Extraits

« — Quel était votre plan, monsieur Andrews ? Pensiez-vous pouvoir débarquer ici au moment où cela vous convient et me charmer avec votre sourire ?

En fait, oui, songea-t-il, c’était tout à fait cela. Mais il se contenta d’un haussement d’épaules.

Taylor sauta sur l’occasion.

— Je regrette, monsieur Andrews, mais votre réponse doit être audible pour le greffier. Ai-je bien compris ? C’était un « oui » ?

— Oui, mademoiselle Donovan, grommela-t-il enfin. C’était plus ou moins l’idée. Vous amadouer d’un sourire.

Comment ce plan se déroule-t-il, monsieur Andrews ?

Il plongea son regard dans le sien.

— Pas comme prévu.

Taylor eut un sourire satisfait.

— Très bien. Je n’ai pas d’autres questions. Merci, monsieur Andrews.

Sur ce, elle regagna la table, ramassa ses affaires et la tête haute, sans un regard derrière elle, quitta la salle du tribunal.

La porte se referma sur elle, et Jason se retrouva seul.

Assis comme un imbécile dans le box des témoins ! »

C'est alors que son portable sonna. Elle désigna son sac, posé sur une chaise dans un coin de la pièce.

— Excusez-moi. J'ai oublié de l'éteindre.

Le médecin la dévisagea d'un air ahuri.

— Nous sommes à Los Angeles, Taylor. J'ai vu des femmes accoucher en discutant au téléphone.

— Cet homme que tu tolères vient de nous envoyer chercher en limousine. Qu'en dis-tu ?

Intriguées, Taylor et Kate s'approchèrent.

— Qu'est-ce que tu lui as fait ? s'exclama Kate.

— Bof... comme d'habitude. Je lui ai claqué plusieurs fois la porte sur la figure, je lui ai raccroché au nez, j'ai proféré quelques injures...

— Vous avez fait bon voyage ? Vous avez des bagages en soute ?

— Val, oui, déclara Kate. Elle a prévu quinze tenues pour deux soirées. Et neuf paires de chaussures.

— Ignore-la, conseilla Val. Elle m'en veut parce que j'ai vu Josh Hartnett en première classe et pas elle.

— Ce n'était pas Josh Hartnett. Le môme avait dix-huit ans ! protesta Kate.

— Je te l'ai dit : ici, les gens vieillissent moins vite. C'est l'air pur de la Californie ! riposta Val.

— En effet, Los Angeles est réputée pour son air pur, railla Kate.

— Qu'est-ce que je dis à Jason Andrews s'il arrive ?

Dix réponses totalement inappropriées traversèrent l'esprit de Taylor qui, sans prendre la peine de s'arrêter, lança :

— Dites-lui que j'espère que son film fera un flop.

Taylor opina. Elle était fatiguée. Les déménageurs viendraient à l’appartement aux aurores le lendemain matin, puis elle irait à l’aéroport. Elle avait déjà prévu plusieurs rendez-vous à Chicago dans l’après-midi. En tant que nouvelle partenaire, elle voulait démarrer en flèche.

Pensive, Taylor se tourna vers la fenêtre. Linda mourait d’envie de l’interroger à propos de Jason. Pourvu qu’elle n’en fasse rien ! Elle était déjà assez agitée comme ça. À la maison, chaque fois que le téléphone sonnait, elle se ruait sur l’appareil pour vérifier le numéro entrant, priant pour y lire celui de Jason. Elle avait même parcouru le programme télé des chaînes câblées au cas où « par hasard », l’un de ses films y serait diffusé.

Telle était sa voie, tracée d’avance…

Décidée à chasser de son esprit les mises en garde de Val et toute autre pensée morbide, Taylor se concentra sur ses dossiers. Le lendemain matin, elle devait contre-interroger le témoin clé de l’affaire CECT. Elle voulait être prête. Cette personne, la principale plaignante, l’avait mise mal à l’aise dès le début de la procédure. Elle prétendait avoir souffert d’un traumatisme émotionnel majeur provoqué par le harcèlement dont elle était victime sur son lieu de travail. Si elle réussissait à convaincre les jurés, la CECT exigerait des dommages et intérêts colossaux ainsi que des sanctions.

Elle n'était réveillé que depuis quelques minutes et pourtant, elle avait l'impression qu'elle pourrait rester couchée pour l'éternité. La Casa Andrews proposait-elle un room service ? Elle imagina la scène : "Euh... Bonjour. J'aimerais un Homme-le-plus-sexy-du-monde, s'il vous plaît. La préparation ? Euh... en costume d'Adam, si possible."

En traversant le parking, elle chercha son portable dans le fond de son sac et composa le numéro de son amie. Valérie serait fière d'elle.

— Devine où je suis !s'exclama-t-elle.

Elle ne prit pas la peine de se présenter car Val avait programmé une sonnerie distincte pour chacun de ses amis. Pour Taylor, elle avait choisi le thème de Dark Vador.

— Tu lézardes sur la plage ? Tu fais de l'escalade dans la montagne ? Tu es dans la chambre de Matt Damon ?

Jonglant avec son appareil, Taylor déplia ses lunettes de soleil Chanel et les chaussa. Depuis son arrivée à Los Angeles, le temps était merveilleusement doux et ensoleillé. Quel bonheur alors qu'à Chicago, la température pouvait stagner autour d'une douzaine de degrés et la pluie tomber à verse, même en juin!

— Si j'étais dans la chambre de Matt Damon, je ne m'offrirais pas une pause téléphone, riposta-t-elle.

— Je croyais que ce que tu appréciais chez lui était son intellect.

— L'autre nuit, je suis tombée sur La vengeance dans la peau. Désormais, en plus de ses diplômes de Harvard, j'admire son physique en tee-shirt moulant.

Environ une heure plus tard, rassasiée de minipancakes, Taylor alla s’étendre sur un transat au bord de la piscine. Elle n’y avait guère prêté attention pendant la réception mais, à présent, elle remarqua que celle-ci avait été conçue avec autant de soin que tout le reste. L’ensemble était spectaculaire : avec cette cascade et ces bords courbés flanqués d’une végétation luxuriante et d’une rocaille, on aurait dit une de ces criques dissimulées sur lesquelles on tombe parfois lors d’une balade sur une île tropicale.