Extraits

Cinq hommes gravissent la pente orientale de la colline sur laquelle kallorek a installé sa forteresse. Le soleil matinal projette leurs ombres devant eux. Cinq silhouettes maladroites qui évoquent les doigts d'une main prête à se transformer en poing. Cinq hérauts de mauvais augure, se rappelleront les gardes qui les regardent approcher.

Parmi eux se trouve un ancien roi qui a enfanté cinq héritiers sans déboutonner son pantalon. (...)

Il y a un sorcier, un orateur de dimension cosmique, ennemi juré de l'inguérissable nécrose, directeur fantôme du département des sciences de la combustion à l'université de Fort Curieux, et unique être humain de plus de huit ans croyant encore à l'existence des ours-hiboux.

Il y a un guerrier-né, incarnation de la puissante et de pauvreté. (...)

Il y a un être taciturne, un doux géant qui se bat avant un grand bouclier. (...)

Et devant eux marche notre héros. C'est une chandelle dont il ne reste qu'un petit amas de cire, une lame émoussée par trop de combats, mais chacun de ses pas exprime une volonté farouche. Observez son regard d'acier. Qui oserait s'interposer entre un tel homme et ce qu'il a de plus cher au monde ? Il est prêt à tuer pour sauver son enfant. Il est prêt à mourir s'il le faut.

— Va chercher le chef, dit un garde à un camarade. Ces types me foutent la trouille.

Et il a raison. Ils foutent la trouille. Jusqu'au moment où le sorcier marche sur l'ourlet de sa robe, lâche une bordée de jurons et tombe tête la première dans une mare de boue.

Jugez-les pour ce qu'ils voulaient être, demanda-t-il au Père des Dieux, pas pour ce que le monde a fait d'eux.

— Raconte-nous une histoire, tu veux bien ? demanda-t-il pour faire diversion. Raconte-nous le jour où tu t’es occupé de ce nécromancien à Fort Curieux. Ou celui où tu as libéré la princesse de… cet endroit… tu te souviens ?

Il faudrait que tu sois un peu plus précis, songea Clay.

Des princesses, il en avait sauvé à la pelle, et des nécromanciens, il en avait massacré une bonne dizaine. Il n’avait pas tenu le compte. De toute manière, c’était sans importance, car il n’était pas d’humeur à raconter des histoires. Ni à déterrer les souvenirs qu’il avait enfouis au plus profond de sa mémoire avant de s’efforcer d’oublier où il avait creusé le trou.

Mais il se contenta de boire une gorgée de vin. Il était délicieux : capiteux épicé et fumé. Il n'en fut pas étonné. Il n'avait jamais rencontré un méchant - ou une méchante - qui ne soit pas un amateur de vin éclairé. Apparemment, c'était une capacité indispensable quand vos objectifs consistaient à faire le mal et à devenir riche.

Clay secoua la tête d'un air dubitatif. Les gens ne savaient-ils pas que les histoires - et les légendes auxquelles elles finissaient inévitablement par donner naissance - étaient cent fois plus fascinantes que la réalité ? Les bardes ne servaient guère qu'à se faire massacrer et à raconter des mensonges.

Le guerrier se ressaisit. Il frappa, et son marteau s’écrasa entre les jambes du moine. Il entendit un craquement humide et l’homme se recroquevilla en gémissant. Clay le repoussa et marmonna de nouvelles excuses. C’était quand même la moindre des choses quand on écrasait le service trois-pièces d’un inconnu à coups de marteau magique.

-Ouais.Une dizaine d'années ou quelque chose comme ça.

J'ai détesté Matrick parce qu'il voulait vivre avec sa mijaurée de princesse.

J'ai détesté Moog parce qu'il passait tout son temps à essayer de mettre au point un remède contre la nécrose au lieu de passer ce temps avec la personne qu'il aimait. Au fait, tu sais quel est le remède contres la nécrose ? Ne pas s'approcher de cette foutue forêt .Jamais .J'ai détesté Gabe parce qu'il avait fini par croire les connerie de Valéry à propos des monstres qui sont nos amis. Et je... Tu sais quoi ? toi , Je ne t'ai jamais détesté, Main Lente.

-Un casse croûte appartient à celui qui le mange. Une chaussette appartient à celui qui la porte. Une pièce appartient à celui qui la dépense. Mais il y a des trucs qu'on n'a pas le droit de voler. des trucs comme ça.( Elle fit glisser ses doigt sur la surface irrégulière de BLACKHEART comme s'il s’agissait de la tombe d'un saint.) Ce bouclier, appartient à Clay Cooper et à personne d'autre.

- J'ai un plan, expliqua le sorcier en examinant la carte par-dessus ses mains jointes. (Un petit rire s'échappa de sa gorge et se transforma en gloussement inquiet.) Mais je dois vous avertir, mes amis...

- C'est un peu risqué ? demanda Gabriel.

Moog leva la tête et ses yeux étincelèrent au-dessus de son sourire dément;

- Ça frôle de suicide.