : "Kean, c'est moi", proclame-t-il en lettres énormes.
Continuons...
Pierre Brasseur joue le rôle de Frédérick Lemaître dans "les enfants du paradis".
C'est pour lui le début d'une nouvelle carrière.
On le voit dans "l'état de siège" de Camus, dans "le bossu, parodie de "l'ancien Ambigu", dans "le diable et le bon dieu", enfin, où Goetz choisit le bien sur un coup de dés...
En suivant cette piste, on voit où l'on peut en venir.
Le rôle de Kean n'est pas un rôle ordinaire. Il repose sur une troublante ambiguïté : l'identification d'un acteur à la vie d'un acteur.....
(extrait d'un article du 4ème numéro de la revue bimestrielle d'information sur le théâtre, "Théâtre Populaire", paru en novembre/décembre 1953)
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