L'Étrange Destin de Katherine Carr

Je n’inclinais même jamais le front lorsque je me rendais sur sa tombe en ces occasions annuelles, car toute notion de prière m’avait quitté dès l’instant où je fus convaincu qu’on l’avait assassiné. Avant cela, pendant les longues semaines qui s’étaient écoulées entre sa disparition et la découverte de son corps, j’avais prié avec la férocité d’un incroyant, prié pour avoir la foi et ce brin d’espérance qu’elle fait fleurir. J’avais pris toutes sortes d’engagements éternels, pathétique dîme de l’obéissance. Tout comme Faust qui avait vendu son âme au diable, j’avais remis la mienne à Dieu, ou à la Providence, ou à n’importe quoi d’autre dès lors que ça avait le pouvoir d’intercéder pour mon fils. Ça pouvait bien avoir une tête d’éléphant sur un corps d’homme gras, comme Ganesh, le fils de Shiva, peu m’importait. Je me serais prosterné devant Baal quelle que fût sa forme, agenouillé devant n’importe quel veau d’or. J’aurais allumé tous les cierges de la cathédrale St Patrick, empilé autant de paniers de riz qu’il l’aurait fallu sur les marches des pagodes, marché jusqu’à la Grande Mosquée de Samarra en me flagellant le dos jusqu’au sang, pour que soit exaucée cette unique prière : Ramenez-le-moi sain et sauf.