L'esprit au bout des doigts

Quand on ne parle pas la même langue, on discute beaucoup quand même, et puis on gesticule et, pour souligner ce qu’on dit, les attouchements sont fréquents. Moi, j’aimais effleurer la peau du plus jeune, le « mien », Diégo, le seul dont j’ai demandé le nom, et je m’arrangeais pour rester toujours dans son aura. Un autre orpailleur, plus petit mais tout aussi bienveillant, restait dans ses parages, et puis il y en avait un troisième qui retenait aussi mon attention, c’était le chasseur de leur groupe, dynamique, la chevelure plus longue qui bouclait librement, et une musculature sèche qu’il exposait sous un gilet noir. Bref, j’étais toujours au milieu d’eux, ravi, et Ludo ou son cousin se relayaient pour me pousser dans leurs bras.

On buvait beaucoup. C’était la fête. Diégo enquillait les ti’ponchs. Le cousin, qui partage mon goût pour le whisky, veillait à ce que je ne sois pas en manque. J’en étais libéré. Mes amis me regardaient avec un aimable sourire. Ça se voyait donc ?

Avec la nuit, Diégo a renfilé son T-shirt. Son chef est allé se laver à la rivière et est reparu habillé : chemise, chaussures et pantalon, net, fier. Ludo a attisé son feu. C’était superbe. J’avais l’impression d’avoir le don des langues car nous n’arrêtions pas de parler. Et les difficultés que cela créait nous tenaient plus encore chacun dans le regard de l’autre, avec tous les gestes de connivence qui me faisaient bander sous mon short. Une activité à plein temps.