L'amour après l'orage

On l’avait prévenu, ce gamin ne valait rien. Mais il avait commis l’erreur de se reconnaître dans le jeune jockey. Il s’était rappelé combien les choses avaient changé pour lui à partir du moment où Teddy Beaumont lui avait donné sa chance. Mais il y avait une différence entre lui et Sawyer : ce dernier avait la mauvaise habitude de croire que la mansuétude qu’on lui témoignait était un dû.

Danseur s’en sortirait. En fait, s’il n’avait pas été préoccupé par ses pensées pour Elizabeth, il n’aurait pas... Non, il aurait quand même été ivre de rage.

Encore maintenant, le seul fait de penser à la jeune femme lui nouait l’estomac. Déjà, lorsqu’elle n’avait que seize ans, elle avait eu le pouvoir de percer sa carapace durcie par l’expérience d’une vie difficile.

Bien qu’à peine sortie de l’adolescence, elle se distinguait déjà par quelque chose de royal et d’intouchable. Elle avait de la classe, le maintien qu’on ne pouvait ni acheter ni apprendre. Le genre d’allure qui lui tapait sur le système parce qu’elle lui rappelait trop de mauvais souvenirs. Au début, il s’était montré distant avec elle. Puis c’était devenu pour lui un défi de voir combien de sarcasmes elle endurerait avant d’aller se plaindre à son papa. Mais il l’avait sous-estimée, jamais Elizabeth n’avait dit quoi que ce soit à Teddy Beaumont. Il avait voulu la haïr pour cela. Il lui en voulait d’être l’exception à sa théorie selon laquelle les riches étaient les parasites des pauvres. Puis, un soir, il s’était rendu compte qu’il la désirait et ce fut le début de terribles tourments.

Elizabeth venait d’avoir dix-huit ans et Teddy donnait un grand bal en son honneur. Incapable de dormir avec tout ce vacarme, Morgan était allé marcher dans le parc. Il avait entendu des cris indiquant qu’Elizabeth se promenait avec un ami un peu trop entreprenant.

Il avait voulu s’éloigner discrètement, mais le son d’une robe que l’on déchirait lui avait fait voir rouge. En deux secondes, il avait renvoyé le soupirant irrespectueux avec une lèvre fendue et il avait donné à Elizabeth la leçon de morale qu’elle méritait.

— Morgan, s’il vous plaît..., avait-elle chuchoté.

Son visage ruisselant de larmes l’avait fait fondre. Il l’avait prise dans ses bras, oubliant qu’il était torse nu et que la robe de la jeune fille était déchirée. Lorsque Elizabeth avait levé ses yeux bleus, limpides, vers lui, il s’était trouvé à court de mots, incapable de penser à autre chose qu’à la peau satinée qui frémissait contre la sienne.

Après cet épisode, la tension avait grandi entre eux. Sans qu’ils le veuillent, leurs regards s’attiraient, intenses et brûlants, une force magique s’évertuait à les pousser l’un vers l’autre. Un jour, le désir de Morgan l’avait emporté sur sa raison et il avait embrassé la jeune fille. Le soir même, Teddy Beaumont annonçait les fiançailles de sa fille Elizabeth avec Daniel Kirkland. Il avait alors vécu un enfer.