L'empreinte du désir

** Extrait offert par Heidi Rice **

2.

Xanthe Carmichael.

Dane Redmond venait d’encaisser un sacré coup à l’estomac. Et il avait dû produire un effort inouï pour ne pas le montrer.

Cette fille avait jadis hanté ses rêves les plus fous avant de devenir la protagoniste de ses cauchemars. Et voilà qu’après l’avoir rejeté comme un malpropre elle avait l’audace de faire irruption dans son bureau, dans cette entreprise qu’il avait lui-même créée, pour s’immiscer de nouveau dans sa vie !

Elle avait changé. Sanglée dans un tailleur chic, juchée sur de coûteux escarpins, elle ressemblait pourtant encore assez à la gamine qu’il avait connue pour qu’il soit contraint de mettre sa libido en veilleuse, au prix d’un immense effort.

Toujours le même teint de lis et de rose et ces taches de rousseur sur le nez qu’elle s’efforçait maintenant de dissimuler sous son maquillage. Et sa masse de cheveux d’un roux flamboyant qu’elle avait coiffés en chignon, en dépit des mèches qui lui tombaient dans le cou, attirant irrésistiblement le regard vers son décolleté.

Avec ses joues empourprées et ses yeux étincelants, on aurait dit une reine des fées qui venait d’avaler un cafard. Mais malgré ce corps splendide, elle était plus nocive que les sirènes qui entraînent les hommes à leur perte et aussi fiable qu’un serpent de mer.

Il serra les poings sous le bureau pour se retenir de la plaquer sur son genou pour lui flanquer la fessée jusqu’à ce qu’elle ait le derrière aussi rouge que ses cheveux. Ou de la jeter sur son épaule pour l’emmener dans un lieu sombre et tranquille, lui arracher ce damné tailleur et retrouver la fille sensuelle qui le suppliait jadis de la satisfaire.

Chacun de ces deux désirs était aussi importun que l’autre, puisque désormais, pour lui, elle ne signifiait plus rien. Absolument rien. Dix ans plus tôt, il s’était retrouvé allongé sur la route devant la résidence de son père à Martha’s Vineyard avec trois côtes cassées, débordant de colère et d’humiliation. Il s’était alors juré que jamais plus une femme ne ferait de lui son jouet.

— Si je suis ici, c’est parce que nous avons un problème…

Elle hésitait, la bouche un peu tremblante.

— Un problème que je suis venue résoudre.

— Je ne vois pas comment nous pourrions avoir un problème, dit-il sur un ton d’une trompeuse douceur. Alors que ça fait dix ans que nous ne nous sommes pas vus et que j’espérais bien ne jamais te revoir.

Elle se raidit et la rougeur de ses joues s’étendit à son cou, jusqu’à la limite de son décolleté.

— Moi aussi, je l’espérais, répondit-elle sur un ton courroucé qui le surprit.

Il enfouit ses poings dans les poches de son pantalon pour éviter de se laisser déborder par sa propre colère. Où avait-elle donc la tête pour se permettre de lui parler de cette façon ? Si leur mariage éphémère avait fait une victime, c’était lui. Elle avait exhibé ses charmes devant lui jusqu’à ce qu’il perde la tête et la suive comme un chien durant tout un été, avant de le harponner en lui promettant de l’aimer, de l’honorer et de lui obéir. Et puis, à la première difficulté, elle s’était réfugiée dans les bras de papa. Il s’était montré assez stupide pour la croire, et voilà qu’aujourd’hui elle avait le toupet de se présenter chez lui sous un nom d’emprunt et de s’attendre à ce qu’il se montre poli et reconnaissant !

Quel que soit son problème, il ne deviendrait pas le sien. Mais il allait la laisser faire son petit numéro avant de la renvoyer et de la chasser définitivement de sa vie. Et cette fois, pour de bon.