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Mila pense : ce qu'ils feront de nous, je le sais. Nous mourrons toutes ici, je mourrai, si ce n'est par le travail c'est par la faim, ou la soif, ou la maladie, ou l'empoisonnement, ou la sélection, ou la balle dans la nuque, ou par l'enfant que je porte, et si rien de tout ça, morte quand même, dans l'extermination finale. Ravensbrück c'est la mort certaine, pas immédiate, pas celle des chambres à gaz que des prisonnières non juives droit venues d'Auschwitz ont raconté avec effroi. Car qui a vu ce que nous voyons parlera. Dira ce qu'il a vu. Ses yeux cracheront les images, sa bouche, son corps, tout en nous vomira ce qu'ils ont fait et ce que nous ne pouvons pas imaginer encore, et c'est pourquoi nous sommes déjà mortes, quelle que soit la fin de l'Histoire, mortes pour nous taire.
Afficher en entierJe vais te faire embaucher au Betrieb. La couture, c’est mieux pour toi. Le rythme est soutenu mais tu es assise. D’accord ?
– Je ne sais pas.
– Si tu dis oui c’est notre enfant. Le tien et le mien. Et je te laisserai pas.
Mila se retourne :
– Pourquoi tu fais ça ? Qu’est-ce que tu veux ?
– La même chose que toi. Une raison de vivre
Afficher en entierLe froid a pris James .
- Je suis tellement désolé...
Voir James .Maintenant .
-Où est-ce qu'il est ?
-A la Keller , à la morgue .
Afficher en entierElle se demande de quoi elle accouchera vu sa minceur : un bébé chat ? une salamandre ? un petit singe ? Comment savoir si ce qui viens est un vrai enfant ou un produit de Ravensbruck , une masse pas regardable couverte de pus , de plaies , d’œdèmes , une choses sans gras ?
Afficher en entierVoler un gilet .Un gilet pour avoir chaud .Avoir chaud pour durer. Pour vivre plus longtemps . Croire que vivre plus longtemps est possible .
Afficher en entierLisette n’a pas ses règles, Georgette n’a pas ses règles, ni aucune des Françaises du Block. Ni les Polonaises, ni les Tchèques, les anciennes le disent, au bout d’un moment personne n’a plus ses règles au camp : la muqueuse est sèche. Tout le sang va aux fonctions vitales, artères, veinules, veines irriguant le cœur, chaque goutte utile. Les femmes n’ont plus de sexe, à seize ans, comme à soixante.
Afficher en entierDavantage de prisonnières fuient devant l’avancée des Soviétiques, davantage meurent à cause du froid. Les femmes arrivent à Ravensbrück à pied, exténuées, crachant du sang. Des centaines sont tombées en route, allongées dans la neige, achevées d’une balle dans la nuque. Il y a même des Juives.
Afficher en entierSpoiler(cliquez pour révéler)[...] .Spoiler(cliquez pour révéler)l’Allemagne n'a pas gagné, n'aura jamais complètement gagné.
Mais Lisette est morte.
Georgette est morte.
Violette est morte.
La mère de Louise est morte.
James est mort.
Marianne est morte.
Cili est morte.
La mère de Sacha est morte.
Les juives hongroises de la tente ont disparues.
Adèle meurt, et toutes celles qui n'ont pas de noms : l'Allemagne n'aura jamais perdu.
Qu'est-ce que ça veut dire, gagner ou perdre ? Teresa répondrait : tu perds seulement quand tu abandonnes
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Le silence dans la classe naît du mot Allemagne, qui annonce le récit capital. Longtemps elle a été reconnaissante de ce silence, de cet effacement devant son histoire à elle, quand il fallait exhumer les images et les faits tus vingt ans : de ce silence et de cette immobilité, car pas un chuchotement, pas un geste dans les rangs de ces garçons et filles de dix-huit ans, comme s'ils savaient que leurs voix, leurs corps si neufs pouvaient empêcher la mémoire. Au début, elle a requis tout l'espace. Depuis Suzanne Langlois a parlé cinquante fois, cent fois, les phrases se forment sans effort, sans douleur, et presque, sans pensée.
Afficher en entierVivre, c'est ne pas devancer la mort, à Ravensbrück comme ailleurs
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