Je ne boirai plus de thé à la menthe à la plage,les orteils dans le sable et les guêpes près des doigts.
Je ne reviendrai jamais à Tanger.
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Chacun de tes gestes dépendait de lui : tes vêtements, l'alcool,la nourriture,les livres,les films,la musique.Ce n'est qu'en présence des hommes qu'il cessait d'exister.Lorsque tu étais petite fille,ton père était le héros qui ne voulait pas de toi.
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Ta vie en France se résume à essayer de ne pas paraître arabe tout en voulant te démarquer.La violence des mots se confond avec la violence des regards.
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Celle où, à deux ans,il t'avait arraché des bras de tes tantes parce que tu dansais au milieu d'elles sur Nancy Ajram.
Celle, où, à la piscine à huit ans,tu avais couru vers lui pour lui demander quelque chose et qu'il t'avait sommée de ne plus jamais l'approcher en maillot....p 58

La frontière entre ces hommes et toi se brouillait à mesure que les photos s'accumulaient,que les jours passaient.Tu étais à la fois toi et un autre.Toi au moment des photos,un autre quand tu les observais, l'objet que tu devenais.
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Tu es restée longtemps face au miroir à te fixer, essoufflée,les pommettes rougies comme giflées,la peau du cou moite,les mains tremblantes.Tu as essayé de te regarder de l'extérieur,la rondeur du sein que l'on devine sous le vêtement, même épais.Tu as essayé de te voir à travers le regard de ces hommes,du cou au ventre,les fesses que l'on devine devant et qui dépassent du pull trop long,le jean moulant,le sexe trop souvent regardé.Tu as baissé la tête vers ton pubis pour chercher ce qui pouvait bien arrêter leurs yeux sur ce triangle,les plis,les angles.
(Premières lignes)

Avec les années,on a accumulé des protocoles,des gadgets et des slogans sans tenter d'imaginer une transmission exigeante, élégante et opiniâtre de la culture qui se soucie des élèves tels qu'ils sont

Le collège unique a quarante ans.Il est le symbole d'un espoir,d'une utopie éducative et d'un désastre.

Les Docteurs, qui ont à charge la santé de ce corps social, semblent pourtant avoir découvert, empiriquement, un remède à sa Peur, somme de toutes les peurs de ses cellules.
Ce remède, c'est la marche.
La marche en ordre serré, par colonnes de compagnie, au pas cadencé, rythmée et soutenue par le fracas des cuivres et des peaux sonores.
Ainsi la thérapeutique des peuples rejoindrait et confirmerait la médecine individuelle de l'ancien régime.

Cette peur des hommes, devenue invisible et restée souveraine, confère un pouvoir facile à ceux d'entre eux qui sauront l'exploiter pour leur compte.
l'Histoire, en quelques siècles, jusqu'à nos jours, n'est que le bilan de cette exploitation perpétuelle, de ce formidable abus de confiance.