Extraits

Je suis à un cheveu de le supplier de m'embrasser lorsqu'il plaque sa bouche sur la mienne. Me libérant les poignets, je m'empresse d'agripper sa nuque et le presse davantage contre moi. Peu importe qu'il soit l'employé de mon père, je me fiche des conséquences, je le veux, non, j'ai besoin de lui, du contact de sa peau, de ses lèvres. Ça va également bien au-delà du désir charnel qui m'habite dès que Rayden entre dans une pièce où je me trouve. Ce que j'éprouve pour cet homme ne s'explique pas. En revanche, il est clair qu'il me fait perdre toute raison, que j'aime ça et ne veux surtout pas que ça s'arrête !

- Qu'est-ce que j'ai, qu'il n'a pas ? lui demandé-je.

Deviendrais-je pathétique ?

Elle secoue la tête, amusée, et pose sa main manucurée tendrement contre ma joue.

- La lueur dans ton regard, celle d'un lendemain serein. Tes soupirs d'inquiétude, que tu combles aussitôt par des promesses cachées dans des sourires en coin ; mais surtout, tes silences d'amour qui crient tellement de choses qu'on ne peut qu'y croire. Tout ce qu'une femme dotée d'un cœur aime entrevoir chez un homme.

Elle se lève enfin de table, l'air de rien, me sourit innocemment et ajuste sa tenue avec classe et dignité.

- Je crois que j'ai été claire, non ? Tu lui plais beaucoup, je l'ai bien vu. Bouge ton superbe cul de là et va la conforter dans l'idée que tu es un mec bien. Le vampire est charmant, c'est sûr, il est canon même, mais il n'est pas toi.

Eh bien, si on m'avait dit que je me ferais tancer par la meilleure amie d'Avery... Ça, c'était un sacré sermon, mêlé à une touchante déclaration d'amitié ! La casse-pied de service vient d'opérer, à mes yeux, une incroyable transformation.

- Tu n'aurais pas dû accepter son invitation. Alexine Ford est...

- Je la connais depuis l'âge de cinq ans, merci, je sais à qui j'ai affaire.

- Zephel est...

- Loyal. Un provocateur, un meurtrier à ses heures perdues, arrogant et bien évidemment immortel. Sans oublier qu'il dit toujours ce qu'il pense. Je me demande bien ce que tu devrais à tout prix copier chez lui...

Sur ces mots, je le repousse des deux mains et lui claque sans ménagement la porte au nez. Lui voilà au moins un point commun avec Jefferson !

Fondez donc un club ! Celui des lâches !

- J'apprécie votre sollicitude à mon égard, vraiment, mais je pense m'être assez reposée comme ça. J'ai même carrément l'impression de me réveiller pour la première fois. Je ne suis même pas la femme que je croyais être, ris-je nerveusement.

- Nous on sait qui tu es, Avery, me rejoint Jude en pressant mon épaule affectueusement.

- Baku a raison, atteste Reez. Je ne te connais pas depuis des lustres, mais je n'ai besoin de personne pour affirmer combien t'es courageuse et altruiste. Un sacré p'tit bout de nana.

- Pour ma part, dit Louka, je vais m'abstenir de m'exprimer sur ta délicieuse petite personne. Je ne tiens pas à me faire péter la gueule. J'ai déjà eu un avant-goût assez dissuasif.

Je braque aussitôt mon regard sur Rayden qui lève ses mains avec la mine innocente.

- Y a des limites à ne pas dépasser, se contente-t-il de lâcher.

- Ma puce, soufflé-je à son oreille, je suis là ! Ça va aller, je suis là !

Bon sang, je suis minable ! Mes lèvres ne se desserrent que pour laisser filtrer ce soutien surfait ! Comment la soutenir, si je ne sais pas ce qui l'a mise dans cet état ? Et où est Keyla ?!

- Avery, ma belle, je t'en prie parle-moi !

Ma voix est éraillée, ma gorge prise dans un puissant étau est suppliante. Je pourrais presque hurler pour elle, tellement son mal-être me brise. Je préférerais mille fois qu'on me loge des éclats de verre sous la peau, encore et encore, plutôt que de la voir dans cet état.

Avery se mord durement les lèvres et ses prunelles émeraude se mettent à briller dangereusement de larmes. Je vois à quel point elle lutte pour ne pas flancher et ravaler son sanglot de désespoir. Ma poitrine se serre. Je repousse Reez et Leya, la prends dans mes bras, la presse fortement contre mon torse. J'ai besoin de la sentir contre moi. Elle n'est pas seulement bouleversée, elle est anéantie.

Par réflexe, je serre les draps de mes deux mains. Que veut-il dire ? Si pour lui sa vie semble être un chaos monumental, je peux affirmer que la mienne n'est pas mieux. Dois-je lui rappeler ce qui figure dans mon dos ?

- C'est le tatouage, c'est ça ? Que signifie-t-il pour toi ? Parce que d'après mes recherches...

- Non, me coupe-t-il d'une main levée, enfin, je ne sais pas, mais je... Avery, dit-il en s'accroupissant devant moi, je ne veux pas que tu aies peur de moi. Ça me tuerait.

- Je n'ai pas peur de toi ! Je...

Merde, les trois petits mots sont cimentés dans ma gorge et refusent de sortir.