Extraits

Il y a toujours eu des gens qui haïssent, et il y en aura toujours.

Chapitre 2

Fou de rage d’être incapable d’invoquer son don pour se sauver et secourir Kahlan, Richard ne fit pourtant pas l’erreur de s’appesantir sur la question. Dans un cas pareil, s’il voulait avoir une chance, il devait s’appuyer sur deux choses qui ne lui feraient pas défaut : son instinct et son expérience.

- Les gens choisis pour participer à cette grande œuvre ne sont pas des victimes, bien au contraire. Donner sa vie pour une telle cause est un honneur. Ils n'en ont peut-être pas conscience, mais ce sont des héros qui se sacrifient pour le bien commun.

- Encore la même folie..., soupira Kahlan.

- De la folie ? Non, pas du tout... Le sacrifice d'une minorité pour le bien de la majorité, c'est le summum de la grandeur. Mon concept est aussi brillant au niveau de la conception que de l'exécution.

- "Exécution" est le mot juste, en effet... Des exécutions de masse au nom d'une cause absurde.

Le Sourcier se méfiait surtout des fragments de voile qui semblaient fondre sur Samantha et lui. Dès qu’il en localisait un, il ne tardait pas à s’écarter de son probable chemin.

À première vue, le troisième royaume était un vaste désert rocheux où le monde des vivants se trouvait sans cesse en contact avec celui des morts. Bref, pas le genre d’endroit où on pouvait se sentir un instant en sécurité.

Manquant de sommeil, miné par la difficulté du voyage et contraint de rester en permanence sur ses gardes – un exercice fatigant en soi –, Richard était au bord de l’épuisement. Après avoir franchi les portes, Samantha et lui avaient marché durant presque toute la nuit. À vrai dire, l’idée de s’arrêter pour dormir, dans un décor pareil, n’avait rien de très engageant.

Enfin sortis de la forêt, Richard et Samantha écarquillèrent les yeux face au gigantisme de la structure qui se dressait devant eux sous la lumière grisâtre d’une fin de journée maussade.

Même pour un initié, il était impossible de voir l’antique magie qui permettait à la haute muraille d’emprisonner des démons. En revanche, on ne pouvait pas passer à côté des dimensions écrasantes de la structure. Quand il l’avait vue par l’ouverture, à Stroyza, Richard avait déjà été impressionné. Là, il était littéralement stupéfié.

Malgré la taille et la solidité de cette barrière, sans parler de sorts jetés par des sorciers d’une puissance inimaginable, certains démons avaient pourtant pu réussir à s’échapper…

Richard se redressa et dégaina son épée dans le même mouvement. Sa propre colère décuplée par celle de l’arme, il bondit sur ses agresseurs.

Le premier homme fut décapité en moins de temps qu’il n’aurait fallu pour le dire. La femme qui le suivait, au moins aussi sauvage et aussi déchaînée que lui, ne s’attendait pas au balayage de jambes dont la gratifia le Sourcier. Avant même qu’elle ait touché le sol, la lame de l’Épée de Vérité lui fendit le crâne en deux dans le sens de la largeur. Dans un geyser de sang, la moitié supérieure de la tête vola dans les airs, accompagnée par des lambeaux de matière grise.

S’écartant vivement, Richard évita la charge d’une seconde femme, puis la coupa quasiment en deux au niveau de la taille. Tandis que la demi-humaine s’écroulait à ses pieds, il propulsa le pommeau de son arme dans la figure d’un quatrième agresseur.

Sans répondre, Richard posa sa main sur la plaque de métal. La pierre ne bougea pas, mais en son centre, là où il avait cru voir briller quelque chose, la pierre s’effrita. Une fine poussière se détachait des lignes gravées dans l’imposante porte. Au fil des siècles, ces minuscules grains avaient totalement occulté les symboles – et maintenant, voilà qu’ils réapparaissaient.

— Incroyable…, souffla Samantha.

Au cœur d’un cercle tracé sur la pierre, un groupe de petits symboles triangulaires composait trois emblèmes qui, dans le langage de la Création, formaient un message fort complexe.

Richard approcha, plissa les yeux et traduisit tout en lisant.

Sans être sinueux, le couloir n’avançait pas en droite ligne. Cette manière de s’enfoncer au cœur de la montagne ne devait rien à des préoccupations esthétiques, Richard en aurait mis sa main au feu. En tournant très amplement, en douceur, au lieu d’offrir une succession de bifurcations à angle droit, le corridor contribuait à ne pas détourner de ses pensées l’homme ou la femme qui le remontaient.

Après une assez longue marche, Richard et sa guide arrivèrent devant une porte en tout point semblable à la précédente. Là aussi, un bloc de pierre faisait obstacle à d’éventuels intrus qui auraient réussi à franchir la première ligne de défense. Sans hésiter, Samantha posa sa paume sur la plaque de métal fixée dans la roche.

Baissant la tête, le petit garçon s’abandonna au chagrin. Laisser des compagnons en arrière était un crève-cœur, et Richard le savait mieux que quiconque.

En larmes elle aussi, Sammie entoura d’un bras protecteur les épaules d’Henrik. Son père ayant subi le même sort que les compagnons du gamin – et sa mère également, pour ce qu’elle en savait –, elle avait toutes les raisons de se montrer compatissante.

Richard tenta de ne pas penser à ce que faisait Sammie et à ce qu’elle risquait de découvrir. À la place, il songea à Zedd, à Nicci, à Cara et à son mari, Ben, le général qui dirigeait le détachement de la Première Phalange chargé de les secourir, Kahlan et lui. Qu’était-il arrivé à ses meilleurs amis ? Sauf cas de force majeure, ils n’auraient jamais abandonné le Seigneur Rahl et la Mère Inquisitrice…

Il y avait ces ossements, et ces lambeaux d’uniformes… D’après les deux brutes, la colonne avait été attaquée par les Shun-tuk, des sauvages à demi nus à la peau enduite d’une substance blanche. Un des cadavres, se souvint Richard, avait les dents taillées en pointe afin de mieux déchirer la chair de ses proies.