Extraits

Rusty se tut un instant et son visage prit une expression empreinte de gravité.

- Cela ne va pas être facile, Joe, dit-elle en le regardant dans les yeux. J'espère que tu en es bien conscient et que tu es prêt à faire ce qu'il faut. Quand tu passes ta vie coincée sous un tas de merde, ce n'est pas parce que quelqu'un t'en sort qu'il peut te convaincre que tu sens la rose.

Quand tu passes ta vie coincée sous un tas de merde, ce n'est pas parce que quelqu'un t'en sort qu'il peut te convaincre que tu sens la rose. Il va te falloir de la patience avec elle.

Il faillit s'étrangler, au point de devoir camoufler sa réaction derrière une quinte de toux. "Une fleur bleue"? Pire, "une petite chose toute douce et toute molle à l'intérieur". Bon Dieu! S'il avait déjà la certitude de se faire charrier comme jamais par ses frères, ce n'était sûrement rien par rapport à ce qu'il entendrait dans le QG s'il revenait aux oreilles de ses compagnons d'armes que Zoé le qualifiait de "petite chose toute douce et toute molle à l'intérieur".

- Je n'ai rien à dire à part que c'est un odieux arrogant qui se comporte comme un connard.

Zoé éclata de rire.

- Tu viens de décrire la moitié de la population mâle.

- La moitié seulement?

Elle rit, une lueur espiègle dans les yeux.

- Je ne vais pas te mentir, frérot de mon cœur, mais j'ai hâte qu'une femme te mette à genoux et que tu deviennes aussi pathétique que les autres frangins.

- Cela n'arrivera pas, répliqua-t-il, le regard furibond.

- Tu sais ce qu'on dit: il ne faut jamais dire "jamais". Cela revient à lancer un défi au destin. Et il faut être fou pour ça...

Nathan marqua une hésitation, mais Joe lui assena une tape amicale sur l’épaule.

— Ne prends pas cette peine, frangin. Je lis en toi comme dans un livre. Inutile d’aller affronter Sam à ma place pour que je puisse rentrer et mettre au point ma stratégie pour ce soir. On va tous les deux retourner chez nous. Et que Sam aille se faire voir. Il peut bien attendre jusqu’à demain.

— Ce n’est pas une mauvaise idée, répliqua Nathan avec un sourire. Shea m’a dit qu’elle avait une surprise pour moi. Et d’habitude, il y a toujours un peu de lingerie sexy quand elle m’annonce ça.

— Oh, mec, grogna Joe. On n’est pas obligés de parler de ça.

— Tu as raison, rétorqua Nathan, la mine satisfaite. Il n’est pas question que tu saches à quoi ressemble ma femme en Victoria’s Secret.

Joe lui jeta un regard sinistre.

— Je te rappelle que c’est toi qui as mis la lingerie sur le tapis. Tu te souviens ?

Le lendemain matin, garé devant la maison de ses parents, Joe hésitait à descendre. Bon Dieu, ce qu’il pouvait être nerveux. Il s’ébroua, ouvrit la portière et remonta l’allée. Comme il allait poser la main sur la poignée, la porte s’ouvrit devant lui. Sa mère se tenait dans l’embrasure, un large sourire sur le visage.

En grognant intérieurement, il recula d’un pas.

— Je peux te parler, maman ?

Plissant les yeux, Marlene rejoignit son fils en refermant la porte derrière elle.

— Écoute, ce n’est pas ce que tu crois. Alors, inutile d’ameuter tout le monde en disant que j’ai trouvé celle qui signera ma perte. Zoé a énormément souffert, d’après ce que m’a raconté Rusty. Elle est terrorisée. Alors que toute la famille lui tombe dessus pour lui mettre la pression est vraiment la dernière chose dont elle ait besoin. Je l’emmène faire un tour aujourd’hui pour lui montrer la région, histoire qu’elle se détende et se sente plus à l’aise. Rien de plus.

— Il suffit d’avoir deux yeux pour comprendre que cette enfant n’a pas eu la vie facile, répondit Marlene, sourcils froncés. Mais je trouve incroyable que tu viennes devant chez moi pour laisser entendre que je pourrais ajouter encore à ses déboires.

Joe fut immédiatement saisi de contrition.

— Non, Ma, dit-il, l’épaule basse. Ce n’est pas ce que je sous-entendais. Tu serais incapable de faire du mal à quiconque. Simplement, je ne voudrais pas que vous vous mépreniez sur la situation, toi et les autres, et que Zoé en soit gênée. Elle a besoin d’amitié et de soutien. Je lui offre les deux.

Marlene sourit et son expression s’adoucit. Une main posée sur une joue de son fils, elle se hissa sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur l’autre.

— Je sais bien que tu serais incapable de rester sourd et aveugle à la détresse de quelqu’un. Zoé est prête et je vous ai préparé un pique-nique. Va remettre un sourire sur le visage de cette petite. Pour l’amour de Dieu, qu’elle se détende et ne s’imagine pas que nous sommes des ogres envahissants.

— Je t’aime, Ma, dit Joe en serrant sa mère dans ses bras.

— Moi aussi, mon tout-petit. Et maintenant, filez.