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— Laisse tomber, Jacqui ! Nous sommes sur une fausse piste.
Dans le brouhaha ambiant provoqué par le trafic, Imran avait dû crier pour se faire entendre.
— Pas question, répliqua Jacqui en secouant la tête. Tu verras : notre peine sera récompensée.
Il le fallait. L’occasion leur était enfin donnée de pouvoir interviewer le leader de l’opposition le plus charismatique du moment : un réformateur que les autorités s’évertuaient à museler.
Malgré la conviction qu’elle affichait, Jacqui ressentait un malaise diffus. Cette rue embouteillée lui paraissait étrangement familière, comme si elle l’avait déjà arpentée. Les effluves qui s’en dégageaient, mélange de poussière, de sueur et d’épices, provoquaient en elle une légère nausée.
Pivotant sur ses talons, elle chercha du regard la silhouette d’Imran. Comme il semblait avoir disparu, une sourde angoisse l’étreignit.
— Imran ?
— Je suis là, Jacqui.
Soulagée, elle le vit approcher, tout sourires, avec son appareil-photo. Pendant un instant, une frayeur atroce l’avait traversée.
Mais de quoi avait-elle eu si peur ? Elle n’en avait pas la moindre idée.
Confuse, elle porta une main à sa tête, tout en essayant de remettre de l’ordre dans ses pensées. Le travail, voilà ce qui comptait. Cet article serait leur meilleure histoire. Le directeur de l’information n’en reviendrait pas qu’ils lui rapportent cette interview exclusive. Enfin, l’occasion se présentait de dénoncer le régime d’oppression qui régnait dans ce pays. Les grandes puissances de ce monde ne pourraient plus feindre l’ignorance face aux violences perpétrées.
— Allons, Jacqui, ne traînons pas, l’enjoignit Imran.
Sur ces mots, il se fraya un passage dans la foule. Jacqui voulut le suivre, mais une force contraire semblait la retenir. Au prix d’un effort suprême, elle parvint à avancer de quelques mètres. Comme la silhouette d’Imran se perdait à l’horizon, elle ouvrit la bouche pour crier son nom, lui dire de s’arrêter, mais sa gorge se serra, l’empêchant de proférer le moindre son.
C’est alors que l’horreur se produisit : une vibration sourde suivie d’une secousse qui fit trembler la terre sous ses pieds. Un bruit de tonnerre d’une violence inouïe s’éleva dans les airs, accompagné de hurlements de terreur.
Sortant brutalement de sa torpeur, Jacqui se mit à courir à perdre haleine dans la direction prise par Imran. Alors que la foule autour d’elle fuyait en tous sens, menaçant de l’écraser sur son passage, un spectacle apocalyptique s’offrit à sa vue. Là où la terre s’était ouverte après l’explosion de la bombe reposaient des dizaines de corps sanguinolents parmi lesquels elle reconnut celui d’Imran…
Quand enfin elle retrouva sa voix, un cri déchirant s’échappa de sa gorge…
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