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Dès qu’ils furent à portée de voix, Tavis les héla. Puis il arrêta son cheval pour saluer le jeune Murray, comme il se devait. James ne prêta aucune attention à lui et se dirigea directement vers Ciara. Il descendit de cheval d’un bond et prit aussitôt sa main qu’il embrassa avec fougue. Il garda sa main dans la sienne et lui parla à voix basse. Tavis sentit une rage violente l’envahir. Cet imbécile de Murray semblait avoir complètement oublié le monde qui l’entourait. Maudit soit-il !

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Dieu du ciel, à force de ne plus le voir qu’en de rares occasions, elle avait oublié combien il était beau. Et tellement viril ! Sa chevelure brune flottait librement sur ses épaules. Il était si grand et musclé qu’il remplissait tout l’encadrement de la porte. Comme elle aurait aimé se blottir contre cette poitrine solide et sentir ses bras protecteurs se resserrer autour d’elle. Et lorsqu’elle lèverait les yeux vers son visage, elle lirait l’amour et l’adoration dans son regard…

Pour l’heure, cependant, il n’y avait que de la surprise dans ses yeux verts. Tavis s’approcha d’elle, puis regarda dans l’ombre en direction du chemin d’accès. Il était si proche qu’elle sentait la chaleur qui émanait de son corps. Elle ferma les paupières et s’accorda un court moment pour sentir son odeur… Elle devait se ressaisir au lieu de se comporter comme une idiote muette et paralysée !

— Quelque chose ne va pas, Ciara ? Il est tard, tu sais.

Soudain, l’esprit de Ciara ne fut plus que néant. Elle inspira profondément et se lança.

— Je voudrais te parler, Tavis, dit-elle en entrelaçant ses doigts pour masquer le tremblement qui les agitait.

— Il serait préférable de parler demain matin… au village, dit-il en reculant d’un pas, la privant ainsi de son odeur et de sa chaleur. Ciara, tes parents savent-ils que tu te rends seule à l’autre bout du village à la nuit tombée ?

— Je ne suis plus une enfant, Tavis, et je vis ici depuis suffisamment longtemps pour connaître par cœur chaque chemin et chaque habitant de Lairig Dubh.

— Si je comprends bien, tes parents ignorent donc que tu te promènes toute seule en pleine nuit.

Terriblement nerveuse, Ciara ne répondit pas. Il n’allait quand même pas la renvoyer chez elle comme une enfant désobéissante, sans même l’écouter ? Hors de question. Mais il arborait une expression si sévère qu’elle craignit de se faire chasser sans plus de cérémonie.

— Tu ferais mieux d’entrer, tu vas prendre froid, finit-il par proposer.

Il recula, ouvrit la porte et la laissa entrer. Il ferma le loquet de la porte derrière elle et se dirigea vers la cheminée. D’un geste vague, il lui désigna un tabouret.

Non, elle était trop nerveuse pour tenir en place, mieux valait rester debout. Ciara s’approcha du feu qui se consumait lentement. Elle avait réfléchi aux mots qu’elle voulait employer pendant des jours et des jours, seulement maintenant qu’elle se trouvait chez lui, dans la maison qu’il avait partagée avec Saraid, aucun ne lui venait plus à l’esprit et elle restait désespérément silencieuse.

— Ciara ?

Sa voix grave si familière lui redonna du courage et l’obligea à rassembler ses pensées. Elle devait lui dire ce qu’elle avait sur le cœur. Elle avait toujours aimé la franchise de leurs échanges. Aussi entra-t-elle immédiatement dans le vif du sujet.

— Je suis venue te parler… mariage, Tavis.

Les jambes soudain coupées par l’émotion, elle se laissa tomber sur le tabouret qu’il lui avait proposé. Au moins, elle avait fait le premier pas. Quand elle releva les yeux vers lui, le visage de Tavis s’était rembruni.

— De mariage ? Quelqu’un a demandé ta main ? Qui ? Est-ce que Duncan voit cette union d’un bon œil ?

— Non, non, aucune proposition n’est encouragée pour le moment, répondit-elle aussitôt, inquiète de la colère qu’elle sentait bouillir chez lui. Encore que, vu ma dot et mon âge, ce n’est plus qu’une question de temps.

— Est-ce que tu redoutes le mariage alors ? demanda-t-il d’une voix plus calme. Parles-en à Marian, elle te dira les choses franchement.

Ciara ferma les yeux un instant, pria pour trouver le courage d’aller jusqu’au bout. Sans rouvrir les yeux, elle prononça les mots qui la condamneraient à jamais au désespoir ou lui ouvriraient les portes du bonheur.

— Je voudrais t’épouser, Tavis.

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** Extrait offert par Terri Brisbin **

Chapitre 1

Lairig Dubh, Ecosse, printemps 1370

Ciara était assise un peu à l’écart, dans un coin de la salle que Duncan avait choisie comme cadre des négociations. C’était une pièce de belles dimensions et plutôt confortable, bien que meublée sans ostentation. Ciara se sentait bien. Les fenêtres étaient ouvertes pour laisser entrer l’air frais du printemps. On avait apporté de la nourriture et des boissons pour les invités. Mais peu se servaient : ils étaient réunis pour négocier, non pour ripailler.

A son habitude, Ciara s’arrangea pour ne croiser le regard de personne. La plupart des hommes présents pensaient probablement qu’elle était une servante. Ciara retint un petit sourire. Elle n’était pas là pour leur servir à boire et à manger ! Non, Ciara Robertson était la digne héritière de Duncan, négociateur attitré du clan MacLerie, et elle mettait à l’épreuve ce qu’il lui avait appris.

L’air de rien, elle écoutait attentivement chaque mot prononcé de part et d’autre et observait les expressions de tous les interlocuteurs, ainsi que la façon dont chacun était assis ou se mouvait pour essayer de comprendre qui détenait réellement le pouvoir dans cette négociation. Ce n’était pas forcément le plus âgé, le plus fortuné ou celui qui parlait le plus fort. Son père le lui avait expliqué bien des fois. Celui qui détenait le véritable pouvoir restait généralement dans l’ombre. Il parlait sans jamais s’énerver et déléguait certaines tâches à des subalternes pour les mettre sur le devant de la scène.

En écoutant les uns et les autres, Ciara avait acquis la certitude que c’était le benjamin des frères MacLaren qui prenait les décisions dans cette série de négociations menées en vue d’un accord de commerce avec leur clan. C’était un autre homme, plus âgé, qui parlait au nom des MacLaren, pourtant elle était persuadée que ce n’était pas lui qui dirigeait les opérations.

La réunion se poursuivit plusieurs heures, sans que Ciara sente le temps passer. Chaque partie tentait d’exposer ses arguments et jouait un jeu de dupes. Ciara s’était retenue de sourire à maintes reprises en voyant son père à l’œuvre pour obtenir le meilleur contrat possible pour les MacLerie : tour à tour, il poussait ses interlocuteurs dans leurs retranchements puis les amadouait, les complimentait…

Lorsque les négociations qui duraient depuis le début de la matinée touchèrent à leur fin, Duncan avait manifestement réussi à amener les MacLaren sur le sentier qu’il désirait leur faire emprunter. L’accord serait certainement conclu dès le lendemain. Satisfaite, Ciara se leva et fit une petite révérence aux hommes du clan MacLaren lorsqu’ils quittèrent la pièce. Elle se tenait prête, disposée à apporter son aide à Duncan s’il la lui demandait.

A présent, elle connaissait sur le bout des doigts sa façon de procéder. Son père ne prenait jamais aucune note durant les pourparlers, mais il se souvenait de chaque mot et de chaque clause approuvée. Une fois la réunion terminée, il écrivait tout ce qu’il avait en tête. Il ne parlerait à personne avant d’avoir terminé.

Entre-temps, Ciara proposa de la bière aux membres du clan qui étaient encore présents dans la pièce. Bientôt, il ne resta plus que le laird et son intendant. Ils attendaient tous les deux le compte rendu de son père, mais celui-ci n’avait pas encore fini de rassembler ses pensées. Il allait bientôt leur expliquer comment il comptait mener ces négociations à leur terme.

Quelques minutes passèrent dans un silence concentré. Ciara en profita pour se délasser un peu les jambes après être restée immobile si longtemps. A vrai dire, le calme et la position assise ne faisaient pas partie de ses habitudes !

Soudain, elle sentit peser sur elle le regard de son oncle Connor. Le laird la fixait mais lorsqu’elle croisa son regard, il sourit et regarda aussitôt ailleurs. Ciara fronça les sourcils. Pourquoi ces mystères ? Si son oncle avait quelque chose à lui dire, il ne se gênait d’ordinaire pas pour le lui faire savoir… Au même instant, son père leva la tête et s’éclaircit la gorge. Signal qu’il était enfin prêt à discuter des progrès effectués durant la journée.

Pourtant, les mots qu’il prononça la prirent par surprise.

— Dis-moi, Ciara, peux-tu nous dire ce que tu as pensé des pourparlers ?

Eh bien, voilà qui changeait encore de l’ordinaire ! Son père aimait à discuter avec elle, certes, mais jusqu’alors il l’avait toujours fait en privé, quand les négociations étaient achevées…

La jeune femme voulut répondre, mais les mots restaient désespérément bloqués au fond de sa gorge. Impossible de dire quelque chose d’utile, de pertinent, maintenant qu’on lui demandait d’exprimer son avis. En privé pourtant, donner son opinion ou formuler des observations ne lui avait jamais causé le moindre problème. Elle appréciait même tellement les débats qu’elle en avait régulièrement avec ses parents ! Seulement, elle ne se souciait alors jamais vraiment de ce qu’elle allait dire.

Mais là, en présence du laird et de son intendant qui semblaient suspendus à ses lèvres, elle avait les mains terriblement moites et l’esprit vide.

— Penses-tu que le laird du clan MacLaren acceptera ma requête et étendra la durée de cet accord ? répéta Duncan d’une voix encourageante.

Galvanisée par cet encouragement discret, Ciara décida de faire comme si les autres n’étaient pas là et de répondre directement à son père.

— Je pense que le laird est tout disposé à étendre la durée de l’accord comme tu le lui as demandé… en revanche, je crains que son jeune frère ne soit pas du même avis. Et c’est son frère qui prendra la décision finale.

Ciara avait donné son avis d’instinct et elle s’en voulut de ne pas avoir réfléchi davantage. Et si elle se trompait ? Et si ses observations étaient complètement erronées ? C’était la première fois qu’on lui permettait d’assister à une délibération en présence des responsables du clan. Avait-elle gâché cette occasion ? Si elle échouait… Comment pourrait-elle l’annoncer à sa mère, elle qui l’avait toujours soutenue et avait même encouragé son éducation peu commune pour une jeune femme ?

Duncan la regarda intensément puis jeta un coup d’œil à Connor. Ciara frissonna. Son oncle savait se montrer intimidant lorsqu’il le désirait et, à cet instant précis, il arborait une mine sévère qui n’augurait rien de bon. Avait-elle commis une erreur ? Elle pressa ses mains l’une contre l’autre pour tenter de contrôler sa nervosité.

— Je te l’avais bien dit, Connor, non ? lança son père, le sourire aux lèvres.

Ciara baissa les yeux, rouge de honte.

— Oui, Duncan, tu me l’avais dit, répliqua le laird d’un ton enjoué. Cette jeune fille fait preuve d’une grande intelligence et voit clair dans leur jeu. Elle les a percés à jour plus rapidement que moi, ajouta-t-il en lui adressant un signe de tête admiratif.

Ciara n’en croyait pas ses oreilles. Elle ébaucha un sourire hésitant, soulagée. Apparemment, elle avait vu juste. Son père était rayonnant. La fierté brillait dans ses yeux et un large sourire fendit son visage.

— Quoi d’autre encore, jeune fille ? demanda le laird. Dis-moi tout ce que tu as remarqué d’autre pendant les discussions.

— Le bétail intéressait davantage son frère que le laird MacLaren. Et je crois qu’il surestime la capacité de ses hommes à prendre les armes en cas de besoin, ajouta-t-elle.

Un peu plus à l’aise désormais, elle expliqua comment elle était parvenue à ces conclusions et répondit aux questions que lui posaient à tour de rôle le laird, l’intendant et son beau-père. Puis, tous quatre se mirent à débattre des concessions qu’ils avaient déjà obtenues et de celles qu’ils désiraient encore obtenir de la part des MacLaren.

Ils furent interrompus un peu plus tard par des coups furieux frappés à la porte.

— Connor, ils ne serviront pas à manger tant que tu n’es pas à table, cria Jocelyne à son époux.

En entrant, elle leur jeta à tous un regard furibond, comme s’ils étaient responsables du retard du laird, même si celui-ci ne semblait pas pressé de dîner.

— Tout le monde attend, et vous, vous êtes là à traîner. Les MacLaren sont déjà à table et attendent leur dîner.

Ciara tenta de réprimer son envie de rire mais finit par laisser échapper un gloussement. Voir cet homme puissant se faire rabrouer par sa femme sans opposer la moindre résistance était irrésistible. Son père lui jeta un regard courroucé pour lui intimer l’ordre de garder sa retenue, toutefois, elle voyait bien que lui aussi trouvait la situation cocasse.

Quelle ironie, alors que sa mère ne se comportait pas autrement avec lui ! Marian n’hésitait pas non plus à dire franchement le fond de sa pensée à son époux. D’ailleurs, elle devait être en train de l’attendre dans le hall pour lui adresser quelques reproches en privé. Tout comme Jocelyne avait tenu sa langue jusqu’au départ de ceux qui ne faisaient pas partie de la famille.

Alors que le laird prenait sa femme par la main et l’emmenait vers la salle à manger, Ciara songea que, contrairement à bon nombre d’hommes, son oncle et son père ne permettaient pas seulement à leurs femmes de se conduire comme elles l’entendaient, ils les acceptaient aussi telles qu’elles étaient. Parce qu’ils les aimaient…

Ces hommes endurcis ne craignaient pas de se montrer faibles en accordant une telle liberté aux femmes, et c’est précisément ce qui révélait leur force. Ciara était consciente que le fait d’accompagner son père pour effectuer des missions pour le laird n’allait pas de soi dans la plupart des autres clans.

Lui accorderait-on les mêmes libertés lorsqu’elle se marierait ? Ce qui ne saurait, hélas, tarder… Elle n’était pas censée être au courant, néanmoins, elle avait entendu ses parents dire à plusieurs reprises qu’elle était en âge de se marier et qu’ils devaient lui trouver un bon parti.

Le temps lui était donc compté. Sa liberté ne durerait pas toujours. La dot importante qu’on lui avait accordée ne ferait qu’accroître les propositions de mariage. Sans oublier sa parenté avec deux clans très puissants — les MacLerie du côté de son père, les Robertson du côté de sa mère — qui faisait d’elle une épouse de choix pour tous ceux qui convoitaient un rapprochement avec l’un ou l’autre de ces clans. Elle aurait droit à un mariage classique, en définitive, un mariage dicté par la raison et la politique. L’homme qui l’épouserait la choisirait en fonction de la valeur marchande qu’on lui attribuait et non pour ses qualités propres…

De toute façon, aucun homme ne saurait s’intéresser à une femme plus instruite que lui ! Une femme qui s’y connaissait en affaires par-dessus le marché ! Les hommes voulaient une femme pour leur tenir chaud au lit, se décharger des tâches domestiques et s’occuper des enfants. Bien malgré eux sans doute, ses parents l’avaient préparée à vivre une tout autre existence. Ce faisant, ils l’avaient condamnée à la solitude. Seule sa dot lui permettrait de lever la plupart des objections de ses prétendants… Ciara retint un soupir désabusé. L’homme qui pourrait l’aimer pour elle-même n’existait pas.

Enfin… il existait bien un homme capable d’apprécier sa supériorité intellectuelle sans s’en formaliser et de voir quelle femme elle était vraiment au fond. Un homme qui l’avait toujours soutenue. Et qui continuerait sûrement à la voir telle qu’elle était.

Tavis.

Toutes ces années, elle avait gardé pour elle ses véritables sentiments envers Tavis. Seule Elizabeth, son amie la plus proche, était dans la confidence. En dépit de son silence, jamais Ciara n’avait abandonné l’espoir de voir un jour Tavis partager ses sentiments. Lorsqu’elle n’était qu’une enfant, ce n’était rien de plus qu’un merveilleux rêve. Aujourd’hui, elle était désormais pleinement consciente de ce que cela impliquait.

Aujourd’hui, elle était prête…

Tavis, hélas, ne l’était pas.

Allons, inutile de s’abandonner à ces pensées moroses ! Elle ferait mieux d’aller dîner. Dans la grande salle, Ciara prit place auprès de ses parents. Le laird la présenta à tous les membres du clan MacLaren et, à part quelques sourcils froncés çà et là, personne n’exprima une quelconque réprobation en entendant son nom. Pendant les pourparlers, ils avaient pensé qu’elle n’était qu’une servante au service des MacLerie. Ils comprenaient désormais la place privilégiée qu’elle occupait.

Et justement, une étincelle d’intérêt s’alluma dans l’œil des frères MacLaren. Seigneur ! Elle viendrait sans aucun doute s’ajouter aux termes de l’accord. Les deux frères échangèrent un coup d’œil rapide, mais éloquent. Ils allaient sûrement joindre une demande en mariage au contrat.

Bouleversée, Ciara resta plongée dans ses pensées le reste du repas. Si elle avait vu juste, il fallait à tout prix réagir rapidement. Elle ne pouvait pas prendre le risque de perdre Tavis à tout jamais. Même si celui-ci était toujours en proie à son terrible chagrin et ne s’était pas remis du décès de sa femme, le temps était venu de leur construire un avenir commun.

* * *

Les négociations aboutirent quelques jours plus tard. Le nom de Ciara avait bel et bien été évoqué au cours des discussions, heureusement, le laird s’était vivement opposé à toute union. Ciara n’était pas pour autant soulagée : elle savait que ce n’était que le début des ennuis. D’autres propositions suivraient. Et bientôt, il n’y aurait plus aucune raison légitime de refuser de considérer les offres qui lui seraient faites.

Il était temps de passer à l’action. Justement, Tavis rentrait tout juste de mission. Alors, elle allait prendre son courage à deux mains et faire la chose la plus audacieuse et la plus terrifiante qu’elle ait jamais eu à faire.

Le cœur en émoi, Ciara attendit la tombée de la nuit pour se faufiler hors de la maison d’Elizabeth et se rendre chez Tavis. Elle voulait être certaine de le trouver seul. Comme il lui serait impossible de sortir de l’enceinte une fois que les portes seraient fermées pour la nuit, elle avait élaboré un plan avec l’aide d’Elizabeth. Son amie couvrirait son absence si les circonstances l’exigeaient. Une fois arrivée devant la maison de Tavis, elle hésita un instant, soudain terrifiée.

Allons, du calme. Elle allait simplement lui dire ce qu’elle ressentait, puis lui poserait la question qui lui brûlait les lèvres depuis tant d’années. Il n’était plus temps de reculer.

Alors qu’elle restait figée devant la porte de Tavis, les mots de son père lui revinrent à la mémoire : « Tu es une femme éduquée, Ciara, tu sais lire et écrire dans cinq langues et tu es devenue habile dans l’art de la négociation. Tu as de nombreux talents et possèdes de solides connaissances dont bien des hommes n’ont même jamais entendu parler. Tu es intelligente, vive d’esprit et tout homme serait heureux de t’avoir pour femme. »

Pourtant, cette fois, ces mots ne lui donnèrent aucun courage. Tavis avait dû l’entendre, car elle l’entendait distinctement s’approcher de l’autre côté de la porte. Ciara prit une profonde inspiration et tenta de maîtriser les battements de son cœur. Lorsqu’il ouvrit la porte et murmura son nom d’une voix étonnée, elle demeura paralysée.

Dieu du ciel, à force de ne plus le voir qu’en de rares occasions, elle avait oublié combien il était beau. Et tellement viril ! Sa chevelure brune flottait librement sur ses épaules. Il était si grand et musclé qu’il remplissait tout l’encadrement de la porte. Comme elle aurait aimé se blottir contre cette poitrine solide et sentir ses bras protecteurs se resserrer autour d’elle. Et lorsqu’elle lèverait les yeux vers son visage, elle lirait l’amour et l’adoration dans son regard…

Pour l’heure, cependant, il n’y avait que de la surprise dans ses yeux verts. Tavis s’approcha d’elle, puis regarda dans l’ombre en direction du chemin d’accès. Il était si proche qu’elle sentait la chaleur qui émanait de son corps. Elle ferma les paupières et s’accorda un court moment pour sentir son odeur… Elle devait se ressaisir au lieu de se comporter comme une idiote muette et paralysée !

— Quelque chose ne va pas, Ciara ? Il est tard, tu sais.

Soudain, l’esprit de Ciara ne fut plus que néant. Elle inspira profondément et se lança.

— Je voudrais te parler, Tavis, dit-elle en entrelaçant ses doigts pour masquer le tremblement qui les agitait.

— Il serait préférable de parler demain matin… au village, dit-il en reculant d’un pas, la privant ainsi de son odeur et de sa chaleur. Ciara, tes parents savent-ils que tu te rends seule à l’autre bout du village à la nuit tombée ?

— Je ne suis plus une enfant, Tavis, et je vis ici depuis suffisamment longtemps pour connaître par cœur chaque chemin et chaque habitant de Lairig Dubh.

— Si je comprends bien, tes parents ignorent donc que tu te promènes toute seule en pleine nuit.

Terriblement nerveuse, Ciara ne répondit pas. Il n’allait quand même pas la renvoyer chez elle comme une enfant désobéissante, sans même l’écouter ? Hors de question. Mais il arborait une expression si sévère qu’elle craignit de se faire chasser sans plus de cérémonie.

— Tu ferais mieux d’entrer, tu vas prendre froid, finit-il par proposer.

Il recula, ouvrit la porte et la laissa entrer. Il ferma le loquet de la porte derrière elle et se dirigea vers la cheminée. D’un geste vague, il lui désigna un tabouret.

Non, elle était trop nerveuse pour tenir en place, mieux valait rester debout. Ciara s’approcha du feu qui se consumait lentement. Elle avait réfléchi aux mots qu’elle voulait employer pendant des jours et des jours, seulement maintenant qu’elle se trouvait chez lui, dans la maison qu’il avait partagée avec Saraid, aucun ne lui venait plus à l’esprit et elle restait désespérément silencieuse.

— Ciara ?

Sa voix grave si familière lui redonna du courage et l’obligea à rassembler ses pensées. Elle devait lui dire ce qu’elle avait sur le cœur. Elle avait toujours aimé la franchise de leurs échanges. Aussi entra-t-elle immédiatement dans le vif du sujet.

— Je suis venue te parler… mariage, Tavis.

Les jambes soudain coupées par l’émotion, elle se laissa tomber sur le tabouret qu’il lui avait proposé. Au moins, elle avait fait le premier pas. Quand elle releva les yeux vers lui, le visage de Tavis s’était rembruni.

— De mariage ? Quelqu’un a demandé ta main ? Qui ? Est-ce que Duncan voit cette union d’un bon œil ?

— Non, non, aucune proposition n’est encouragée pour le moment, répondit-elle aussitôt, inquiète de la colère qu’elle sentait bouillir chez lui. Encore que, vu ma dot et mon âge, ce n’est plus qu’une question de temps.

— Est-ce que tu redoutes le mariage alors ? demanda-t-il d’une voix plus calme. Parles-en à Marian, elle te dira les choses franchement.

Ciara ferma les yeux un instant, pria pour trouver le courage d’aller jusqu’au bout. Sans rouvrir les yeux, elle prononça les mots qui la condamneraient à jamais au désespoir ou lui ouvriraient les portes du bonheur.

— Je voudrais t’épouser, Tavis.

Elle avait dit cela très vite et le temps s’arrêta tout à coup. Elle retint son souffle, les paupières toujours closes. Elle n’entendait pas un bruit. Sauf son cœur qui cognait à grands coups dans sa poitrine. Enfin, elle releva les paupières. Tavis ne bougeait pas. Ses yeux étaient toujours braqués sur elle mais il ne donnait pas l’impression de l’avoir entendue. Il paraissait même avoir cessé de respirer. Des secondes s’écoulèrent. Des minutes peut-être… Leurs regards restaient aimantés l’un à l’autre, comme s’ils étaient incapables de rompre cet instant.

Mais Ciara attendait toujours une réponse et il ne disait absolument rien. Ses joues s’étaient empourprées et elle avait maintenant des crampes d’estomac. Le souffle court, elle repoussa quelques mèches de cheveux qui lui barraient le visage et répéta une nouvelle fois les mots qu’elle venait de prononcer. Peut-être ne les avait-il pas compris la première fois ?

— J’ai dit que je voulais t’épouser.

— Ciara, ne…

Son ton était suppliant.

— J’ai beaucoup à t’offrir, s’empressa-t-elle d’ajouter, soucieuse d’écarter ses objections. Je suis éduquée : je sais lire et écrire dans cinq langues et je m’y connais en négociations. J’ai de nombreux talents, et des connaissances solides dont bien des hommes n’ont jamais entendu parler. On dit même que je suis intelligente, vive d’esprit, et je…

Sa voix mourut dans sa gorge face au spectacle de Tavis. Son visage avait perdu toute couleur. Les choses ne se passaient pas bien… Soudain désespérée et paniquée, Ciara ne put retenir les mots qui lui brûlaient les lèvres depuis tant d’années.

— Je t’aime, Tavis.

Ciara avait bien souvent joué cette scène dans son esprit. Elle avait imaginé toutes sortes de réactions. La surprise. La compréhension. Le consentement… Or, rien de tout cela ne se lisait à présent sur le visage blême de Tavis. Il eut un mouvement de recul, comme s’il avait reçu une gifle. Puis, il se mit à secouer la tête de gauche à droite.

— Ne dis pas des choses pareilles, Ciara. Tu ne sais pas ce que tu dis.

— Bien sûr que si, c’est la vérité. Je t’aime depuis des années, avant même ton mariage avec Saraid…

Seigneur, non ! Les mots avaient dépassé sa pensée… Elle retint aussitôt son souffle et se plaqua la main devant la bouche. Mais il était trop tard. Elle avait prononcé le nom de celle dont il ne parlait jamais.

— Tu ne sais pas de quoi tu parles, Ciara. Nous ne pouvons pas nous marier, et ce pour de multiples raisons, dit-il d’une voix éteinte sans chercher à soutenir son regard.

Il pivota pour lui tourner le dos et se posta face à l’âtre, le corps tendu à l’extrême.

— Je te l’ai déjà dit. Je ne me remarierai jamais, ajouta-t-il.

En dépit du désespoir qui l’envahissait, Ciara était incapable de s’arrêter maintenant qu’elle avait commencé.

— Pourquoi ? Je serai une bonne épouse pour toi, Tavis, implora-t-elle. Et puis mes parents t’aiment bien et te connaissent. Et nous n’aurions pas à quitter Lairig Dubh.

Seul le silence lui répondit. Le cœur brisé en mille éclats, Ciara attendait. Il était insensible à l’amour qu’elle lui portait néanmoins, il allait forcément s’apercevoir que son plan était marqué au sceau du bon sens, n’est-ce pas ?

Il lui fit face tout à coup, les yeux vides et mornes, terrifiants. Elle frissonna devant la profondeur du désespoir qui semblait émaner de tout son être. Alors, elle sut que sa cause était définitivement perdue. Tavis ne serait jamais à elle, ne l’aimerait jamais.

— Tu as reçu une éducation qui fera de toi une épouse merveilleuse, Ciara. Seulement, je ne suis pas l’homme qu’il te faut. Je n’ai rien à t’offrir que tu n’aies déjà… Je ne sais ni lire, ni écrire. Je ne possède pas de fortune et je ne suis pas digne de ton rang. Le laird a de bien plus grands projets pour toi. Il a en tête un mariage qui permettrait de rapprocher des clans. Et ta fortune n’a de sens que si elle vient s’ajouter à celle de ton mari. Moi, je ne suis qu’un simple soldat au service du laird et ma situation ne me permettra jamais de t’épouser.

Il secoua la tête une nouvelle fois en la regardant. Ciara n’entendait rien de ses arguments, elle lisait simplement son refus dans ses yeux. Elle ne pouvait plus retenir ses larmes. Elle savait que le coup final allait lui être porté.

— Je ne peux pas t’aimer, Ciara. J’ai déjà donné mon cœur par le passé et je n’ai plus rien à offrir aujourd’hui.

A ces mots, un sursaut de révolte s’empara d’elle. Elle avait tant d’amour à donner ! Ce serait bien suffisant pour tous les deux…

— Tavis, je t’aime depuis…

— Arrête ! Ne dis pas de telles choses ! s’emporta-t-il.

Puis il se mit à arpenter la chaumière à grands pas. La pièce semblait minuscule, comme envahie par son grand corps. Il reprit :

— Tu n’étais qu’une enfant lorsque tu t’es mis en tête que tu m’aimais. Il est temps de grandir, Ciara. Je me suis simplement occupé d’une petite fille qu’on m’avait demandé d’accompagner à Lairig Dubh et me suis lié d’amitié avec elle lorsqu’elle a grandi. Voilà la véritable nature de notre relation, Ciara, et cela n’ira pas plus loin. Tu dois oublier ces enfantillages maintenant, il n’y aura jamais rien d’autre entre nous.

Ciara vacilla. Les mots qu’il venait de prononcer lui avaient transpercé le cœur comme une lame. Pourtant, la douleur lui ouvrit les yeux. Elle commençait à comprendre. Ce qu’elle avait entrepris était vraiment stupide. Il ne voulait pas d’elle. Il ne l’aimait pas.

Jamais il ne l’épouserait.

Elle l’attendait depuis si longtemps, pourtant. Elle avait d’abord attendu de le voir surmonter le chagrin que la mort de Saraid lui avait causé. Puis elle avait attendu d’être considérée comme une adulte. Hélas, il était clair désormais que son rêve ne se réaliserait jamais.

Ciara s’essuya rageusement les yeux du revers de la main. Quelle humiliation ! Comment avait-elle pu se méprendre à ce point sur les sentiments de Tavis ? Comme une somnambule, elle se leva et se dirigea vers la porte. Il fallait quitter cet endroit au plus vite. Elle souleva le loquet et sortit en trébuchant. L’air frais lui cingla les joues alors qu’elle tentait de reprendre son souffle. Elle se mit à courir sur le chemin, aveuglée par les larmes qui coulaient enfin sur ses joues.

Elle entendit Tavis qui l’appelait, mais refusa de se retourner. Elle ne voulait ni de sa compassion, ni de sa pitié. Elle fila droit devant elle sans réfléchir où ses pas la menaient. Peu après, elle vit qu’elle avait emprunté le chemin qui montait le long de la colline jusqu’à la maison d’Elizabeth. Elle poursuivit sa route. Tavis l’avait sans doute suivie, cela lui était égal désormais. Elle ne s’était pas retournée une seule fois pour vérifier. Elle ne lui ferait pas ce plaisir.

Et lorsque Elizabeth surgit de l’ombre pour venir à sa rencontre, elle se jeta dans ses bras, tandis que son esprit se brouillait et explosait en une myriade de souvenirs et de rêves brisés. Elizabeth ouvrit les bras en grand, l’attira contre elle et la serra très fort, comme pour lui instiller de la force. Même si elle était la plus jeune d’une bonne année, Elizabeth avait toujours paru la plus âgée des deux. Totalement vidée de ses forces, Ciara se laissa faire. Un peu de réconfort ne lui ferait pas de mal…

Quand, enfin, elle parvint à retrouver son souffle, elle se dégagea de son étreinte et s’accrocha au bras d’Elizabeth pour marcher à son côté le reste du chemin. Elles se faufilèrent discrètement à l’intérieur de la maison et se mirent rapidement au lit. Toutes deux savaient qu’elles n’allaient pas dormir cette nuit-là.

Elizabeth la questionna un peu pour obtenir des détails sur la conversation qu’elle avait eue avec Tavis. Cependant, Ciara avait beau avoir envie de soulager son cœur meurtri dans l’oreille attentive de son amie, elle n’en avait pas le courage. Elle ne voulait pas revivre cette scène. Et puis, elle avait l’horrible impression que plus rien n’avait la moindre importance désormais. Une seule vérité revenait sans cesse à son esprit.

— Il ne veut pas m’épouser.

En sortant de son hébétude, Ciara prenait lentement conscience que la situation était pire encore qu’elle ne le croyait. En lui procurant une dot importante, une éducation exceptionnelle et en s’assurant que ses liens avec deux lairds puissants étaient connus de tous, ses parents l’avaient éloignée de Tavis à jamais. Eût-il voulu d’elle, qu’elle était hors de portée.

Ses parents avaient-ils agi ainsi en connaissance de cause ? En faisant d’elle un si bon parti, s’étaient-ils rendu compte que ses prétendants seraient forcément extérieurs au clan MacLerie et au clan Robertson ? Souhaitaient-ils donc la voir quitter Lairig Dubh ?

Toutes ces questions l’agitèrent cette nuit-là, et les nuits suivantes. Comment allait-elle s’y prendre pour se remettre d’une telle douleur ? Comment vivre désormais, sans ce rêve qui l’avait portée depuis son plus jeune âge ?

* * *

Les jours et les mois qui suivirent furent éprouvants pour Ciara. D’abord dévastée, elle reprit le dessus grâce à son caractère combatif, et si elle se sentait inerte et vide à l’intérieur, elle refusait que qui que ce soit puisse lire en elle son désespoir.

Par chance — à moins que ce ne fût intentionnel — Tavis partait très fréquemment en voyage pour le compte du laird et elle ne le revit pas pendant plusieurs semaines. Lorsqu’ils se croisèrent enfin, sa honte, à défaut de sa douleur, s’était atténuée, elle en arrivait presque à croire qu’elle avait complètement imaginé leur rencontre.

Le reste du temps, elle le passait à se convaincre du bien-fondé de la réaction de Tavis. C’était lui qui avait eu raison, finalement. Toute cette histoire n’était que pur enfantillage.

Aussi, lorsqu’on lui présenta de possibles prétendants, Ciara tenta de se convaincre qu’il était peut-être temps d’oublier ses rêves de petite fille et d’affronter les réalités de l’âge adulte.

Un soir, quelques mois plus tard, au cours du dîner, son père l’informa qu’il venait de recevoir une proposition de mariage tout à fait intéressante. Tavis était à table en leur compagnie et ne manifesta aucune réaction particulière à l’annonce de cette nouvelle.

Etouffant sa peine, Ciara s’efforça d’accepter la réalité. Il lui faudrait bien se résoudre à épouser un homme qu’elle n’aimerait jamais.

Car, même si elle avait beaucoup mûri ces derniers mois, même si elle avait bien conscience que ses sentiments envers Tavis étaient insensés, qu’il ne l’aimerait jamais, elle savait aussi que, pour sa part, elle lui avait donné son cœur. A jamais…

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** Extrait offert par Terri Brisbin **

Prologue

— Si seulement elle pouvait disparaître !

Ciara venait de murmurer son désir secret à l’oreille de sa meilleure amie sans l’ombre d’une hésitation. Elle pouvait parler avec Elizabeth à cœur ouvert. Les mots qu’elle venait de prononcer étaient terribles, elle en avait parfaitement conscience. Ils faisaient d’elle une personne fort peu recommandable… A neuf ans à peine, elle avait déjà l’âme d’une criminelle. Pis encore, la seule chose qui la troublait réellement, c’était l’idée du châtiment divin qui l’attendait si elle disparaissait pour de bon.

La femme haïe n’avait d’yeux que pour l’homme qui l’attendait à la porte de l’église. Elle se dirigeait droit sur lui sans même jeter un regard autour d’elle. Comble de malheur, lui aussi la regardait avec une intensité incroyable. Ciara la détesta un peu plus encore. Impuissante, elle assistait à une véritable scène d’amour. Son cœur se mit à saigner dans sa poitrine soudain oppressée.

— Tu veux qu’on la fasse trébucher ? chuchota Elizabeth, apparemment déterminée à lui prêter main-forte.

La flaque de boue qui bordait le chemin était terriblement tentante mais Ciara secoua la tête. Quel intérêt ? A voir la façon dont Tavis regardait Saraid, cette dernière aurait bien pu être crottée de la tête aux pieds que cela n’y aurait rien changé. La force des sentiments qui unissaient Tavis et la femme qu’il était sur le point d’épouser était une évidence. Si on lui demandait un jour à quoi ressemblait l’amour, Ciara pourrait décrire avec précision l’expression qu’elle avait vue dans les yeux de Tavis alors qu’il regardait sa future épouse.

— Non, Elizabeth, laissons-la tranquille, cela n’en vaut pas la peine, murmura Ciara en détournant la tête.

Elizabeth suivait des yeux le couple qui entrait maintenant dans l’église.

— Que vas-tu faire alors ?

Ciara se contenta de hausser les épaules. Les portes de l’église étaient restées ouvertes et, si elle l’avait voulu, elle aurait pu observer toute la cérémonie et entendre Tavis et Saraid promettre de s’aimer et de se chérir toute leur vie. C’était trop lui demander !

Les yeux secs et le cœur douloureux, elle courut se réfugier dans sa cachette préférée pour pouvoir y réfléchir au calme. Sans un regard en arrière, elle abandonna Elizabeth sur les marches de l’église.

Quelques heures plus tard, Ciara était plus ou moins parvenue à la résignation. Qu’elle le veuille ou non, elle devait accepter la réalité. Quel choix avait-elle ? Elle ne pouvait tout de même pas tuer Saraid ! Et vouloir du mal à une femme innocente par jalousie était indigne. Aussi, il ne lui restait qu’une seule chose à faire.

Attendre.

Attendre le bon moment. Un jour, elle le savait, elle pourrait aimer Tavis au grand jour, elle parviendrait à gagner son amour. D’ici là, elle ne devait rien faire pour perdre son amitié.

Elle était encore jeune. Elle pouvait attendre.

Et elle allait commencer dès aujourd’hui.

* * *

Par bonheur, en dépit de son mariage, Tavis continua à lui accorder son attention et leur amitié insolite se poursuivit.

De son côté, Ciara mit à profit les années qui passaient pour s’instruire. Elle aimait étudier et acquérir chaque jour de nouvelles connaissances. Son père — qui était en réalité son beau-père — l’encourageait dans cette voie. Duncan MacLerie était le négociateur attitré du clan et travaillait pour son frère, le laird Connor. Au fur et à mesure qu’elle s’instruisait, il lui parlait de plus en plus souvent des missions qu’il menait. Ainsi, elle était souvent présente lors des visites que Tavis faisait à son beau-père pour lui rendre compte des missions qui lui avait été assignées au nom du clan.

Ce jour-là justement, Tavis raccompagnait Ciara chez elle, alors qu’il rentrait tout juste de mission. Fière et enthousiaste, elle en profita pour lui débiter tout ce qu’elle avait appris durant sa semaine d’absence.

— Amor vincit omnia, lança-t-elle d’une voix assurée.

« L’amour triomphe de tout. » Elle adorait le latin et elle avait plutôt un bon niveau. Elle avait entendu son précepteur le dire à ses parents. Peine perdue. Tavis se contenta de rire et de hausser les épaules.

— Je ne connais pas le latin. Je ne suis pas instruit comme toi, tu le sais bien. Je ne sais parler que le gaélique et un peu d’écossais et d’anglais.

Heureusement, il avait conservé son ton enjoué. Au moins, leur différence d’instruction ne le gênait pas. Il ne paraissait jamais blessé lorsqu’elle montrait ses connaissances, et l’encourageait toujours. Les hommes n’étaient pas souvent aussi tolérants avec les jeunes filles trop instruites, son père le lui rappelait sans cesse.

— Je pourrais t’apprendre certains mots, proposa-t-elle. Je pourrais même t’apprendre à lire.

En tant qu’amie, elle devait l’aider autant que possible, n’est-ce pas ?

— Allons, allons, à ton âge, il y a d’autres choses auxquelles tu devrais consacrer ton temps, jeune fille, répliqua-t-il en lui faisant un clin d’œil entendu.

Seigneur ! Sa mère avait dû avoir une conversation avec lui, une fois de plus. Ciara imaginait sans peine Marian se plaindre auprès de Tavis que sa fille de treize ans ne pensait qu’à ses leçons de latin et méprisait ouvertement les travaux si féminins d’aiguille ou de tissage. Elle voyait la scène d’ici… De fait, sa mère disait vrai. Autant elle étudiait les langues et les nombres avec une grande application, autant elle ne parvenait pas à prendre les travaux d’aiguille au sérieux. Ils étaient d’un ennui…

— Je déteste la couture, maugréa-t-elle en croisant les bras sur la poitrine, boudeuse.

Pour faire bonne mesure, elle releva le menton dans un geste de défi. Tavis n’allait tout de même pas prendre le parti de sa mère contre elle ?

— Tu sais, Ciara, il ne faut pas sous-estimer l’importance des travaux d’aiguille. C’est une noble tâche et d’une grande utilité, par ailleurs. C’est tout aussi important que de savoir manier les nombres, que de parler cinq langues ou de lire.

Il la tira par la main et ils se remirent en route.

— Dis-moi, Tavis, il y a quelque chose que je ne comprends pas. Si la couture est un art si noble, pourquoi ne l’apprends-tu pas ? demanda-t-elle irrévérencieusement tout en repoussant la main de Tavis d’un geste capricieux.

Qu’allait-il répondre à cela ? C’était trop facile en tant qu’homme de condamner sa désaffection des corvées féminines ! Elle ne se laisserait pas faire ! Bien évidemment, elle comprenait les rôles différents qui étaient impartis aux hommes et aux femmes.

Seulement, comme elle possédait de plus en plus de connaissances et d’expérience, elle doutait de pouvoir un jour retourner à la petite existence étriquée normalement dévolue à une jeune femme de son âge. Son père avait-il seulement conscience qu’en lui permettant de recevoir une éducation qui surpassait celle des autres jeunes filles, il avait créé chez elle un besoin irrépressible d’en apprendre toujours davantage ?

— C’est fait. Sache que je sais déjà coudre, ma belle. Bien des guerriers ont recours à quelques travaux de couture après une bataille.

Ciara resta un instant sans voix. Il l’avait bien eue. Visiblement content de lui, Tavis lui adressa ce sourire exaspérant dont il avait le secret. Il sortait victorieux de leur joute et il ne lui laisserait pas l’ignorer, le goujat ! Avant qu’elle ait pu répliquer, néanmoins, ils arrivaient devant sa porte.

Ciara fit la moue, agacée. Pourquoi lui avait-elle lancé un défi aussi idiot ? Mais toute bouderie disparut lorsque Tavis lui prit délicatement le menton dans une main pour la regarder droit dans les yeux.

— Ma sœur et Saraid pourraient t’apprendre. Elles sont toutes les deux très douées en couture.

Jetant un coup d’œil par-dessus son épaule en direction de la porte de la maison, il se pencha vers elle et murmura :

— Et elles sont sûrement plus patientes que ta mère… Et surtout, ne va pas t’amuser à lui répéter ce que je viens de te dire…

Il la relâcha, et Ciara se sentit étrangement seule et glacée à présent que ce contact était rompu. Elle n’eut guère le temps de se perdre en rêveries cependant, car Tavis faisait mine d’entrer chez elle.

— Je pourrais peut-être aller en parler à Duncan et Marian. Qu’en penses-tu ?

Seigneur, ayez pitié ! Elle s’était piégée toute seule et allait se retrouver obligée de faire la chose qu’elle redoutait le plus au monde. Tout cela parce qu’elle avait voulu étaler son savoir. Son manque d’humilité la perdrait. Mais elle n’allait pas pour autant reconnaître sa défaite ! Tant que Tavis ne devinait pas son trouble, son honneur était sauf… L’air indifférent, elle opina et se dirigea vers la maison. Elle avait presque atteint la porte quand il lui souffla à l’oreille, moqueur :

— Je te laisse parler à ta mère. Je vais prévenir Saraid que tu viendras chez nous demain.

Sans se retourner, Ciara poussa la porte du pied puis fit claquer le battant derrière elle avec une telle force que l’encadrement vibra. De l’autre côté de la porte, Tavis éclata d’un rire joyeux.

Furieuse, Ciara courut jusqu’à sa chambre. Elle payait cher son orgueil. Quel calvaire de s’adonner à la couture et à la broderie ! Pis encore, en compagnie de Saraid ! Hélas, elle n’avait plus le choix. Elle laissa échapper un soupir d’exaspération et se laissa tomber sur une chaise. Son regard se posa immédiatement sur la collection d’animaux de bois qui se trouvaient sur la tablette de la cheminée.

Tavis était son ami depuis toujours, plus exactement depuis ses cinq ans. A l’époque, il était venu la chercher à Dunalastair où elle vivait avec sa mère pour les amener à Lairig Dubh, afin que Marian épouse Duncan, l’homme qu’elle considérait aujourd’hui comme son père.

Le mariage de ses parents, l’exemple qu’elle avait eu sous les yeux depuis son plus jeune âge, était un mariage d’amour. Aussi, elle savait reconnaître l’amour quand elle le voyait. Or, elle ne pouvait le nier, Tavis et Saraid s’aimaient. Tavis faisait tout ce qui était en son pouvoir pour rendre sa femme heureuse.

Cependant, en dépit des années écoulées, Ciara n’avait jamais vraiment réussi à admettre que Tavis appartenait à une autre. Sauf lorsqu’elle le voyait en compagnie de sa femme ; alors, elle ne pouvait plus ignorer qu’elle avait sous les yeux un bel exemple d’amour véritable. Et cela lui brisait le cœur… chaque fois.

Allons ! Courage ! Si Tavis aimait Saraid d’un amour sincère, elle aimait Tavis avec une passion sans limites. Elle était bien décidée à faire l’impossible pour lui. Même si cela signifiait apprendre à manier une aiguille et du fil en compagnie de sa rivale.

Le lendemain et les jours suivants, Ciara se présenta à la porte de Saraid pour apprendre à coudre. Après les leçons, elle restait même pour l’aider à effectuer ses tâches domestiques. Parfois aussi, elle restait uniquement pour profiter de l’occasion de voir Tavis. Saraid, apparemment nullement jalouse que Ciara ait une telle importance aux yeux de son mari, acceptait volontiers sa présence et son aide. Tant et si bien que Ciara finit par se lier d’amitié avec elle.

La vie s’écoula ainsi paisiblement. Ciara continua à s’instruire et à développer ses talents, car Duncan lui permettait de plus en plus de l’assister dans son travail. Son père était désormais entièrement dévoué au service du laird MacLerie, et il mettait tout en œuvre pour que Ciara puisse un jour lui succéder comme négociatrice.

Si Ciara n’était pas complètement heureuse, elle n’était pas non plus malheureuse. L’amour de ses parents, l’amitié de Tavis et même sa relation avec Saraid lui apportaient un équilibre agréable. La vie aurait pu s’écouler ainsi indéfiniment… sans le décès soudain de Saraid. Fou de chagrin, Tavis se mura alors dans le silence et prit ses distances avec elle, comme avec tout le reste du clan.

En dépit de son désespoir, Ciara n’abandonna pas. Inexorablement, elle revenait auprès de Tavis pour l’empêcher de sombrer définitivement dans la solitude et la folie. Hélas, ils avaient beau avoir été très proches, rien de ce que Ciara disait ou faisait ne semblait trouver le moindre écho en lui. Rien ne paraissait pouvoir l’aider à surmonter sa douleur.

Il fallut beaucoup de temps et d’efforts, avant de retrouver un peu de la complicité qui les liait autrefois. Hélas, lorsque Tavis s’aperçut que Ciara avait grandi et était désormais presque une adulte, leurs relations s’en trouvèrent affectées.

Il acceptait un nombre croissant de missions et passait son temps à voyager pour le compte du laird. Sans doute cherchait-il à fuir le village et sa maison qui devait lui sembler terriblement vide. Mais Ciara avait également la douloureuse impression qu’il la fuyait, elle, plus particulièrement.

Pour oublier sa mélancolie, elle se noya dans les études et continua à élargir son savoir. Son père lui permettait désormais de l’accompagner lors de ses déplacements et de lire tous les contrats et documents qu’il rédigeait dans le cadre des négociations menées au nom du laird. Cette activité avait le grand mérite de ne lui laisser que peu de temps pour les travaux d’aiguille et autres occupations réservées aux femmes. Et cela lui convenait à merveille. Hélas, Tavis se concentrait uniquement sur les missions que le laird lui confiait et ne remarquait apparemment rien de tout ce qu’elle entreprenait.

Aussi continua-t-elle à attendre son heure… Le moment viendrait pour eux, Ciara en était convaincue.

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— Tu veux qu’on la fasse trébucher ? chuchota Elizabeth, apparemment déterminée à lui prêter main-forte.

La flaque de boue qui bordait le chemin était terriblement tentante mais Ciara secoua la tête. Quel intérêt ? A voir la façon dont Tavis regardait Saraid, cette dernière aurait bien pu être crottée de la tête aux pieds que cela n’y aurait rien changé. La force des sentiments qui unissaient Tavis et la femme qu’il était sur le point d’épouser était une évidence. Si on lui demandait un jour à quoi ressemblait l’amour, Ciara pourrait décrire avec précision l’expression qu’elle avait vue dans les yeux de Tavis alors qu’il regardait sa future épouse.

— Non, Elizabeth, laissons-la tranquille, cela n’en vaut pas la peine, murmura Ciara en détournant la tête.

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