L'étranger aux yeux d'émeraude

Les braises qui rougeoyaient dans l'âtre

étaient sur le point de s'éteindre. À cette heure-ci, dans le majestueux château d'Ishyr, personne ne venait les rallumer.

Les serviteurs dormaient à poings fermés, et les rares valets encore éveillés parcouraient les couloirs dans un silence de mort.

Seul le roi était encore là, assis dans son grand fauteuil moelleux, au beau milieu de la salle des fêtes. Le regard éteint, il contemplait le feu mourant avec mélancolie.

Il s'ennuyait. Les buffets, la danse, la musique... tout cela le lassait. Pire, cela l'embarrassait. Il n'avait que faire des festivités.

Son esprit était ailleurs.

Depuis qu'il avait eu vent de ce qui s'était passé dans le petit village d'Anesh, à

la bordure du royaume, il ne parvenait pas

à penser à autre chose. C'était bien la première fois qu'un rapport du Maître de la

Garde était si alarmant.

Personne ne savait vraiment ce qu'il s'était passé. Les communications avaient cessé entre le bourg et la capitale. Plus aucune nouvelle, ne serait-ce qu'un seul rapport de la garnison locale. Les quelques paysans des alentours avaient rapporté

14/209 d'étranges choses sur ce village... avant de se taire eux aussi.

Les rumeurs allaient bon train. Certains disaient le village hanté ; tandis que d'autres, plus raisonnables, pensaient à

une attaque du royaume voisin. Les plus terre à terre accusaient le mauvais temps, qui rendait l'accès au village difficile, et qui aurait par conséquent empêché les villageois de s'aventurer bien loin. Mais en réalité, personne ne savait ce qui s'était passé. Anesh était isolé, perdu. Il pouvait s'y dérouler n'importe quoi.

« Que de sottises ! Que d'inventions idiotes...

» pensa le roi en secouant tristement la tête. « Le peuple a trop d'imagination.

Les avis divergent, se perdent... il faut y remettre de l'ordre. »

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Traelin, fidèle chef de la garnison royale, avait monté une expédition de cinq hommes et était parti à Anesh pour s'informer de la situation. « Lorsqu'il reviendra, j'aurai de quoi calmer les foules », se rassura le monarque.

Tournant lentement sur son fauteuil, il parcourut lentement la salle du regard. Elle

était vide et sombre. Le feu mourant faisait danser l'ombre royale sur les murs, et les braises crépitantes ajoutaient leur odeur

âcre à une atmosphère déjà lourde.

L'ambiance pouvait paraître lugubre, mais le roi la trouvait, en définitive, plutôt relaxante.