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Keuschnig regarda sa femme dormir par la porte entrouverte de la chambre du fond. Il voulait qu'en se réveillant, elle lui demande aussitôt ce qu'il pensait, à quoi il répondrait : «Je suis en train de me demander comment t'exclure de ma vie. »
Afficher en entierQui a déjà rêvé être devenu un meurtrier et ne continuer sa vie habituelle que pour la forme? En ce temps qui dure encore, Gregor Keuschnig vivait depuis quelques mois comme attache de presse de l'ambassade d'Autriche à Paris. Il habitait avec sa femme et sa fille de quatre ans, Agnès, un appartement obscur du XVIe arrondissement. L'immeuble, une maison bourgeoise du début du siècle avec un balcon de pierre au second étage et un autre en fonte au cinquième, donnait comme d'autres bâtiments semblables sur un boulevard calme, un peu en pente, qui aboutissait à la porte d'Auteuil. Pendant la journée, toutes les cinq minutes, les verres et les assiettes s'entrechoquaient dans le buffet de la salle à manger, quand dans la tranchée à côte du boulevard, un train passait qui emmenait les voyageurs de la périphérie vers Saint-Lazare au centre de la ville. Là, par exemple, ils pouvaient changer de train pour le Nord-Ouest, l'océan atlantique, Deauville ou Le Havre. (Certains des habitants déjà ages de ce quartier, ou cent ans plus tôt il y avait encore des vignobles, allaient comme cela, les fins de semaine, avec leurs chiens, au bord de la mer.) Mais la nuit, quand après neuf heures du soir il ne passait plus de trains, le silence était si profond sur le boulevard, qu'on pouvait, de temps à autre, entendre les feuilles des platanes devant les fenêtres bruisser dans le vent léger qui soufflait souvent ici. Par une telle nuit de juillet Gregor Keuschnig eut un long rêve qui commença ainsi: il avait tue quelqu'un.
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