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Extrait ajouté par x-Key 2011-10-21T14:50:33+02:00

3.LILY

Toccoa, quelques jours plus tard

Que peut-on bien dire à une jeune femme qui pense être amoureuse quand on estime qu'elle est sur le point de commettre la plus grosse bêtise de sa vie ? Lily méditait sur ce thème tout en attendant sa petite-fille.

Confortablement installée dans un fauteuil, la vieille dame admirait les montagnes de Blue Ridge depuis la véranda de sa maison tout en buvant son soda du matin. Un Coca-Cola dans une bouteille traditionnelle, sur laquelle on pouvait lire en petits caractères la mention Hecho en Mexico. Depuis juillet 1988, époque à laquelle les firmes d'embouteillage géorgiennes avaient commencé à recourir au sirop de maïs, Lily prenait tous les mois sa voiture pour se rendre à Gainesville, où elle achetait - dans une boutique tenue par des Hispaniques - une réserve de Coca mis en bouteille au Mexique, où l'on utilisait encore le sucre de canne.

Lily appréciait de vivre seule. Son mari lui manquait, bien sûr. Mais depuis son décès, quatre ans plus tôt, les jours s'écoulaient en toute sérénité. Elle expliquait cela par les vastes plages de loisir dont elle disposait à présent. Mais elle savait, au fond d'elle-même, qu'il y avait autre chose. C'était comme si les coutures de sa vie s'étaient très légèrement distendues.

À quatre-vingt-deux ans, Lily ressentait parfois la solitude dans sa grande maison. Mais c'était un sentiment d'une exquise douceur teintée d'amertume, qui, au fond, ne la troublait guère. Pour dire les choses simplement, Lily était en paix avec elle-même.

Bâtie en 1901 sur une colline au nord d'Atlanta, sa maison, de style néoclassique, servait à l'origine de « résidence d'été » à des nantis cherchant à fuir l'atmosphère étouffante de la capitale de la Géorgie. En juillet, durant la journée, ils sirotaient leur thé glacé à la pêche dans des rocking-chairs blancs à haut dossier, profitant depuis la galerie extérieure des douces brises venues des Appalaches. Le soir, ils se rabattaient sur le gin tonic tout en admirant les milliers d'étoiles qui illuminaient le ciel de Toccoa. Depuis ce temps, à la fois tout et peu de chose avaient changé. Le monde était différent, certes, mais les étoiles étaient les mêmes, tout comme les désirs des hommes sur terre.

Lily regarda une grosse voiture gravir la colline et se garer devant chez elle. Colleen sortit en s'étirant de la berline flambant neuve, que Lily jugeait beaucoup trop grosse et prétentieuse pour sa petite-fille. Mais, apparemment, les véhicules de ce genre faisaient partie des avantages, très enviés, des cadres commerciaux travaillant pour un grand laboratoire de produits pharmaceutiques.

— Grand-mère, le kudzu va bientôt arriver jusqu'à ta galerie ! lança la jeune femme en gravissant deux à deux les marches qui menaient à la maison.

— Pas de problème, Lily, je l'ai taillé cette semaine.

Venant du bois tout proche, juste derrière la maison, les tiges du parasite avaient été coupées avant d'atteindre la pelouse.

Colleen ramassa le journal posé sur une des marches et reprit :

— Pourquoi ne demandes-tu pas au jardinier de t'en débarrasser une fois pour toutes ? Un matin, tu vas te réveiller et tu ne pourras plus franchir la porte.

— Laisse donc mon kudzu tranquille. Nous avons conclu un pacte, lui et moi.

La vieille dame prit sa petite-fille par les épaules et la serra dans ses bras avant de l'éloigner pour l'observer.

— Alors, demanda-t-elle, ta vie est toujours un enfer ?

— Plus que jamais. En fait, je ne vais pas pouvoir rester longtemps. L'un des associés de Drew a retenu une table ce soir au Grand Hyatt, pour une de ces ventes de charité, tu sais, avec smoking et robe du soir obligatoires.

Lily remarqua que sa petite-fille ne faisait pas beaucoup d'efforts pour cacher son manque d'enthousiasme. Un tourbillon de pensées lui traversa l'esprit, mais elle se contenta de sourire.

— Tu es prête à la voir ? dit-elle.

Colleen inspira profondément et fit oui de la tête.

Plus tôt dans la journée, Lily avait fait la cuisine, et une odeur merveilleuse flottait dans la maison : un risotto aux légumes d'été, estima Colleen. Sa grand-mère était un cordon-bleu, et Colleen veillait toujours à ne pas trop se remplir l'estomac avant de lui rendre visite, sachant qu'elle lui servirait un plat simple mais sublime.

La jeune femme aimait autant l'intérieur de la maison que la galerie extérieure qui en faisait le tour. Ses lambris en bois massif, ses lourdes portes en chêne, ses planchers en noyer verni, ses superbes plafonds en acajou mouluré, son escalier spectaculaire, de chêne lui aussi, menant à l'étage, et ses cheminées monumentales en hêtre roux lui donnaient l'impression d'être en symbiose avec la nature, même si tout ce bois avait été travaillé par l'homme. Des maisons comme celle-là, on n'en faisait plus. Son lien si fort avec l'Histoire de même que la sérénité de sa grand-mère et l'atmosphère calme de la petite ville de Toccoa apaisaient la jeune femme et l'invitaient à réfléchir sur sa vie.

Lily disposa une longue boîte rectangulaire sur le tapis en laine, au milieu de la salle de séjour. Cutter à la main, elle s'accroupit lentement tandis que Colleen, assise sur une chaise, parcourait la pièce du regard, songeant à tout ce qu'elle avait entendu sur le contenu de cette boîte au cours des années.

Outre des photographies encadrées témoignant d'une vie bien remplie, le salon était rempli d'œuvres d'art. Depuis toute petite, Colleen y était entrée des centaines de fois, mais elle ne cessait pas d'être fascinée par les innombrables merveilles rassemblées par Lily au fil des ans. Rien à voir avec les tableaux de prix, mais sans âme, que les riches collectionneurs exposaient chez eux comme autant de preuves de leur flair et de leur appartenance à un monde où la fortune était depuis longtemps un fait acquis. Non, la maison de Lily était pleine de pièces d'art populaire : visions religieuses, à la fois puissantes et sensibles, peintes par un ecclésiastique voisin, sculptures en bois dues à un artisan local, tout comme les poteries, aussi belles qu'originales, qui décoraient le salon. Ces modestes artistes ruraux, tous autodidactes, avec qui Lily s'était liée d'amitié avaient longtemps été ignorés des riches mécènes prétendument spécialistes en art. Mais, aujourd'hui, certaines de leurs œuvres valaient presque autant que les Picasso qui faisaient l'orgueil des luxueuses demeures d'Atlanta. Pourtant Lily se moquait bien de leur valeur marchande. Pour elle, chacune évoquait un souvenir cher à son cœur, et qu'elle était toujours prête à partager.

Chaque œuvre, sauf une, peut-être la plus belle de toutes et la préférée de Colleen. Une mosaïque faite de débris de verre aux couleurs vives dépeignant un feu d'artifice, plus précisément des fusées bleues explosant dans un ciel étoilé. Elle était exposée dans le salon, bien en évidence, mais Lily n'en parlait guère.

La vieille dame incisa le carton épais sur toute sa longueur. Avec l'assurance et la précision d'un chirurgien, elle glissa ses doigts ridés dans l'ouverture qu'elle venait de pratiquer, et ouvrit en grand la boîte.

— Comme c'est beau ! souffla Colleen.

La boîte contenait une robe de mariée en satin, soigneusement protégée par du papier de soie. Colleen s'agenouilla à son tour et caressa la dentelle de soie crème et les perles qui ornaient le corsage. Puis elle la sortit du carton et se releva pour mieux l'admirer, la tenant à bout de bras. Le tissu fragile jaillissait de la boîte comme une brume légère montant d'un ruisseau à l'aube naissante.

Colleen demeura un long moment immobile, tendant la robe devant elle, en proie à un léger malaise. Pour splendide que fût cette robe, il en émanait quelque chose de fantomatique, de spectral.

Son trouble n'avait pas échappé à Lily.

— Si tu ne l'aimes pas, je ne t'en voudrai nullement, dit-elle.

— Non, non, elle est magnifique. C'est juste que... tout me paraît si réel soudain. Je vais me marier, tu comprends. Je vais vraiment le faire.

— En effet, ma chérie. Tu vas vraiment te marier... À moins, évidemment, que tu ne le souhaites pas.

— Mais si, c'est que je souhaite, bien sûr. Ça me rend juste un peu nerveuse, voilà tout. C'est normal, non ?

La question n'appelant pas de réponse, Lily se contenta de fixer sa petite-fille d'un regard dépourvu de douceur, dans un silence lourd de non-dits.

— Drew est parfait, grand-mère. Parfait.

Parfait... Peut-être le pire défaut pour un futur mari. Pour Lily, il s'agissait là d'une évidence. Car en matière de mariage, la perfection n'existait pas. Seules existaient un certain nombre de qualités qui, même lorsqu'on les trouvait réunies chez un homme, perdaient toute signification face aux épreuves du quotidien. Non, le secret d'une union réussie ne résidait pas dans les réponses à un questionnaire prénuptial. Mais tout cela n'était pas commode à expliquer, en particulier à quelqu'un qui ne demandait pas d'explication.

— La décisiont t'appartient, ma chérie. Rien ne t'empêche de l'essayer. Si besoin, on la fera retoucher. Sinon je pourrai toujours la remballer et la ranger dans son placard. Quelle que soit ta décision, ce serai la bonne, mais elle t'appartient, à toi et à personne d'autre.

Laissant sa petite-fille réfléchir, Lily ramassa le carton et se dirigea vers la cuisine. En chemin, elle prit le journal que Colleen avait ramassé sur les marches.

Dans la cuisine, elle posa la boîte près de la porte de service avec le journal par-dessus. Elle allait se détourner quand un titre accrocha son regard. S'emparait du Toccoa Record encore plié, elle commença à parcourir l'article, puis elle ouvrit le quotidien sur la table et se pencha en avant, lisant avec une attention croissante. Quand elle releva la tête, son regard était vide, comme si elle se trouvait ailleurs, et il lui sembla que ses jambes allaient se dérober sous elle.

— Grand-mère ?

Colleen entra au moment précis où Lily se laissait tomber sur une chaise, visiblement bouleversée. Inquiète, la jeune femme s'approcha de la table et lut le titre de l'article en première page : « Un musée expose ses nouvelles acquisitions. »

— Grand-mère, que se passe-t-il ? questionna-t-elle.

— Ceci m'appartient, souffla Lily en montrant la photo qui illustrait l'article.

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Extrait ajouté par x-Key 2011-10-21T14:50:33+02:00

2.UNE MAISON PARFAITE

Buckhead, quartier d'Atlanta, six mois plus tard

— Si tu veux mon avis, on devrait mettre en route cette grossesse sans plus attendre, dit Drew Candler en quittant Peachtree Road pour s'engager dans une voie bordée d'arbres.

— « On » ?

Colleen se tourna sur le siège passager en cuir clair et leva un sourcil amusé.

— C'est que j'ai bien l'intention de jouer un rôle dans cette affaire ! reprit Drew.

— Ah bon, et pour ça, toi, tu serais prêt à avaler une boule de bowling ?

— Je te masserai le dos.

— Et les couches, tu envisages de les changer ?

- Chaque fois que tu m'en donneras l'occasion.

— Et les biberons la nuit ?

— Je ne raterai ça pour rien au monde.

— Et quand tu seras de garde ?

— Les nounous, ça existe.

Colleen ne put s'empêcher d'éclater de rire. Décidément, il avait réponse à tout.

— Tu comprends maintenant pourquoi les maris de mes copines te détestent ?

— Parce que je suis adorable ?

— Tu places la barre trop haut pour ces pauvres types.

— Je vais me faire massacrer, dit Drew, feignant d'être terrifié. Ils vont m'inviter à boire une bière et me passer à tabac. Je le vois venir gros comme une maison.

Drew arrêta la berline devant le portail d'un élégant lotissement neuf, tapa le code d'accès et fit entrer la voiture dès que les battants s'ouvrirent.

— Pourtant, je leur ai dit que tu adorais passer tes dimanches avachi dans un fauteuil à regarder le foot à la télé en grignotant des nachos, mais ça n'a pas eu l'air de les amadouer.

— Mais je peux encore faire mieux. Si, si, je t'assure.

— Je n'en doute pas une seconde. Je sais bien que, quand tu as décidé quelque chose, rien ne peut t'arrêter. C'est d'ailleurs une des qualités que j'aime en toi. Mais l'histoire du foot et des nachos, ça me plaît assez.

Il eut un large sourire et se tourna vers la jeune femme, l'enveloppant du regard comme le jour où il avait pour la première fois posé les yeux sur elle. Elle est si belle, songea-t-il une fois de plus. Ses cheveux noirs étaient tirés en queue-de cheval, ce qui mettait en valeur ses beaux yeux sombres.

Ils s'arrêtèrent devant une maison, un peu trop vaste pour le terrain sur lequel elle avait été construite, mais néanmoins superbe. L'hectare sur lequel s'élevait autrefois un ranch avait été partagé en neuf lots. Des centaines d'azalées, de cornouillers et de rosiers en pot, plantes caractéristiques des lotissements de standing du nord d'Atlanta, étaient alignés le long du trottoir, prêts à être plantés dans les jardins.

— Qu'est-ce que tu en dis ?

— Waouh !

Colleen regardait fixement la maison, incapable de prononcer un mot.

— Oui, c'est ce que je pense aussi. Allez, viens.

Drew sortit de la luxueuse berline, récemment achetée en leasing, et en fit le tour pour ouvrir la portière côté passager. Avec un sourire enfantin qui contrastait avec sa haute taille, il prit Colleen par le bras et la conduisit le long de l'allée menant à la porte d'entrée. Sitôt franchi le seuil leur parvint une odeur entêtante de peinture fraîche et de sciure de bois.

— Cinq chambres à l'étage, commenta-t-il. Une en sous-sol. La nôtre donnera sur l'arrière, par là. Ah oui, et en face de la cuisine, il y a ce qu'ils appellent un « family studio ».

Colleen passa la tête à l'intérieur de celui-ci et découvrit une grande pièce équipée d'un branchement pour lave-linge, d'une table avec organiseur de bureau et dock pour téléphone portable, et de trois penderies encastrées taille enfant avec des cintres intégrés.

— Il reste de la place pour ajouter au moins une penderie, remarqua Drew, rayonnant. Au cas où la famille s'agrandirait encore...

Colleen visita chaque pièce. On aurait dit que Drew avait regroupé toutes les idées qu'elle avait pu émettre ainsi que tout le contenu des magazines de décoration et d'ameublement qu'elle consultait depuis peu pour aboutir à cette maison. Pour décrire celle-ci, ses amies auraient employé le même adjectif que lorsqu'elles évoquaient Drew : idéale.

Mais se retrouver au milieu de tout cela, songer aux enfants à naître, c'était faire face à l'avenir, le distinguer clairement, en toute connaissance de cause. Plus question de rêver éveillée, dans les brumes du petit matin, à ce qu'allait être la vie. Finis les bavardages exaltés devant un cappuccino ou une margarita. Cette fois, c'était pour de vrai. Ce que Drew prenait pour de l'impatience n'était en fait que de l'appréhension.

Elle ne le connaissait pas depuis très longtemps, mais ce qu'elle savait de lui la satisfaisait. Tous les doutes, toutes les interrogations qu'elle aurait pu avoir quant à l'avenir s'effaçaient devant les certitudes de son fiancé. Leur existence ressemblerait beaucoup à celle de ses associés plus âgés et de leurs épouses. Entre autres qualités, Drew possédait une assurance qui, pour une femme, avait quelque chose d'irrésistible. Mais la simple vision de cette maison amenait Colleen à prendre conscience de la rapidité avec laquelle l'avenir prenait corps, sans qu'elle y ait vraiment réfléchi.

Le BlackBerry de Drew sonna. D'un geste machinal, il le tira de son étui de ceinture et répondit à son interlocuteur. « Oui. Combien de centimètres ? OK, c'est bon, prévenez l'anesthésiste. Je serai là dans une demi-heure. » Il coupa la communication et rangea l'appareil.

— Il faut que j'aille à Northside. Je te déposerai en passant.

— Non, ne t'occupe pas de moi. J'appellerai le bureau et ils enverront quelqu'un me chercher. J'aimerais rester encore un peu ici.

— Tu ne crois pas qu'il serait temps de leur remettre ta démission ?

— On verra ça plus tard.

— Comme tu veux. Mais ça me fait mal de te voir faire un boulot que tu n'aimes pas, et dont tu n'as pas besoin.

Il l'embrassa.

— Quand j'ai découvert cet endroit et que je nous ai imaginés là-dedans, j'ai eu le sentiment que toutes les pièces du puzzle se mettaient en place, dit-il. Et toi, qu'est-ce que tu en penses ?

— Ce que j'en pense ?

— Oui, de la maison. Tu l'aimes ?

— Elle est étonnante.

— Mais ?

— Il n'y a pas de mais.

— Allons, Colleen, c'est à ton futur mari que tu parles. Qu'est-ce qui ne te plaît pas dans cette maison ?

Elle chercha les mots exacts pour décrire les sentiments mêlés qui l'agitaient, avant de se décider à dire simplement la vérité :

— Rien. Absolument rien. Elle est parfaite. C'est une maison parfaite.

— Tant mieux. Parce que j'ai fait une offre hier soir.

Il lui décocha un large sourire et quitta la pièce. Elle entendit le bruit de ses pas décroître rapidement, tandis qu'elle demeurait seule dans l'immense maison déserte.

En le voyant descendre l'allée à grandes enjambées et s'installer au volant de sa voiture toute neuve, Colleen se demanda ce qui ne tournait pas rond chez elle. Elle n'avait jamais eu aucun mal à prendre des décisions. Elle faisait des projets des semaines à l'avance, s'abonnait pour plusieurs années à des magazines. Elle savait faire des choix et s'y tenir.

Il est vrai que, pour cette maison, on ne lui avait guère demandé son avis.

Mais, au fond, était-ce réellement important ?

Relevant la tête, elle embrassa la pièce d'un regard circulaire. D'accord, elle avait le sentiment de contempler une maison modèle sélectionnée pour une photo de magazine. Et alors, où était le problème ? Après tout, qu'y avait-il de mieux que la perfection ?

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Extrait ajouté par x-Key 2011-10-21T14:50:33+02:00

1.DÉCOUVERTE

Toccoa, Géorgie, 2007

Les deux jeunes garçons à VTT suivaient le fond du lac, désormais pratiquement à sec, entre le lotissement de Bartam's Field et le vieux domaine de Holly Hills.

En 1955, le corps des ingénieurs de l'armée américaine avait érigé un barrage sur le fleuve Savannah, donnant ainsi naissance au lac Hartwell et inondant près de trente mille hectares situés pour l'essentiel sur la frontière entre la Géorgie et la Caroline du Sud. On racontait que nombre de propriétaires avaient refusé de céder leurs terres - certains allant même jusqu'à accueillir les équipes de terrassiers le fusil à l'épaule -, mais au bout du compte l'administration avait eu le dernier mot. Les forêts de pins avaient été abattues et les bâtiments en zone inondable avaient été promptement rasés au bulldozer. Au nord-ouest de Toccoa, là où jadis de jolis ruisseaux serpentaient à travers des bois peu fréquentés, des golfs huppés bordaient à présent l'énorme réservoir artificiel.

Les deux jeunes cyclistes ignoraient tout de cette histoire. Pour eux, le lac n'était rien d'autre qu'un terrain de jeux, un endroit où l'on pouvait faire du bateau et du ski nautique, un argument de vente pour les lotissements qui ne cessaient de surgir sur ses rives. Toutefois la sécheresse record qui affectait la Géorgie depuis la mi-2006 rendait les sports nautiques, voire la natation en certains endroits, potentiellement dangereux. Des pieds d'oseille émergeaient çà et là de l'eau. Des rochers boueux apparaissaient au grand jour.

C'est la raison pour laquelle, les jeux d'eau n'étant pas envisageables ce jour-là, les deux garçons, âgés d'une dizaine d'années, roulaient sur le fond vaseux du lac, encore recouvert d'eau quelques mois auparavant. La piste était glissante et cahoteuse, et même si les pneus de leurs VTT étaient spécialement conçus pour cet usage, leur progression était délicate. Le paysage, lunaire, était parsemé de rochers granitiques, de racines en putréfaction et, de loin en loin, de canettes de bière rouillées.

Les jeunes cyclistes s'efforçaient de conserver une vitesse suffisante pour ne pas tomber, quand quelque chose attira leur regard : un éclat métallique ou une lueur renvoyée par un tesson de verre.

Ils s'arrêtèrent en dérapage contrôlé. Y regardant de plus près, ils virent que le soleil se reflétait sur un objet coincé sous un amas de pierres lisses. Les vaguelettes venaient lécher ces gros galets, semblables à ceux que les garçons avaient vus imbriqués dans les cheminées des chalets pseudo-rustiques à plusieurs millions de dollars qui abondaient autour du lac.

Ils mirent pied à terre, laissèrent tomber leurs vélos, puis prirent la direction du tas de pierres et de l'éclat provenant de quelque chose qui, décidément, semblait déplacé en ce lieu. Quelque chose qui avait disparu depuis plus de cinquante ans et qui, sans la sécheresse, serait sans doute resté caché à jamais à la vue des hommes : un chalet et sa cheminée de galets, engloutis sous les eaux depuis l'été de 1955.

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