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Prologue
Octobre, fin de journée. Quelque part en banlieue nord de Montréal, une jeune femme émergea de son bain moussant. Elle retira du creux de ses oreilles les écouteurs qui diffusaient une forte musique transcendante. Son visage, qui aurait dû être serein, se marquait peu à peu de confusion. Son bain, qui avait suivi une heure de spinning au gym, s’était révélé vivifiant au départ, mais les cris étranglés de son chihuahua adoré avaient raccourci la période de détente. Une fois couverte d’une sortie-de-bain de coton, la jeune femme s’épongea les pieds sur le tapis. Une odeur âcre la prit à la gorge. Elle s’approcha de la porte close. Au toucher de la poignée métallique brûlante, ses doigts se rétractèrent. La panique s’installa. De l’autre côté de la porte, le chihuahua semblait affolé. Il poussait de longs geignements aigus. Apeurée, la femme cueillit son jeans au sol et l’enroula autour de la poignée. De cette manière, elle put enfin ouvrir la porte. La vague de chaleur qui lui roula sur le visage fut saisissante. Un peu comme ouvrir un four à convection et sentir ses cils s’agglutiner dans le mascara chauffé. La jeune femme plissa les paupières tout en enfouissant, d’instinct, le nez dans le pli de son coude. Elle recula d’un grand pas afin de se retrouver à nouveau dans la salle de bains. C’était de ce point de vue qu’elle aperçut l’horrible scène : son chien enflammé traçait des lignes circulaires affolées sur la moquette. Celui-ci poussait des hurlements déchirants et dégageait des odeurs infectes de poils et de chair grillés. La jeune femme éclata en cris et en sanglots terrifiés. En courant dans tous les sens, l’animal avait allumé de nombreux feux. Il y en avait partout. Et ceux-ci prenaient sans cesse de l’ampleur, car les carreaux avaient été délibérément ouverts. Les rideaux de dentelle blanche volaient vers les flammes comme de lugubres fantômes. Pour la jeune femme, c’était sans issue. Pétrifiée, elle réalisa qu’il n’y avait aucune fenêtre dans la salle de bains par laquelle s’échapper et que le téléphone le plus près était sur son socle, dans le hall d’entrée. Mais le plus terrible étaient les murs de flammes qui s’étaient érigés l’un après l’autre dans la pièce principale, créant ainsi un labyrinthe mortel. Elle fondit en larmes. Elle comprit qu’elle ne verrait pas son vingt-cinquième anniversaire, le mois suivant, et qu’elle n’accomplirait aucun des projets de vie qu’elle avait prévus.
Source : kobo.com
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