Extraits

Il venait certainement de se fracasser le pied pour rien et il en avait marre... Marre de se conduire en permanence comme un véritable pigeon. Marre de voir les évènements se succéder dans son existence en d'incessantes vagues qu'il ne parvenait toujours pas à anticiper. Il avait l'impression d'avoir traversé ces dernières semaines en totale apnée. Mais une apnée compliquée par une masse inconnue qui pesait sur sa poitrine depuis tout ce temps. Il étouffait. Découvrait une oppression palpable. Crevait de ne rien comprendre à cette tranche de vie. Il était fatigué de ne pas maîtriser l'instant.

- Parle pas de malheur, hé ! J'aimerais bien ne plus avoir à être là quand ta Margot et les autres donzelles de l'immeuble afficheront du sein en gant de toilette et leurs dentiers sur la table de nuit. [...] Et puis maintenant que j'ai rechargé mon calibre, j'aimerais bien pouvoir le tester sur autre chose que du gibier virtuel. Mon intermède pâtissier de l'autre jour m'a suffisamment mis en appétit pour que j'aspire à autre chose qu'à un simple rôle de spectateur.

David était resté d'interminables secondes en suspens à regarder son compagnon d'enfermement. Comment un tel personnage pouvait-il véritablement exister ? S'il ne l'avait eu face à lui, en chair et en os, certainement aurait-il lui-même refusé d'y croire.

À cet instant, Margot Baudor sut que, coupable ou pas, David Huxley courait un grand danger.

Jusqu'à ce jour personne n'était parvenu à exprimer aussi clairement et sans un mot une haine si profonde. En temps normal, pareil condensé d'animosité et de détestation sur un seul visage lui aurait paru tellement invraisemblable qu'il aurait cru à un montage photo. S'il n'avait été assis face au modèle en chair et en os.

Le cœur battant à un rythme qu'il aurait volontiers qualifié de peu raisonnable, David s'appuya d'une main contre le mur. Sans quitter Mélodie des yeux, il pria pour que son cœur ne profite pas de sa stupeur pour s'échapper par sa gorge et se carapater en bondissant sur les pavés.

- Stop ! fit David le plus calmement du monde. Je descends là !

Le chauffeur ouvrit de grands yeux en pilant sur la petite route de campagne écrasée de chaleur.

- Mais... Y a encore pas loin de dix kilomètres ?

- Tant mieux, j'aurai le temps de m'oxygéner.

- C'est la cigarette ? Faut le dire si c'est la cigarette...

- Non... Je suis pas vacciné contre la connerie. Alors je me méfie...

L'Ombre devait tuer, encore et encore, pour se libérer du poids qui entravait sa poitrine. Les larmes dans ses yeux ne devaient rien à la haine. Elles étaient autant la marque de sa détresse que le reflet de sa vengeance. Il fallait qu'elle retrouve la paix... Qu'elle retrouve enfin le goût de vivre ou de mourir. Tel était l'enjeu. Mais elle détestait par-dessus tout ce qu'elle allait encore être obligée de faire pour y parvenir...

David Huxley se sentit définitivement abattu. Les cons avaient pris possession de la planète.