Extrait

Le Nurthien proféra un peu du charabia habituel avant de mourir. Il pointa un doigt couvert de poussière vers ses ennemis et cracha ses imprécations sur leurs familles et leurs descendants, en souhaitant des destins particulièrement misérables à leurs enfants qui se trouvaient loin de là. Un soldat apprend à ignorer les insultes, mais la manière qu’avait le Nurthien de jurer eut quelque chose qui fit pâlir Soneka.

L’homme gisait là où le souffle l’avait projeté, le dos contre la pente de sable rouge ; ses robes de soie rose se raidissaient aux endroits où son sang séchait rapidement sous le soleil de la fin d’après-midi. Son plastron d’argent, gravé de joncs stylisés et d’un entrelacs de crocodiliens, clignait comme un miroir. La position inerte de ses jambes suggérait que sa colonne vertébrale ne se connectait plus comme elle l’aurait dû.

Soneka remonta à pas lents le lit du wadi à sec pour venir se pencher sur lui. Un ciel terriblement bleu et sombre était posé sur l’horizon écarlate. Le soleil déclinant soulignait d’orange vif les arêtes des rochers.

Soneka portait des lunettes anti-éblouissement et les retira par courtoisie pour que le Nurthien pût voir ses yeux. Il s’agenouilla. La petite boîte en or qui lui pendait autour du cou oscilla comme un pendule.

— C’est bon, tu nous as assez injuriés, d’accord ? dit-il.

La troupe se tenait autour de lui sur la pente, à observer, les armes à la main. Le vent du désert agitait leurs manteaux brodés. Lon, l’un des bashas de Soneka, avait déjà brisé le falx du Nurthien avec son nitliq et jeté le manche de l’arme par-delà le rebord du wadi. Soneka sentait encore des traces du spray flotter dans l’air chaud.

— C’est terminé, dit-il à son ennemi. Tu veux bien me parler ?