L'Étalon noir, Tome 20 : La Cité perdue

L'étalon noir regarda les juments galoper à tout va ; il aurait pu les rattraper, s'il en avait eu envie. Seule l'intéressait celle qui restait. Celle qui avait captivé son imagination dès qu'il l'avait vue. La plus blanche des blanches allait maintenant devoir frayer avec le plus noir des noirs. Elle allait l'accepter à coup sûr, peut-être même le féliciter de sa victoire.

La jument, debout dans le lit du ruisseau, le regardait approcher sans crainte, le vrillant de ses yeux couleur de rubis. L'étalon n'avait jamais vu pareille bête. Elle était à la fois magnifique et repoussante, absolument différente de ceux de son espèce. Il traînait autour d'elle des effluves presque imperceptibles de quelque chose de terrifiant, quelque chose qui évoquait le loup ou tout autre prédateur.

Black ralentit l'allure puis fit un pas en avant pour aller à sa rencontre. Elle poussa un hennissement en secouant la tête, comme pour l'accueillir. Puis, pareille à un grand oiseau blanc qui décollerait de son perchoir, elle fit volte-face et s'enfuit. L'espace d'un instant, on aurait pu croire qu'elle allait revenir. Il n'en fut rien et elle continua sa course. L'étalon se lança à ses trousses mais l'hésitation lui avait été fatale. Il aurait pu facilement la rattraper en terrain découvert. Là, dès qu'elle eut atteint les arbres, ce fut trop tard. Elle était sur son territoire, et pas lui. Au milieu du lacis inconnu des sentiers de cette étrange forêt, il n'avait pas l'avantage.

La jument atteignit le rideau d'arbres et s'enfonça dans la pénombre. Black galopait derrière elle. Il fut contraint de ralentir, presque de s'arrêter, le temps que sa vision s'adapte à l'obscurité de la forêt. Heureusement, le bruit des sabots lui disait où se diriger. Il se lança aussi vite qu'il put sur les traces de l'albinos.

Il atteignit rapidement une clairière où il chercha les traces laissées par la jument. On aurait dit qu'elle avait disparu. Il se mit à humer frénétiquement le vent, cherchant quelque effluve qui lui indiquerait par où elle avait filé. Certes, l'odeur était encore là, mais ses naseaux en sentaient d'autres, plus récentes, et ses oreilles dressées captaient des bruits de voix, des bruits humains. Sans aucune hésitation possible, l'odeur familière, celle de son ami, de ce garçon dont il partageait la vie, parvint jusqu'à lui. Poussant un hennissement farouche, il fit demi-tour pour suivre cette piste.