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Eddie ne parvenait pas à comprendre que la cuisine puisse être dans un tel état malgré le peu d’activité qui y régnait. Le lino collait sous les pieds – il avait l’impression de patauger dans une mer de Patafix, chacun de ses pas se faisant accompagner d’un bruit spongieux. La table ronde en plastique était recouverte de vaisselle sale et de pots de toutes sortes, restes du petit-déjeuner, du déjeuner et du goûter des enfants. Son œil critique remarqua aussitôt la plaquette de beurre ouverte en train de rancir. Il y avait des bocaux de pâtes de fruits, une bouteille de lait qui avait tourné, une autre de ketchup maculée de taches et des assiettes pleines de graisse suggérant que le dîner de Dean avait consisté en des œufs au plat. Ils seraient de nouveau visités par les souris si elle ne faisait pas plus attention. Ils prenaient rarement le repas en famille. Eddie se fichait bien qu’ils mangent ensemble le dimanche – cette habitude de se rassembler autour d’un rôti et de deux pauvres légumes était trop bourgeoise et désuète à ses yeux –, mais il l’aurait apprécié si de temps à autre, elle avait cuisiné des pâtes ou un curry, la gastronomie étrangère n’ayant rien de bourgeois. Il aurait aimé inviter des amis à dîner. Ils auraient pu utiliser leur service à fondue autour d’un bon verre de vin rouge – ils s’étaient acheté une carafe spéciale lors de leur lune de miel hispanique. Où donc était-elle passée, d’ailleurs ? Comment cela se faisait-il que la moindre de leurs casseroles était sortie mais que la carafe était aux abonnés absents ? Diane avait-elle volontairement éliminé tout souvenir de leur lune de miel ? Elle ne remontait qu’à six ans, et pourtant, il avait le sentiment que cela faisait une éternité.
Afficher en entierPersonne ne viendrait coller des gosses au tableau. Et s’il y en avait, ils devaient être squelettiques et capricieux, comme n’importe quel enfant. Ils devaient porter des costumes amusants à longueur de temps et arborer de longs cheveux blonds rendant leur sexe indéfinissable, comme les petits Scandinaves ou les petits Américains. Dean, lui, faisait davantage penser à Billy Bunter[1]. Eddie mettait la faute sur les tonnes de riz au lait, de glaces et de pancakes dont Diane le gavait. Et il savait pourquoi elle agissait ainsi : les enfants ne pleuraient pas la bouche pleine. Feignasse.
Sa mère l’avait pourtant prévenu que Diane ne remplirait pas son rôle d’épouse. Qu’elle ne savait pas cuisiner, coudre ou encore prendre soin de la maison. Il avait conscience de tout cela, et c’était justement ce qui lui avait plu. Il pensait qu’elle était comme lui. Téméraire et cynique. Égoïste. Que des traits de caractère qui l’avaient attiré. Aujourd’hui, il n’en voyait que les mauvais côtés.
Afficher en entierEddie se força à regarder Zoe. C’était un gros bébé. Les mamies qui s’extasiaient au-dessus de son berceau juraient que c’était un joli bébé, un bébé « comme il faut ». Mais ces femmes avaient été mères durant la guerre et aimaient les gros bébés. Eddie, lui, n’aimait pas particulièrement l’apparence de sa fille. Il aurait préféré qu’elle soit moins… joufflue. Cette enfant semblait étriquée dans ses couches et ses robes, aucun chapeau ne tenait sur sa tête, et enfiler correctement ses collants sur ses cuisses potelées tenait du miracle. Son front se confondait avec son nez et elle n’avait pas de cou. Dean était pareil. Eddie s’était dit qu’il mincirait une fois qu’il tiendrait sur ses jambes, mais ça n’avait pas été le cas. Malgré ses cinq ans, il s’habillait déjà en huit ans. Le bas de ses pantalons était toujours maculé de boue, Diane étant trop paresseuse pour lui faire des ourlets. Paresseuse ou incapable, d’ailleurs.
Afficher en entierDebout devant la porte de sa maison de Clapham, Eddie inspira profondément, profitant une dernière fois de cette nuit glaciale et espérant se défaire des odeurs de débauche, que Diane avait visiblement décidé de rayer de sa vie. Ses vêtements sentaient la cigarette et son haleine le whisky et la bière ; il lui faudrait prendre une douche pour se débarrasser de ce parfum de femme. Il remarqua alors que leurs voisins retiraient à leur tour les carreaux noirs et blancs victoriens qui décoraient les marches du perron. Eddie les avait enlevés dès qu’ils avaient hérité de la maison. Ils avaient également remplacé la vieille salle de bains par un ensemble vert avocat contemporain et installé le chauffage central, décidés à se débarrasser pour de bon de la corvée de feu de bois. Il s’était senti libéré d’un poids, à cette époque. Adieu les vieilleries ! C’était ça, le progrès : aller de l’avant sans regarder en arrière. Ça n’avait jamais été son genre, de toute manière. Et ça ne le serait jamais.
Afficher en entierJe commence toujours par le sexe.
Cela peut sonner arrogant, mais je ne pense pas risquer grand-chose en affirmant que je suis une valeur sûre, au lit (beaucoup d’hommes m’ont couverte d’éloges à ce sujet – enfin, par éloges, vous voyez ce que je veux dire…). Et la gent masculine aime le sexe, alors pourquoi ne pas commencer par là ? Le souci, c’est que je ne semble pas vouloir comprendre que les relations qui débutent par le sexe en restent en général au même stade.
Afficher en entier« C’est une fille comme toi que je devrais épouser. »
Les hommes ne déclarent pas ce genre de choses à la légère. Il devait forcément le penser. Et le sexe était incroyable… Je n’ai jamais vécu quelque chose d’aussi fort. Le simple fait d’y songer me titille l’entrejambe. C’était tellement… J’essaie de trouver le terme exact pour définir le marathon sexuel auquel nous nous sommes adonnés. Ma tête en tourne encore. Comment dire… C’était tellement… puissant.
Afficher en entierLe mariage a la même importance aujourd’hui qu’il avait à l’époque où les femmes passaient leur temps à broder, portaient des charlottes et ne parlaient jamais de leurs règles.
Afficher en entierMains froides, cœur chaud.
Afficher en entierChampagne à volonté, pas besoin d’attendre des plombes que le chariot des boissons apparaisse… Vous pouvez être sûr que peu importe ma place, je suis toujours la dernière à être servie, c’est incroyable ! C’est une véritable torture, d’entendre tous ces bruits de bouteilles et de ne rien pouvoir faire d’autre qu’attendre son tour…
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