Extraits

C'était le premier envol de Mydria, un envol qui serait suivi beaucoup d'autres. Pendant des années, elle en explorerait peu à peu toutes les particularités. La force du vent. Les légers tangages, les piqués vers le sol, les remontées fulgurantes. Tout, petit à petit, lui deviendrait plus limpide, plus maîtrisable.

Une demi-seconde plus tard, Orest attaquait. Terrorisée, My vit la large lame se ruer dans sa direction, et eut une réaction tout à fait stupide : au lieu de lever sa rapière pour se défendre, elle ne pensa qu'à la laisser choir pour s'enfuir à toutes jambes, poursuivie par son professeur. Les moulinets de l'épée de guerre faisaient dans le soir de grands cercles blancs tournoyant à toute vitesse. En cet instant, elle croyait, fermement, la mort toute proche...

Elle ne sut pas combien de temps elle courut exactement ; mais quand elle atteignit enfin la grille, un redoutable point de côté lui sciait les côtes. Qu’importait, après tout ! La fuite, la vraie, était enfin possible.

La grille était fermée. My faisait cependant partie des personnes dont la présence d’esprit fonctionnait à l’envers : laissant tout son argent derrière elle, elle avait songé à prendre les clés. Elle verrouilla soigneusement derrière elle. Puis elle fit volte-face, affrontant l’inconnu.

Elles avaient laissé le livre dans la salle.

Mydria retourna le chercher, savourant un moment la solitude qui y régnait. Cette pièce, dans laquelle elle se rendait peu souvent, était la salle de bal principale du castel, et elle ne l’avait vue jusqu’alors que remplie d’un monde papillonnant et multicolore, dans la musique, les rires et les odeurs de buffets. La simplicité des teintes la lui fit redécouvrir sous un autre jour. Un peu hors du temps. Un peu mélancolique.

Spoiler(cliquez pour révéler)"Le souffle d'or est se nicha dans son cou. Plus intime, plus profond. Dans un bruissement ténu, elle sentit la soie glisser lentement de ses épaules et, s'enfoncant dans les ombres, l'azur de sa robe s'éteignit petit à petit.

- Au moins, tentez de retourner dans les quartiers qui vous conviendraient mieux. Vous ne venez pas des faubourgs, je pense. Plutôt côté riche, non ?

- Je préfère rester dans les faubourgs.

Elle voulut ajouter quelque chose, mais porta de nouveau la chope à ses lèvres pour y boire, plusieurs secondes. Elle reprit d'un ton raffermi :

- Comprenez-vous, dans d'autres quartiers... je suis recherchée.

Et, de manière innatendue, elle éclata en sanglots.

- Je ne peux pas bouger d'ici, je me suis perdue l'autre jour, et même si je change de quartier, on va me reconnaître ! Je suis allée au palais, on m'a sûrement identifiée, et pas de possibilité de ressortir de Liett non plus. Si je ressors, ça va être l'enfer ! Si je retourne chez moi, encore pire !

Sa voix leur parvenait à travers un double rideau de cheveux et de doigts plaqués sur le visage. Orest, cependant, avait saisi l'essentiel. Elle était seule, elle ne tenait pas du tout l'alcool, et, mieux : croyant épingler une petite noble, il se retrouvait avec une demoiselle qui avait accès au palais royal.

- Calmez-vous, dit-il en lui tapotant la main avec délicatesse. Nous allons vous aider.

- Mais que peut-on faire ? Que peut-on ? C'est l'impasse !

- Ne désespérez pas d'avance. Commencez par nous dire votre nom, ce sera un premier pas ...

- My.

- Mi ? reprit Orest, légèrement décontenancé.

Elle s'essuya les yeux du coin de la manche.

- Excusez-moi. Mydria Siartt.

Orest émit un sifflement. Pour de la haute, c'était de la haute. Même jusqu'au fond des faubourgs, les grandes familles nobles étaient connues, et les Siartt n'étaient pas les derniers ...

"- Ou va-t-on ?

Son père réfléchit puis répondit, avant de se transformer définitivement :

- Ou voudrais-tu grandir ?"

La journée se passa de façon uniforme : marche prudente, arrêt, détours. En partie parce que Allian n'avait pas vraiment l'air de savoir vers où se diriger. À plusieurs reprises, il les laissa sur place pour s'éloigner, disparaissant pendant plusieurs minutes, avant de revenir en affichant toujours le même air affairé accompagné du catégorique « C'est par là ».

- En es-tu bien sûr ? finit par grincer Krud, après leur quatrième volte-face.

- Si je te le dis !

- Bizarre, j'ai pourtant l'impression que tes itinéraires sont diamétralement opposés les uns par rapport aux autres...

- Krud, il y a des arbres partout et aucun repère. Je ne peux pas marcher dans le bon sens du premier coup.

Orest n'était visible nulle part. C'était bien son genre, la planter là avec deux chevaux et sans la moindre explication ! Par pure bravade, elle fut tentée un instant de se métamorphoser pour partir explorer les lieux de son côté. L'idée qu'Orest allait la tuer s'il l'apprenait, et Krud avec, la calma quelque peu.