Extraits

Aucun d'eux n'avait confié à ses parents que leur relation n'était plus seulement platonique, qu'ils faisaient l'amour depuis quelque temps déjà. Sans qu'ils en soient conscients pourtant, leurs mères respectives avaient deviné leur doux secret.

Pam avait même abordé le sujet avec Becky un jour, la pressant de prendre des précautions si leur relation devenait plus « sérieuse ». En jeunes gens sensés et responsables, tous deux veillaient à ne pas commettre d'imprudence. Becky n'avait aucune intention de tomber enceinte avant qu'ils soient mariés, et plusieurs années s'écouleraient peut-être avant qu'ils franchissent le cap.

C'étaient des enfants gentils et bien élevés. Mark avait onze ans, Rachel dix et Sandi était âgée de sept ans. Ils formaient une famille aimante et chaleureuse; deux ans après sa disparition tragique, leur père leur manquait encore cruellement. Pendant ces deux années, leur mère s'était entièrement consacrée à leur éducation et à son travail. Elle avait pris dix ans depuis la mort de Mike, son époux. Lorsque ses amis l'incitaient à sortir, à rencontrer d'autres hommes, elle les considérait avec un mélange de dégoût et de stupeur et repoussait violemment cette idée, arguant qu'elle n'avait pas de temps à perdre. Bien sûr, il ne s'agissait pas que de ça, Becky n'était pas dupe. Sa mère n'avait jamais aimé que son père, et la simple idée de fréquenter un autre homme lui répugnait. Eux aussi s'étaient connus et aimés au lycée. .

Becky se glissa à côté de lui et alluma la radio. C'était extraordinaire : ils appréciaient le même genre de musique, les mêmes personnes, la même cuisine. Becky adorait le voir jouer au football tandis que Johnny prenait un plaisir immense à danser avec elle, à lui parler au téléphone pendant des heures, après le travail. La plupart du temps, il s'arrangeait pour passer chez elle avant de rentrer chez lui.

Mais, contrairement à certains de leurs camarades, ils n'avaient pas vécu dans l'angoisse de savoir avec qui ils iraient au bal. Leur idylle leur apportait à la fois de la confiance et un épanouissement affectif incontestable. Grâce à cela, leurs années de lycée s'étaient écoulées plus paisiblement que celles des autres.

A certains égards, ils ressemblaient à un couple déjà marié; tout au fond de leur cœur, ils savaient l'un et l'autre qu'ils deviendraient un jour mari et femme. C'était un des silencieux secrets qu'ils partageaient. Ils étaient tellement proches - ils avaient grandi ensemble - qu'ils se comprenaient souvent sans avoir besoin de se parler.

Le fait qu'il entre à l'université, qu'il côtoie d'autres filles, l'emplissait parfois d'inquiétude, mais son angoisse ne durait jamais longtemps, car elle savait combien il l'aimait. Aux yeux de leurs camarades de classe, ils formaient le couple idéal : toujours ensemble, toujours heureux, riant, discutant, plaisantant. Jamais une querelle ne les opposait. Ils n'étaient pas seulement amoureux, ils étaient aussi les meilleurs amis du monde. De ce fait, Becky comptait moins de camarades qu'elle n'aurait pu en avoir si elle avait été seule. Johnny et elle ne se quittaient pas d'une semelle : ils se rendaient au lycée ensemble et se voyaient aussi souvent que possible le soir, après leurs activités sportives, leurs devoirs et leurs emplois respectifs. Ils étaient si consciencieux dans tout ce qu'ils accomplissaient que leurs parents ne voyaient pas d'inconvénient à ce qu'ils passent autant de temps tous les deux.

Cette tâche s'était vite avérée très prenante. Charlotte venait d'avoir quatorze ans; elle rentrerait au lycée à l'automne prochain. Bobby avait neuf ans et était un enfant à part.

La famille de Becky n'était pas aussi « ordinaire » que celle de Johnny. Ils étaient cinq enfants et leur vie avait basculé deux ans plus tôt, lorsque leur père, maçon, était mort accidentellement sur un chantier de construction. En plus de sa douleur, la famille avait dû faire face à de grosses difficultés financières. Après les cours, Becky travaillait dur, cumulant deux emplois. Tout ce qu'elle ramenait à la maison était bon à prendre. Contrairement à Johnny, la jeune fille n'avait pas obtenu de bourse pour l'université.

Il incarnait tout ce que les jeunes gens de son âge rêvaient d'être. Outre son physique ravageur, Johnny était un jeune homme brillant, foncièrement gentil et bien élevé. Bon élève, il était entouré de nombreux amis et avait trouvé deux emplois à temps partiel, le week-end. Avec trois enfants à charge et des revenus modestes, ses parents ne pouvaient se permettre des dépenses superflues. Johnny aurait aimé se lancer dans une carrière de footballeur professionnel, mais il avait sagement renoncé à son rêve pour s'inscrire à l'université grâce à la bourse qu'il avait obtenue. Il s'apprêtait à commencer des études de comptabilité afin de pouvoir, à terme, épauler son père au sein du petit cabinet que ce dernier avait ouvert, sans grand enthousiasme.

En cette belle journée de juin, le soleil brillait à San Dimas, petite ville de la banlieue de Los Angeles, à des années-lumière du luxe et de l'agitation de Hollywood. La mégapole était suffisamment éloignée pour qu'on ignore son existence et que les enfants vivent leur vie paisible d'enfants, en cette chaude journée d'été. Les grandes vacances s'annonçaient, les élèves de terminale passeraient bientôt leur diplôme de fin de cycle et, comme le voulait la tradition, un grand bal clôturerait l'année scolaire.

- Que va-t-il se passer maintenant? demanda Alice en fixant son fils d'un air interrogateur.