Extraits

Chapitre Premier

Les pas résonnèrent à la lisière de sa conscience. Même dans son sommeil, Cung Co Phong les reconnut immédiatement. Quelque part au fond de son inconscient, Phong réalisait qu’il dormait et qu’il ne voulait pas se réveiller. Mais les pas si familiers et haïs étaient venus le débusquer jusque dans son sommeil, sa seule évasion.

Phong se réveilla en sursaut, couvert de sueur froide.

Les Américains continuaient à dormir. Plus rien ne semblait pouvoir déranger leur sommeil. Ils étaient au camp 55 depuis si longtemps qu’ils avaient cessé de craindre la colère du capitaine Dai. Mais Phong avait de bonnes raisons d’avoir peur du capitaine Dai : il savait que l’autre voulait le briser. Il en avait même fait son affaire personnelle.

Phong se releva. La hutte était encore plongée dans l’obscurité. Les pas s’immobilisèrent devant la porte de rotin. Son cœur battait si fort qu’il remarqua seulement alors l’activité qui régnait dans le camp : mouvements de troupes, bruits de pelles et, plus étonnant encore, ronflements de camions. Beaucoup de camions. Et d’autres véhicules. L’essence était sévèrement rationnée depuis bien avant la naissance Phong, dans la province de Quang Tri.

Chapitre 2

Son nom était Remo et il regardait les deux hommes se lancer des pierres.

C’était un deal qui avait mal tourné. Remo avait été envoyé là, à Brownsville, Texas, pour s’occuper de Fester Doggins. Fester était un trafiquant de drogue. C’est lui qui avait provoqué le déplacement du trafic de la Floride sur la côte texane. La DEA 3 avait été si efficace dans ses interceptions en Floride que les barons du cartel colombien avaient décidé d’ouvrir un second front, plus à l’ouest. Fester Doggins était leur contact américain et il faisait dans le commerce de gros. Aussi Rem avait-il reçu l’ordre de « terminer » son fonds de commerce et de le « terminer » par la même occasion.

Remo attendait à l’embouchure de la petite rivière que, selon Smith, employeur de Remo, Fester Doggins utilisait régulièrement. Remo était assis sur un promontoire rocheux, balançant ses jambes dans le vide. De là, il avait une vue dominante de toute l’embouchure.

A coté de lui, Copra Inisfree était toujours échouée sur le plancher. S'arrachant à sa stupeur, Remo glissa jusqu'à elle.

- Je suis blessée, je suis blessée, répétait inlassablement la grosse Noire. Mais qu'est-ce que ça va faire comme tabac sur l'Audimat !

Remo laissa tomber le corps. Alors ils entendirent tous un bruit de branchages brisés et un choc sourd de noix de coco tombant au sol. Puis ce fut le silence.

Dick Youngblood se détourna et vomit bruyamment.

Chiun examina la main de Remo. Il n'y avait pas une marque, pas même une goutte de sang.

- C'est déjà mieux, affirma-t-il d'un ton satisfait. Je croyais que tu n'arrivais pas à le tuer.

- Je me suis souvenu d'une chose, lâcha Remo.

- Quoi donc?

- Les Nords-Vietnamiens n'ont jamais signé la convention de Genève.