Kitty Norville, Tome 2 : Kitty au Capitole

J'ai rempoché mon portable et je suis descendue de voiture.

Le second homme en noir, le fameux Tom, a aussitôt pris ma place. J'ai jeté un regard languissant à ma brave petite bagnole, comme si c'était la dernière fois que je la voyais.

Le premier homme m'a escortée jusqu'à la conduite intérieure. J'en ai profité pour lui demander :

— Soyons clairs : la Maîtresse de la ville, qui est un vampire, a les flics de Washington à sa botte, du moins suffisamment d'entre eux pour pouvoir ordonner un barrage routier sur l'une des artères les plus fréquentées rien que pour m'intercepter.

— On dirait bien, a-t-il acquiescé.

— Elle aurait pu se contenter de me passer un coup de fil, non ?

Il m'a jeté un regard en biais et j'ai levé les yeux au ciel. Nous parlions d'un vampire, bien sûr. Tout était dans la mise en scène.

En tant que passager, je pouvais au moins essayer de repérer les monuments célèbres sans risquer l'accident. Après m'être assurée que Tom nous suivait avec ma voiture, je me suis penchée au-dessus du tableau de bord pour scruter les alentours à travers le pare-brise.

— Votre copain s'appelle Tom. Et vous, c'est quoi votre petit nom ? lui ai-je demandé.

— Bradley, a-t-il répondu au bout d'un moment.

Tom et Bradley. Quelle banalité pour des Men in Black !

— Dites-moi, Bradley, de quel côté se trouve le Washington Monument ?

— Nous allons dans la mauvaise direction.

Je me suis renfoncée dans mon siège en soupirant, sans prendre la peine de cacher ma déception. C'était trop frustrant, être si près d'un des hauts lieux touristiques du pays et ne rien voir du tout.

Bradley m'a lancé un regard. D'un ton légèrement amusé, il a proposé :

— Donnez-moi deux secondes et on vire de bord.

Sans autre forme de procès, il a mis son clignotant et a carrément fait demi-tour.

Minute, il essayait de m'être agréable ?

Dans le Colorado, la perspective était dégagée. Le ciel s'étendait à perte de vue et les montagnes se dressaient à l'ouest. Impossible de les rater, on ne pouvait pas se perdre. J'avais besoin de repères. Ici, comme dans tous les coins ou presque que j'avais traversés pour rejoindre la côte Est, j'éprouvais une vague impression de claustrophobie. Des arbres touffus omniprésents masquaient l'horizon. Même en automne, avec les feuilles mortes qui commençaient à tomber, ils formaient une muraille et il fallait lever la tête pour voir le ciel.

Après avoir bifurqué dans une rue perpendiculaire, Bradley a déclamé du ton affable des guides touristiques :

— Nous approchons maintenant du célèbre Washington Mail. Sur votre droite, vous pouvez admirer le Washington Monument.

J'ai collé mon visage contre la vitre. Mon estomac s'est noué comme quand on croise une célébrité. Il était exactement comme sur les photos, en plus grand. Nimbé d'un halo orangé, l'imposant obélisque se dressait au milieu de la longue étendue du Mail, seul dans l'obscurité.

— Wouah.

Je l'ai dévoré des yeux jusqu'à ce qu'on bifurque à nouveau, le laissant derrière nous.