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Chapitre 1 : Onirisme.

Définition: Images, phénomènes du rêve.

En psychiatrie: délire aigu constitué d’hallucinations dans lesquelles se déroulent des activités animées et enchaînées, comme celles que l’on voit dans les rêves.

Tara Ibanez, nuit du mardi 30 au mercredi 31 janvier.

Je savais que je rêvais tout simplement, car je n'étais plus au chaud et en sécurité dans mon lit.

J'ouvris les yeux en aspirant une grande goulée d'air, comme un noyé qui inspire par un réflexe de survie pour éviter l'asphyxie totale. L'atmosphère était chargé d'une fumée lourde et désagréable, celle du bois qui brûle en grande quantité, avec d'étranges relents d'une odeur de terre et d'autre chose que je n'arrivais pas à identifier. Je jetai un coup d'œil autour de moi, espérant en savoir plus, et j'écarquillai les yeux d'horreur.

J'étais au milieu d’une plaine sinistre et totalement inconnue. Je pouvais y voir s’entremêler, dans la terre retournée par des impacts inexpliqués et sans doute violents, cadavres et sang, reposant dans une boue rougeâtre, écœurante. Je sentis la nausée monter, forte et désagréable. Je fermai les yeux un instant en essayant de me calmer. Après tout, ce n'était qu'un rêve. Je me le répétai inlassablement, puis ouvris lentement les paupières. Je ne les connaissais pas… mais de savoir leur identité ne m’était pas nécessaire pour voir qu’ils avaient été les victimes d'une guerre terrible et sans pitié. Pour preuves, leurs positions désarticulées, leurs têtes et divers membres arrachés... À n'en point douter, cela avait été brutal. Les brûlures aux odeurs insipides me redonnèrent la nausée aussitôt. Je refusai de m'attarder sur ce spectacle dont je ne comprenais la raison et qui me rendait malade.

Je regardai autour de moi sans voir grand chose à cause de la fumée épaisse. J'en cherchai la provenance : c’était à quelques mètres de la plaine, à ma droite. Il y avait un village de bois et de pierres, qui finissait de se consumer lentement. Il n'était formé que de quelques maisons, construites simplement : comme celles de temps reculés, celles dont j'ai pu voir les illustrations dans des livres d'Histoire, parlant de civilisations mortes depuis des millénaires. Et partout ailleurs, mis à part la plaine, il n'y avait qu’une forêt qui perdait de sa densité étant la proie des flammes qui noircissaient sa verdure. Certains arbres avaient été arrachés par une force colossale et difficilement concevable, ravagés par une tornade, peut-être, ou alors par un monstre de taille immense...

Je portai mon regard vers le ciel gris, parsemé de nuages lourds et sombres. Tout était étrangement silencieux et immobile. Mis à part cette fumée épaisse qui gênait ma vision et me piquait les yeux. Je sentis des larmes brûlantes commencer à couler le long de mon visage et levai la main d'un geste automatique, pour les essuyer.

Je stoppai net.

Ce n'était pas ma main. Celle-là était fine et délicate, la peau d'une blancheur étonnante, lumineuse, encore visible malgré la couche de poussière, de suie et de sang qui la recouvrait. Alors, j'observai, effrayée, ce corps inconnu dans lequel j’étais. Ses jambes, non, mes jambes étaient nues et minces. Ma taille, fine. Et je portais une robe simple, légère, mais marquée de déchirures. La saleté couvrait sa blancheur d’antan qui restait néanmoins perceptible. Baissant mes yeux, je vis se dévoiler une poitrine généreuse et parfaite. Je découvris, avec étonnement, les longs cheveux d'or, ternis par la poussière, qui descendaient en vagues gracieuses jusqu'à ma taille. La terre trembla sous mes pieds, m'arrachant à ma contemplation. Le tonnerre, lointain, résonna comme un glas dans l'obscurité artificielle créée par la fumée, tel un nuage annonciateur de la mort alentour.

Le bruit éveilla quelque chose en moi, chassant ma peur, chassant mes doutes, remplaçant toutes mes questions par une certitude implacable : je devais me rendre à la source de ses sons et je devais me hâter. Était-ce de la curiosité morbide, de l'inconscience ? Non, plutôt une envie inexorable d'aller là-bas, d'arrêter ce carnage mortel qui semait la désolation en ces lieux. Ma certitude me guidait, un instinct féroce et colérique qui me dictait de faire cesser ce carnage, qui me disait que j'en avais la force, que j'étais là pour ça. Je ressentais tout avec intensité : l'adrénaline qui avait envahi mes veines, la force qui animait désormais mes membres, mes pieds nus foulant la terre, la frôlant à peine... Ainsi, je courus vers la forêt décimée, vers le tonnerre, vers le plus fort des combats… vers ce qui m’appelait.

La terre redevint herbe plus loin dans la forêt. J'atteignis alors une butte élevée et raide que je grimpai sans effort, sans essoufflement, sans ressentir la moindre douleur dans les muscles, malgré les kilomètres que je venais de parcourir en à peine quelques secondes. J'arrivais même à percevoir les rares animaux qui fuyaient, leurs cœurs affolés battants à un rythme si rapide qu'il me parut irréel. Comment étais-ce possible ? Mon rêve me donnait-il de super pouvoirs ? Je fus distraite à nouveau par ce bruit de tonnerre, puissant, effrayant, que je recherchais toutefois. Je parvins enfin à destination. Les bruits se faisaient plus forts. Les premières silhouettes humaines, telles des ombres indistinctes, apparurent à travers la fumée encore présente, du fait des incendies qui se propageaient dans la forêt qui m’encerclait.

Un vent violent se mit à souffler, dégageant le paysage ravagé, me révélant enfin la scène de combat plus loin dans une sorte de creux entouré d'arbres, dévoilant un vaste espace que je surplombais du haut de ma colline. Je me mis à haleter, sous le choc, devant le spectacle qui se déroulait sous mes yeux, mon cœur battant à tout rompre, la peur me paralysant un instant.

Pas de tornade.

Pas de monstre à la taille démesurée.

Uniquement ces créatures à taille humaine et à la même apparence. La seule différence étant qu'elles ne pouvaient faire partie de cette race.

Sur leurs dos trônaient des ailes immenses et délicates, certaines composées de filaments éthérés d'une lumière variant du doré à l'argenté ; d'autres aux mêmes filaments, mais sombres, du gris anthracite le plus profond à un noir ténébreux et irréel qui semblait absorber la moindre clarté. Ils étaient habillés simplement, parfois encapuchonnés, souvent torse nu, portant des pagnes pour les hommes, et des robes courtes pour les femmes. Ils lançaient, avec une rapidité inégalable, des sphères nuageuses vrillées d'éclairs qui étaient la cause de la terre retournée, des incendies, des membres arrachés ou carbonisés, et du bruit d'orage qui à cette proximité devenait encore plus assourdissant.

Mon corps bougea malgré moi, et à nouveau, une étrange certitude m'étreignit : je savais que je devais aller là-bas, me battre et mourir avec mes frères et sœurs. J'avançai parmi les êtres ailés qui combattaient. Et je remarquai qu'ils s'écartaient de mon chemin, m'observant ou me fuyant avec une expression parfois furieuse, parfois emplie d'espoir. Je compris vite que les êtres de lumière étaient mes alliés lorsqu'ils commencèrent à m'escorter en silence, avec des sourires bienveillants, empreints d'une excitation satisfaite, comme si ma présence signifiait que la victoire du combat leur était désormais assurée.

Je sentis quelque chose s'étirer en moi et entendit un froissement dans mon dos. Je vis alors mes ailes, plus éclatantes que le soleil, flottantes au gré de mes mouvements, entourées d'une aura de lumière d'un doré scintillant. Nous arrivâmes au cœur de la bataille et je remarquai alors qu'un lourd silence était tombé, que tous étaient désormais immobiles, en attente, et je pensais avec amertume à cette expression: « le calme avant la tempête. ». Force m’était de reconnaître que j'allais pouvoir en comprendre tout le sens.

Ce que je compris être une ennemie, de par la noirceur de ses ailes, me fit face, armée d'un rictus de haine. J'observais son visage parfait qui avait quelque chose de familier sans que je ne puisse toutefois en saisir le sens. Elle était d'une splendeur sombre et inhumaine, d'une beauté intolérable et froide. Terrifiante.

Avant que je ne puisse faire quoi que ce soit, je vis une petite sphère vaporeuse, noire et vrillée d'éclairs violets qui se formait dans sa main, prenant rapidement de l'ampleur et qui finit par dépasser la taille d'un crâne humain. Puis dans un geste souple, la créature la lança dans ma direction, la boule émettant un sifflement aigu et puissant, se rapprochant de moi à une vitesse vertigineuse. Je retins un cri de frayeur et me recroquevillai sur moi-même, fermant les yeux.

Quelques secondes passèrent dans le silence le plus total où je restais accroupie au sol, tremblante, le souffle court, la peur me glaçant, des gémissements incontrôlés franchissant mes lèvres serrées. Puis je réalisai que je n'étais pas morte, que le silence se prolongeait et que je ne pouvais plus sentir aucun mouvement autour de moi.

J'ouvris les yeux avec précaution et restai stupéfaite de par ce que je vis.

Les êtres s'étaient figés en des positions étranges, certains se jetant à terre, d'autres courants ou s'envolant. Mais tous fuyaient le point exact où je me trouvais, ce qui me fit réagir. Je me relevai aussitôt, reculant de quelques pas, profitant de l'évènement inexplicable pour fuir à mon tour.

Alors je vis la femme, resplendissante, qui se tenait désormais à ma place. Je compris que c'était en elle que j'avais été jusqu'à maintenant. Je reconnaissais son corps, ses vêtements, ses ailes éthérées et nitescentes... Son visage irradiait, pareil au soleil, d'une beauté et d'une grâce stupéfiante, irréelle. Malgré sa finesse et sa petite taille qui lui donnaient des airs de fée, elle dégageait un charisme et une puissance implacable. Sa détermination, sa confiance et son calme se lisaient sur son visage aux traits parfaits et délicats, et… qui m’étaient familier. Les deux femmes étaient sœurs. Jumelles.

Elle ne fuyait pas, elle. Elle faisait face à la menace avec courage, et je vis le mouvement de ses ailes se rabattant autour d'elle afin de la protéger. La sphère sombre s'écrasa avec grand bruit sur le bouclier de filaments étincelants, tandis que la fée faisait naître à son tour un globe dardé de flammes blanches. Il explosa aux pieds de son adversaire qui fut prise d'un rire démentiel et terrifiant. Les deux créatures se jetèrent l'une sur l'autre et se heurtèrent dans un choc titanesque, soulevant un vent de poussière qui me fouetta le visage, me faisant reculer à nouveau. Leurs ailes s'étirèrent, immenses, tendues autour d'elles telles des toiles protectrices. Elles firent en même temps un pas en arrière puis s'avancèrent à nouveau l'une vers l'autre, leurs mains tendues devant elles, leurs doigts entremêlés, tandis que lumière et ombre s'affrontaient sous leurs paumes jointes. Leurs visages crispés par la souffrance et la concentration reflétaient une détermination égale et sans faille, tandis que je remarquais le silence lourd de tous les êtres m'entourant à bonne distance, observant le duel.

La puissance qui se dégageait de leur lutte, souleva une tornade, élevant autour d'elles terre et roches qui s'arrachaient du sol en des craquements colossaux. Dans un même mouvement, les deux créatures s'élevèrent gracieusement dans les airs d'un battement d’ailes. L'énergie, crépitant autour d'elles en zébrures électriques qui claquaient dans l'atmosphère, produisit une forte odeur d'ozone. Puis, elles émirent toutes deux un hurlement de douleur angoissant, rapidement couvert par le bruit de l'explosion faramineuse de leurs énergies qui détruisirent tout sur leurs passages, projetant à plusieurs mètres tous les êtres vivants se trouvant dans leurs sillages.

L'onde de choc fut terrible. Pourtant, j'eus l'impression étrange qu'elle me traversait sans m'atteindre, car je restais debout, seule, proche du centre du cercle dégagé désormais silencieux. Tremblante, je souhaitai de tout cœur que cela cesse.

Les deux combattantes s'écrasèrent, faisant trembler le sol une dernière fois, les mains encore entrelacées, immobiles et gémissantes, leurs visages reflétant une intense souffrance, leurs poitrines se soulevant difficilement. D'instinct, je me dirigeais vers elles pour les aider. Mes pas mal assurées, ma tête vide, encore sous le choc… Avais-je simplement pris la peine de réfléchir, même une seconde, avant d’agir ?

Je perçus une présence à la limite de mon champ de vision, quelque chose de sombre qui bougeait rapidement, nerveusement, filant droit sur moi. Un homme se rapprocha avec célérité, et étonnamment, ne portait nulle trace du combat qui venait de se dérouler. Tout ce qui m'entourait semblait désormais plongé dans un flou étrange où se fondaient formes et couleurs.

Tout sauf lui.

Il était là pour moi, je le sentais, la peur me prenant aux tripes, puissante à m'en couper le souffle. Je pivotai pour lui faire face, mais il était déjà sur moi. Sa silhouette ténébreuse me dominait. Il était couvert d'une lourde cape dont la capuche profonde cachait son visage. Il n'avait pas d'ailes, ou ne les avaient pas sorties, mais je ne doutais une seconde de son hostilité, tant son aura maléfique s'étendait autour de lui. Je me sentis transpercée par un froid glacial qui gela le sang de mes veines. Puis d'un geste trop rapide pour mes yeux, il m'attrapa à la gorge d'une poigne de fer. Mes pieds décollèrent du sol tandis que l'air me manquait, la terreur pure, envahissante, impitoyable, accélérant le rythme de mon cœur prêt à exploser. J'étais persuadée qu'il allait me tuer, mais mes forces m'avaient quittée, emportées par les torrents de glace qui m'avaient ôté jusqu'au souvenir de la chaleur.

Des taches noires brouillaient ma vision.

Je basculai petit à petit dans les ténèbres.

Alors résonna sa voix, rauque, d'une profondeur abyssale et envoûtante.

« Je vais te trouver, Tara. »

J'ouvris les yeux en hurlant, mon cri ne cessant que lorsque mes poumons furent vidés, reprenant aussitôt mon souffle pour haleter de plus belle. Je me calmai à la vue de ma chambre familière éclairée par les premières lueurs de l'aube, et portai instinctivement la main à mon cou douloureux. Encore un cauchemar...

J'étais couverte de sueur, mon cœur battant à tout rompre, l'esprit embrouillé, les souvenirs de mon rêve sinistre s'estompant peu à peu. La peur diminua au bout d'un long moment et je me calmai enfin, remerciant la vague de bien-être qui balaya promptement toute douleur vécue dans les derniers instants de ce songe horrifique. Je me moquai alors de moi-même, songeant que j'étais bien trop influençable pour lire des histoires fantastiques.

En effet, j'étais obsédée depuis peu par un récit que j'avais découvert à la bibliothèque où je travaillais. Un récit où étaient mentionnées des créatures étranges que les humains avaient nommées « Anges et Démons »...

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Je frémis de désir et sans réfléchir, la soulevai dans mes bras, la portant jusqu’à la chambre à une vitesse surhumaine, impatient, ne songeant qu’à la sensation de pouvoir la sentir contre moi. Je la renversai sur le lit en prenant garde de ne pas la heurter et tentai une dernière fois de me maîtriser. Mais mon regard s’égara sur chaque courbe gracieuse de son corps, essayant vainement de s’en échapper... J’étais hypnotisé par sa beauté, cette brillance magnétique qui irradiait de son âme pulsant d’une passion si forte que je perdis pied, laissant place à l’instinct pur.

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D’un pas rapide, il se dirigea directement vers la corbeille où s’entassait du papier froissé. Il en sortit la page déchirée sur laquelle elle avait gratté. Il l’inspecta un instant, contrarié, puis la glissa dans la poche arrière de ces choses en tissu dont se couvrent les humains pour s’isoler du froid. Son exploration continua, méthodique. Je grimpai à côté de lui, sur une table haute. Il ouvrit une sorte de livre plein d’images d’humains souriants. Il observa une lettre et une image déchirée, froissée, pleine de papier collant. Ce truc m’avait, une fois, encombré les pattes pendant plusieurs minutes avant que je ne puisse m’en débarrasser. C’était celle d’un homme et de Tara qui semblaient plus jeunes que maintenant. Il caressa inconsciemment l’image et la replaça dans le livre. Je m’enfuis, effrayée à l’idée de me retrouver à nouveau avec ce papier qui m’avait arraché des poils. Mais je ne lâchai pas mon ami des yeux.

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« Aider les autres. N'importe qui pourrait en faire autant. Il suffisait d'écouter. Mais qui s'occupait de quiconque, autre que lui-même, de nos jours ? Dans ce monde où l'individualisme était de règle, où les gens préféraient écraser les autres pour s'élever dans la société et laisser crever sous les ponts des hommes et des femmes de tous âges, sans même un regard, sans même une once de culpabilité, que pouvait-on espérer ? »

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Varlos regarda l’aube se lever, songeur. Il savait que les Dulac, de puissants Deva, étaient sur les traces de Cara et Julien. Ses sources s’étaient révélées précieuses. L’affaire était délicate, et il savait que ce n’était pas le moment d’attirer l’attention. Il avait donc éloigné ses deux démons. Les pièces étaient enfin en place sur l’échiquier de son plan, après trente années de préparation. Toute cette attente, pour enfin arriver à cet instant. Rien ne devait se mettre en travers de son chemin. Rien ne le pourrait. Tel était son Destin.

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Ce ne fut que plus tard, alors que l’aube allait se lever, que je rejoignis Daegan, perché sur le toit de la maison de Tara, caressant un chat noir à la patte blanche qui ronronnait de plaisir. Je fus étonnée des sentiments émanant de ces deux-là. La chatte avait un effet très apaisant sur mon frère. Ce n’était qu’un animal, même pas un esprit gardien ! Comment pouvait-elle influer sur l’humeur de notre race ? Pourtant, je ne me posai plus de questions lorsque je m’approchai, tout cela me semblant finalement sans importance.

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Je voulus m’approcher de lui. Il avait déjà refermé, la main sur la poignée de la porte, comme pour m’empêcher de le suivre. Je me figeai, abasourdie par la violence de mes sentiments. Ma respiration se bloqua dans ma poitrine, une douleur sourde prenant naissance au niveau de mon cœur, et irradiant, implacable, jusqu’à la moindre parcelle de mon corps. Une sensation atroce et irréelle, comme si elle n’était pas que mienne. Alors, il se retourna, et je vis la douleur dans ses yeux.

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La discussion fut très intéressante, portant notamment sur le fonctionnement de leur société. L’Assemblée, donc composée des Deva et des Asura nommés par les Premières, avait créé un ensemble de lois ayant un seul but : préserver le secret. Cette condition de survie avait donné naissance à toute une série de règles, qu’ils s’occupaient de faire appliquer, par la force si nécessaire, comme me l’expliqua Kallian.

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Ce fut à ce moment-là que le lycan voulut intervenir. Mais le troisième Asura lui fila un gnon qui le cloua au sol, assommé. Pauvre gosse. La colère monta en moi et je me nourris d’elle pour faire face à mes trois adversaires. Ils se jetèrent sur moi avec une synchronisation parfaite, chacun espérant me blesser de son poing ou de son pied. Je parai un coup de genou particulièrement vicieux et le déboîtai d’une torsion de la main. J’adorais jouer avec les articulations. Le cri de douleur du démon fut particulièrement jouissif. Un poing réussi à m’atteindre à la tête, touchant mon arcade sourcilière qui explosa aussitôt. Je ne pris pas garde à la douleur, saisissant aussitôt le bras et le brisant d’un coup sec. Je saisis le dernier Asura par le cou et lui infligeai un coup de tête qui le fit tituber puis tomber lourdement au sol.

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La tristesse dans sa voix me brisa le cœur. Il avait aimé sa femme, et je ressentais sa souffrance, ses siècles de douleur... Je ne comprenais que trop bien la sensation de perte de l’être aimé, l’impression que plus rien n’avait de sens, et on s’accrochait alors à ce que l’on pouvait : Daegan, à sa vengeance, moi..., à mon monde imaginaire. C’était ce que j’avais fait. Je venais juste de m’en rendre compte et j’éprouvai un certain malaise à le réaliser. Je refusais de m’attarder sur cette idée : ce n’était pas le meilleur moment pour une auto-analyse. Je voulais juste profiter de cet instant particulier avec le Deva et décidai donc de changer de sujet.

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