L'éveil de la Bête, tome 3 : Au nom de l'Empereur

— Colossus, ici le commandement orbital. Je répète, adoptez le cap six-trois-huit, vecteur ascendant quarante et un. Vous allez percuter le Noble Voyager.

— Ignorez-la, » dit le capitaine Rafal Kulik. « Maintenez le cap. »

Kulik était grand et solidement charpenté, avec un visage marqué par les années, même si une vie passée dans le Warp rendait impossible toute estimation de son véritable âge. Sa peau avait la couleur du recaff, comme ses yeux, même si ses cheveux étaient d’un gris argenté ; ses boucles lissées et fendues en une raie grâce à une bonne dose de lotion et d’efforts chaque matin.

Il portait son uniforme de service : des épaulettes et des manchettes de fil doré sur une vareuse bleu marine, mais aucune médaille à part un aquila qui maintenait le badge du Segmentum Solar, indiquant son grade de capitaine de pavillon et commandant de patrouille. Ses bottes noires étaient consciencieusement cirées. Un robuste sabre d’abordage était remisé dans un fourreau à sa taille ; un pistolet laser de service trapu ornait son autre hanche.

Il régnait sur la passerelle une atmosphère calme et tendue, animée par l’humeur de l’homme qui présidait aux destinées de tous ceux qui se trouvaient à bord du cuirassé. Kulik dominait les opérations courantes par sa présence. Il se tenait au beau milieu de la plate-forme de commandement principale dans une bulle sereine d’importance (une autorité naturelle, et non de la suffisance), pendant qu’autour de lui des officiers moins expérimentés attendaient son prochain ordre et que des servitors à moitié humains murmuraient et marmonnaient une litanie de rapports fournis par les systèmes du navire.

La passerelle avait la forme d’un demi-cercle aplati de presque trente mètres de large, avec un plafond voûté de vingt mètres de haut ; une plate-forme de commandement tout en bas et deux galeries d’observation et de navigation semblables à des mezzanines en hauteur. Un système d’affichage multiple, qui pouvait être agencé pour créer toute une série d’écrans et de sous-écrans, dominait la pièce. Pour l’heure, il prenait la forme de deux écrans séparés qui montraient un schéma des nombreux points d’amarrages orbitaux autour de Lepidus Prime, ainsi qu’une liste déroulante des bâtiments principaux actuellement identifiés dans le système. Black Duke, Kingmaker, Emperor’s Fortitude, Vigilanti Eternus, Fortune’s Favour, Saviour of Delphis, Neptune, Argos, Uziel ; une liste de quarante-six vaisseaux qui ne cessait de s’allonger.

Le Colossus était l’un des rares navires de classe Oberon, conçu pour de longues patrouilles en solitaire. Ses ponts abritaient un assortiment de batteries d’armes, de tourelles à rayons-lances à haute intensité et de hangars à chasseurs. Un réseau de capteurs de poursuite et d’appareils de communication dédiés à ces systèmes et à ces équipages de vol était maintenu par trois officiers dans un sous-pont situé juste devant le trône de commandement vide du capitaine ; derrière eux, se trouvait un large dispositif d’affichage secondaire dévolu à la disposition tactique des éléments de vol du cuirassé.