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Et puis, dans le même temps, mon angoisse se transforma en une angoisse qui n'était plus véritablement angoissante. Et toute angoisse qui n'est pas spécialement angoissante, au bout du compte, c'est une angoisse sans importance.
Afficher en entierLe monde suit son cours, déclara le vieil homme, l'air mécontent. Chacun songe à ses propres affaires, chacun mène sa vie à sa façon. Il en va ainsi de ta mère, bien entendu, et de ton étourneau, également. C'est la même chose pour tout le monde. Le monde suit son cours.
Afficher en entier"L'homme-mouton a son monde d'hommes-moutons. Moi, j'ai mon monde. Et toi, le tien. N'est-ce pas ?
- Oui, sans doute.
- On pourrait dire aussi que même si je n'ai pas d'existence dans le monde de l'homme-mouton, cela ne signifie pas que je n'ai aucune existence.
- En somme... commençai-je. Tous ces mondes différents se retrouvent mêlés ici. Ton monde, le mien, celui de l'homme-mouton. Parfois ils se chevauchent. Et parfois, non. C'est ce que tu veux dire ?"
Afficher en entierIl est à présent deux heures du matin, tout est sombre. Je suis seul et je pense au cachot dans les sous-sols de la bibliothèque. Quand je suis seul, l'obscurité me paraît plus noire encore. Aussi noire que durant une nuit de nouvelle lune.
Afficher en entierL’homme-mouton tira de sous le lit un boulet de fer apparemment très lourd. Une chaîne le reliait à une ferrure avec laquelle il enserra ma cheville. Il verrouilla la serrure puis glissa la clef dans sa poche de poitrine.
« C’est terriblement froid ! dis-je.
— Ne t’en fais pas, tu t’y habitueras vite !
— Dites, M. l’homme-mouton, il faut vraiment que je reste ici pendant un mois ?
— Ma foi, oui.
— Mais si je sais par cœur ces trois livres, il me laissera sortir à la fin du mois ?
— Ah… ça, ce n’est pas sûr.
— Mais alors, qu’est-ce que je deviendrai ?
— J’ai un peu de mal à te l’annoncer, en fait…, répondit l’homme-mouton, gêné.
Afficher en entierMe précédant, l’homme-mouton s’engagea dans un étroit couloir. Le vieil homme marchait sur mes talons. Sur l’habit que portait l’homme-mouton était fixée une petite queue qui oscillait vivement à chacun de ses pas, de droite à gauche, comme un pendule.
« Eh bien… », fit l’homme-mouton. Il s’immobilisa au bout du couloir. « Nous y voilà.
— Attendez, M. l’homme-mouton, dis-je. Ne s’agirait-il pas d’une prison ?
— Certes, en convint-il.
— En plein dans le mille ! » confirma le vieillard.
Afficher en entier« Dites, M. l’homme-mouton. La jolie petite fille qui est venue un peu plus tôt, qui est-ce ?
— De qui parles-tu ? Une jolie petite fille ?
— La fillette qui m’a apporté mon dîner.
— Ah, ça… c’est bizarre, répondit l’homme-mouton, l’air étonné. Voyons, ton dîner, c’est moi-même qui te l’ai apporté ! À ce moment-là, tu étais endormi dans ton lit. Et comme tu peux le voir, je suis un homme-mouton, pas une jolie petite fille. »
Avais-je rêvé ?
Afficher en entier« Tu me suis, compris ? » lança le vieil homme.
Très vite, le couloir se divisa en deux. Le vieillard tourna à droite. Nous avançâmes un peu, puis, de nouveau, il y eut un embranchement. Cette fois, le vieil homme s’engagea sur la gauche. Les tournants et les bifurcations se succédaient mais l’homme n’avait pas la moindre hésitation avant de prendre tantôt à droite, tantôt à gauche. Il ouvrait parfois une porte et nous avancions alors dans un couloir différent.
De mon côté, j’étais en pleine confusion. Enfin quoi ! C’était tout de même invraisemblable que les sous-sols de la bibliothèque municipale abritent un labyrinthe aussi gigantesque ! Les bibliothèques comme la nôtre doivent toujours jongler avec un budget insuffisant et ne disposent évidemment pas des fonds disponibles pour construire le plus petit des labyrinthes. Je songeai bien à poser une question à ce sujet au vieil homme mais, finalement, je m’en abstins, de peur d’être méchamment réprimandé.
Le labyrinthe finit pourtant par aboutir à une grande porte en fer, sur laquelle était placardé : SALLE DE LECTURE.
Afficher en entier« Ce n’est pas ce que vous m’aviez annoncé ! déclarai-je au vieil homme. Vous m’aviez dit que nous nous rendions dans la Salle de lecture. Sinon, je ne vous aurais jamais suivi jusqu’ici !
— Il t’a roulé, fit l’homme-mouton.
— Oui, c’est ça, roulé ! répéta le vieillard.
— Enfin…
— Silence ! » s’écria le vieil homme, qui sortit de sa poche la baguette de saule et la fit tournoyer. Je reculai précipitamment. Je n’avais pas la moindre envie de recevoir un coup de badine.
Afficher en entierUne véritable fourrure de mouton recouvrait la totalité du corps de l’homme. Seule était pratiquée une ouverture pour le visage, et je vis deux yeux bienveillants qui me fixaient. Ce costume lui allait très bien. L’homme-mouton me dévisagea un moment puis il jeta un regard sur les trois volumes que je tenais dans les mains.
« Alors, comme ça, tu es venu ici pour lire ces livres ?
— Oui, en effet, répondis-je.
— Pour de vrai ? Parce que tu voulais vraiment lire ces livres ? »
La façon de parler de l’homme-mouton avait quelque chose d’étrange. Je restai muet.
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